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forte, que ces amas d'ordures, de fueur & de craffe l'avoient rempli d'une vermine qui le defféchoit, & qui avoit produit des abcès fur tout fon corps. Il n'écoutoit là-deffus aucune remontrance, & il fallut ufer d'artifice pour vaincre fon opiniâtreté. On fit venir dix hommes de la plus haute taille, mafqués, qui ne parloient point, & qui vêtus de blanc avoient l'air de phantômes. Ils s'approchèrent brufquement du Roi, le faifirent, le deshabillèrent, le nettoyèrent, le firent changer de linge, & le forcèrent de fe mettre au lit. Le Roi épouvanté fe foumit depuis avec affez de docilité à tout ce que les Médecins lui ordonnèrent. L'Auteur ne parle point d'un autre expédient beaucoup plus naturel dont on fe fervit pour engager ce Prince à changer de linge, & à fe coucher entre deux draps; ce qu'il n'avoit pas voulu faire pendant près de cinq mois. On lui amenoit tous les foirs, dit l'Abbé de Choifi, la fille d'un Marchand de chevaux, qui étoit fort belle, & qu'on appelloit communément & publiquement la petite Reine. Il en eut une fille (Marguerite de Valois) à qui l'on donna en dot, en la mariant au Sire d'Har

pedène, la terre de Belleville en Poitou La mère s'appelloit Odette de Champdivers. Charles l'aimoit éperdûment; mais elle ne le recevoit dans fon lit, qu'après qu'il avoit changé de linge.

Mademoiselle de Luffan ne dit rien. non plus des cartes à jouer, qui furent inventées à l'occafion de la maladie du Roi. Pour égayer ce Prince dans fes momens de trifteffe & de mélancolie, un Peintre lui préfenta de petites figures peintes fur des feuilles de carton, qui formoient l'image d'un Royaume. Il y avoit des Rois, des Reines, des Chevaliers ou Valets. Ceux-ci repréfentoient la Nobleffe; le cœur défignoit les gens d'Eglife; le pique, les Militaires ; le trefflè les Laboureurs, & le carreau les Artifans. Les différentes combinaisons de ces figures ont donné lieu dans la fuite aux différens jeux de cartes. Encore une fois, dans l'hiftoire particulière d'un Prince, fur-tout dans une hiftoire en neuf volumes, on s'attend à trouver plufieurs traits curieux qui ne fçauroient entrer dans les hiftoires générales. Vous voyez cependant que l'Auteur a négligé de nous apprendre des anecdotes affez intéreffan

fieurs touchant ce Prince dans fes Efais Hiftoriques fur Paris. En voici une, par exemple, qui eft encore échappée à Mademoifelle de Luffan. Charles VI fit venir un jour la Gouvernante de fes enfans, qui lui avoua que fouvent ils n'avoient ni de quoi manger ni de quoi se vêtir. Je ne fais pas mieux traité, répondit-il en foupirant, en lui donnant, pour la vendre, une coupe d'or dans laquelle il venoit de boire. Le Duc d'Orléans & la Reine profitoient de fa maladie pour s'approprier les revenus de la Couronne, & les diffiper en dépenfes fuperflues, tandis que le Roi & fes enfans manquoient fouvent du nécessaire.

Ce Prince, qui depuis long-temps n'avoit prefque plus de part à la vie, en fortit enfin dans la cinquante-quatrième année de fon âge, le 25 Octobre 1422, après avoir porté le nom de Roi pendant l'efpace de 42 ans. Il mourut à l'Hôtel de S. Paul dans une espèce d'obfcurité, abandonné & prefque oublié de tout le monde. Il fut enterré à Saint Denis, & il ne fe trouva pas un feul Prince du Sang à fes funérailles. Ce Monarque n'a proprement regné que quatre ans. Mais durant ce peu de temps il fe fit aimer de

fon peuple avec tant de paffion, que ni fes malheurs ni les affreufes calamités de fon regne n'affoiblirent jamais leur tendreffe. Sa mort fut le feul terme de leur amour; auffi le furnommèrent-ils le Bien-aimé.

S'il faut vous dire préfentement, Monfieur, ce que je penfe de l'ouvrage de Mademoiselle de Luffan, il me femble que, fans rien omettre d'effentiel à fon fujet, je dis même en y ajoutant toutes les anecdotes curieufes qu'elle a dédaignées, elle auroit pu réduire fon travail à moins de Volumes. La plupart des faits pouvoient être plus ferrés, & le récit moins prolixe. Les réfléxions ne font ni trop longues ni trop fréquentes; mais elles ne font pas toujours affez naturelles. On a voulu leur donner un air épigrammatique ; je n'en citerai qu'un exemple. Dans une fédition des Parifiens, on attaqua les Juifs, on leur enleva leurs biens, leurs enfans; & ils n'évitèrent la mort qu'en fe réfugiant au Châtelet. Sur quoi Mademoiselle de Luffan remarque qu'ils confervèrent leur vie & leur liberté » dans le lieu même où on perd l'une, » & où on eft en danger de l'autre. » Le

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fieurs touchant ce Prince dans fes Effais Hiftoriques fur Paris. En voici une, par exemple, qui eft encore échappée à Mademoifelle de Luffan. Charles VI fit venir un jour la Gouvernante de fes enfans, qui lui avoua que fouvent ils n'avoient ni de quoi manger ni de quoi fe vêtir. Je ne fais pas mieux traité, répondit-il en foupirant, en lui donnant, pour la vendre, une coupe d'or dans laquelle il venoit de boire. Le Duc d'Orléans & la Reine profitoient de fa maladie pour s'approprier les revenus de la Couronne, & les diffiper en dépenfes fuperflues, tandis que le Roi & fes enfans manquoient fouvent du nécessaire.

Ce Prince, qui depuis long-temps n'avoit prefque plus de part à la vie, en fortit enfin dans la cinquante-quatrième année de fon âge, le 20 Octobre 1422, après avoir porté le nom de Roi pendant l'efpace de 42 ans. Il mourut à l'Hôtel de S. Paul dans une efpèce d'obfcurité, abandonné & prefque oublié de tout le monde. Il fut enterré à Saint Denis, & il ne fe trouva pas un feul Prince du Sang à fes funérailles. Ce Monarque n'a proprement regné que quatre ans. Mais durant ce peu de temps il fe fit aimer de

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