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sente, ou de celles qui n'existent plus? si c'est dans les antiquités obscures et contestées de l'histoire qu'un homme d'état doit chercher la règle de sa conduite; ou si cet homme doit avoir le génie et la fermeté de M. Pitt, savoir où est la puissance, où tend l'opinion, où l'on peut prendre son point d'appui pour agir sur la nation? Car sans la nation on ne peut rien, et avec elle on peut tout, excepté ce qui tend à l'avilir elle-même les baïonnettes servent seules à ce triste but. En recourant à l'histoire du passé, comme à la loi et aux prophètes, il arrive en effet à l'histoire ce qui est arrivé à la loi et aux prophètes; elle devient le sujet d'une guerre d'interprétation interminable. S'agit-il aujourd'hui de savoir, d'après les diplômes du temps, si un roi méchant, Philippe-le-Bel, ou un roi fou, Charles VI, ont eu des ministres qui, en leur nom, aient permis à la nation d'être quelque chose? Au reste, les faits de l'histoire de France, bien loin de servir d'appui à la doctrine que nous combattons, confirment l'existence d'un pacte primitif entre la nation et les rois, autant que la raison humaine en démontre la nécessité. Je crois avoir prouvé qu'en Europe, comme en France, ce qui est ancien, c'est la liberté; ce qui est moderne, c'est le

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despotisme; et que ces défenseurs des droits des nations qu'on se plaît à représenter comme des novateurs, n'ont pas cessé d'invoquer le passé. Quand cette vérité ne seroit pas évidente, il n'en résulteroit qu'un devoir plus pressant d'inaugurer le règne de la justice qui n'auroit pas encore été mis en vigueur. Mais les principes de liberté sont tellement gravés dans le cœur de l'homme, que, si l'histoire de tous les gouvernemens offre le tableau des efforts du pouvoir pour envahir, elle présente aussi celui de la lutte des peuples contre ces efforts.

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De la doctrine politique de quelques émigrés françois et de leurs adhérens.

LES opposans à la révolution de France, en 1789, nobles, prêtres et magistrats, ne se lassoient pas de répéter qu'aucun changement dans le gouvernement n'étoit nécessaire, parce que les corps intermédiaires existans alors suffisoient pour prévenir le despotisme; et maintenant ils proclament le despotisme comme le rétablissement de l'ancien régime. Cette inconséquence dans les principes est une conséquence dans les intérêts. Quand les privilégiés servoient de limite à l'autorité des rois, ils étoient contre le pouvoir arbitraire de la couronne; mais, depuis que la nation a su se mettre à la place des privilégiés, ils se sont ralliés à la prérogative royale, et veulent faire considérer toute opposition constitutionnelle, et toute liberté politique, comme une rébellion.

Ils fondent la puissance des rois sur le droit divin: absurde doctrine qui a perdu les Stuarts, et que dès lors même leurs adhérens les plus

éclairés repoussoient en leur nom, craignant de leur fermer à jamais l'entrée de l'Angleterre. Lord Erskine, dans son admirable plaidoyer en faveur du doyen de Saint-Asaph, sur une ques tion de liberté de la presse, cite d'abord le traité de Locke, concernant la question du droit divin et de l'obéissance passive, dans lequel ce célèbre philosophe déclare positivement que tout agent de l'autorité royale, qui dépasse la latitude accordée par la loi, doit être considéré comme l'instrument de la tyrannie, et que sous ce rapport il est permis de lui fermer sa maison, et de le repousser par la force, comme si l'on étoit attaqué par un brigand ou par un pirate. Locke se fait à lui-même l'objection tant répétée, qu'une telle doctrine répandue parmi les peuples peut encourager les insurrections. << Il n'existe aucune vérité, dit-il, qui ne puisse >> conduire à l'erreur, ni aucun remède qui ne

puisse devenir un poison. Il n'est aucun des >> dons que nous tenons de la bonté de Dieu, >> dont nous puissions faire usage, si l'abus qui >> en est possible devoit nous en priver. On n'au> roit pas dû publier les Évangiles; car, bien » qu'ils soient le fondement de toutes les obli»gations morales qui unissent les hommes en » société, cependant la connoissance imparfaite

» et l'étude mal entendue de ces saintes paroles >> a conduit beaucoup d'hommes à la folie. Les >> armes nécessaires à la défense peuvent servir >> à la vengeance et au meurtre. Le feu qui nous >> réchauffe expose à l'incendie; les médica>> mens qui nous guérissent peuvent nous don» ner la mort. Enfin on ne pourroit éclairer >> les hommes sur aucun point de gouverne»ment, on ne pourroit profiter d'aucune des leçons de l'histoire, si les excès auxquels les >> faux raisonnemens peuvent porter, étoient >> toujours présentés comme un motif pour in» terdire la pensée.

» Les sentimens de M. Locke, dit lord Ers>> kine, ont été publiés trois ans après l'avène>> ment du roi Guillaume au trône d'Angleterre, >> et lorsque ce monarque avoit élevé l'auteur >> à un haut rang dans l'état. Mais Bolingbrake, >>> non moins célèbre que Locke dans la répu» blique des lettres et sur le théâtre du monde, » s'exprime de même sur cette question. Lui

qui s'étoit armé pour faire remonter Jacques II » sur le trône, il attachoit beaucoup de prix à >> justifier les jacobites de ce qu'il considéroit » comme une dangereuse calomnie ; l'impu»tation de vouloir fonder les prétentions de » Jacques II sur le droit divin, et non sur la

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