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Aucune confiscation, aucun exil, aucune ara restation illégale n'a eu lieu pendant dix mois : quel progrès en sortant de quinze ans de tyrannie! A peine si l'Angleterre est arrivée à ce noble bonheur trente ans après la mort de Cromwel! Enfin il n'étoit pas douteux

que dans la session suivante on n'eût décrété la liberté de la presse. Or, l'on peut appliquer à cette loi, la première d'un état libre, les paroles de l'écriture: «< Que la lumière soit, et la lumière >> fut. >>>

La plus grande erreur de la charte, le mode d'élection et les conditions d'éligibilité, étoit déjà reconnue par tous les hommes éclairés, et des changemens à cet égard auroient été la conséquence naturelle de la liberté de la presse, puisqu'elle met toujours les grandes vérités en évidence: l'esprit, le talent d'écrire, l'exercice de la pensée, tout ce que le règne des baïonnettes avoit étouffé se remontroit par degrés; et, si l'on a parlé constitution à Bonaparte, c'est parce qu'on avoit respiré pendant dix mois sous Louis XVIII.

Quelques vanités se plaignoient, quelques imaginations étoient inquiètes, les écrivains stipendiés, en parlant chaque jour à la nation de son bonheur, l'en faisoient douter; mais quand

les champions de la pensée seroient entrés dans la lice, les François auroient reconnu la voix de leurs amis; ils auroient appris de quels dangers l'indépendance nationale étoit menacée; quels motifs ils avoient de rester en paix au-dehors comme au-dedans, et de regagner l'estime de l'Europe par l'exercice des vertus civiles. Les récits monotones des guerres se confondent dans la mémoire ou se perdent dans l'oubli; l'histoire politique des peuples libres de l'antiquité est encore présente à tous les esprits, et sert d'étude au monde depuis deux mille ans.

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NON jamais je n'oublierai le moment où j'appris par un de mes amis, le matin du 6 mars 1815, que Bonaparte étoit débarqué sur les côtes de France; j'eus le malheur de prévoir à l'instant les suites de cet événement, telles qu'elles ont eu lieu depuis, et je crus que la terre alloit s'entr'ouvrir sous mes pas. Pendant plusieurs jours, après le triomphe de cet homme, le secours de la prière m'a manqué complétement; et, dans mon trouble, il me sembloit que la divinité s'étoit retirée de la terre, et qu'elle ne vouloit plus communiquer avec les êtres qu'elle y a mis.

Je souffrois jusqu'au fond du cœur par mes circonstances personnelles; mais la situation de la France absorboit toute autre pensée. Je dis à M. de Lavalette, que je rencontrai presque à l'heure même où cette nouvelle retentissoit autour de nous : « C'en est fait de la liberté >> si Bonaparte triomphe, et de l'indépendance >> nationale s'il est battu. » L'événement n'a que

trop justifié, ce me semble, cette triste prédiction.

L'on ne pouvoit se défendre d'une inexprimable irritation avant le retour et pendant le voyage de Bonaparte. Depuis un mois, tous ceux qui ont quelque connoissance des révolutions sentoient l'air chargé d'orages; on ne cessoit d'en avertir les alentours du gouvernement; mais plusieurs d'entre eux regardoient les amis inquiets de la liberté comme des relaps qui croyoient encore à l'influence du peuple, à la force des révolutions. Les plus modérés parmi les aristocrates pensoient que les affaires publiques ne devoient regarder que les gouvernans, et qu'il étoit indiscret de s'en occuper. On ne pouvoit leur faire comprendre que, pour savoir ce qui se passe dans un pays où l'esprit de liberté fermente, il ne faut négliger aucun avis, n'être indifférent à aucune circonstance, et se multiplier par l'activité, au lieu de se renfermer dans un silence mystérieux. Les partisans de Bonaparte étoient mille fois mieux instruits sur toutes choses que les serviteurs du roi; car les bonapartistes, aussi-bien que leur maître, savoient de quelle importance peut être chaque individu dans les temps de trouble. Autrefois tout consistoit dans les hommes en

place; maintenant ceux qui sont hors du gouvernement agissent plus sur l'opinion que le gouvernement lui-même, et par conséquent prévoient mieux l'avenir.

Une crainte continuelle s'étoit emparée de mon âme plusieurs semaines avant le débarquement de Bonaparte. Le soir, quand les beaux édifices de la ville étoient éclairés par les rayons de la lune, il me sembloit que je voyois mon bonheur et celui de la France comme un ami malade dont le sourire est d'autant plus aimable, qu'il va nous quitter bientôt. Lors donc qu'on me dit que ce terrible homme étoit à Cannes, je reculai devant cette certitude comme devant un poignard; mais, quand il ne fut plus possible d'y échapper, je ne fus que trop assurée qu'il seroit à Paris dans quinze jours. Les royalistes se moquoient de cette terreur; il falloit leur entendre dire que cet événement étoit le plus heureux du monde, parce qu'on alloit être débarrassé de Bonaparte, parce que les deux chambres alloient sentir la nécessité de donner au roi un pouvoir absolu, comme si cela se donnoit! Le despotisme, aussi-bien que la liberté, se prend et ne s'accorde pas. Je ne suis pas sûre que, parmi les ennemis de toute constitution, il ne s'en soit

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