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l'intrigue, et il faut long-temps avant d'oublier cette malheureuse science.

L'amour de l'argent, des titres, enfin de toutes les jouissances et de toutes les vanités sociales, a reparu sous le règne de Bonaparte : c'est le cortége du despotisme. Dans les fureurs de la démagogie, au moins la corruption n'étoit de rien; et, sous Bonaparte lui-même, plusieurs guerriers sont restés dignes, par leur désintéressement, du respect que les étrangers ont pour leur courage.

des

Sans reprendre icì la malheureuse histoire de nos désastres, disons-le donc hardiment, il y a de l'énergie dans la nation françoise, de la patience dans les maux, de l'audace dans l'entreprise, en un mot de la force; et les écarts en seront toujours à craindre, jusqu'à ce que institutions libres fassent de cette force aussi de la vertu. De certaines idées communes, mises en circulation, sont souvent ce qui égare le plus le bon sens public, parce que la plupart des hommes les prennent pour des vérités. Il Ꭹ a si peu de mérite à les trouver, qu'on est tenté de croire que la raison seule peut les faire adopter à tant de gens. Mais, dans les temps de parti, les mêmes intérêts inspirent les mêmes

discours, sans qu'ils acquièrent plus de vérité la centième fois qu'on les prononce.

Les François, dit-on, sont frivoles, les Anglois sont sérieux; les François sont vifs, les Anglois sont graves; donc il faut que les premiers soient gouvernés despotiquement, et que les autres jouissent de la liberté. Il est vrai que, si les Anglois luttoient encore pour cette liberté, on leur trouveroit mille défauts qui s'y opposeroient; mais le fait chez eux a réfuté l'argument. Dans notre France les troubles sont apparens, tandis que les motifs de ces troubles ne peuvent être compris que par les hommes qui pensent. Les François sont frivoles, parce qu'ils ont été condamnés à un genre de gouvernement qui ne pouvoit se soutenir qu'en encourageant la frivolité; et, quant à la vivacité, les François en ont dans l'esprit bien plus que dans le caractère. Il y a chez les Anglois une impétuosité d'une nature beaucoup plus violente; et leur histoire en offre une foule de preuves. Qui auroit pu croire, il y a moins de deux siècles, que jamais un gouvernement régulier pût s'établir chez ces factieux insulaires? On ne cessoit alors sur le continent de les en déclarer incapables. Ils ont déposé, tué, renversé plus de rois, plus de princes et plus de

gouvernemens que le reste de l'Europe ensemble; et cependant ils ont enfin obtenu le plus noble, le plus brillant et le plus religieux ordre social qui soit dans l'ancien monde. Tous les pays, tous les peuples, tous les hommes, sont propres à la liberté par leurs qualités différentes tous y arrivent ou y arriveront à leur manière.

Mais, avant d'essayer de peindre l'admirable monument de la grandeur morale de l'homme que l'Angleterre nous présente, jetons un coup d'œil sur quelques époques de son histoire, semblables en tout à celles de la révolution françoise. Peut-être se réconciliera-t-on avec les François, quand on verra en eux les Anglois d'hier.

CHAPITRE II.

Coup d'œil sur l'histoire d'Angleterre.

IL m'est pénible de représenter le caractère anglois à son désavantage, même dans les temps passés. Mais cette nation généreuse écoutera sans peine tout ce qui lui rappelle que c'est à ses institutions politiques actuelles, à ces institutions que d'autres peuples peuvent imiter, qu'elle doit ses vertus et sa splendeur. La vanité puérile de se croire une race à part ne vaut certainement pas, aux yeux des Anglois, l'honneur d'encourager le genre humain par leur exemple. Aucun peuple de l'Europe ne peut être mis en parallèle avec les Anglois depuis 1688 il y a cent vingt ans de perfectionnement social entre eux et le continent. La vraie liberté, établie depuis plus d'un siècle chez un grand peuple, a produit les résultats dont nous sommes les témoins; mais, l'histoire précédente de ce peuple, il y a plus de violences, plus d'inégalités, et à quelques égards plus d'esprit de servitude encore que chez les François.

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Les Anglois citent toujours la Grande Charte comme le plus honorable titre de leur antique généalogie d'hommes libres; et en effet c'est une chose admirable qu'un tel contrat entre la nation et le roi. Dès l'année 1215, la liberté individuelle et le jugement par jurés y sont énoncés dans les termes dont on pourroit se servir de nos jours. A cette même époque du moyen åge, comme nous l'avons indiqué dans l'introduction, il y eut un mouvement de liberté dans toute l'Europe. Mais les lumières et les institutions qu'elles font naître n'étant point encore répandues, il ne résulta rien de stable de ce mouvement en Angleterre jusqu'en 1688, c'est-à-dire, près de cinq siècles après la Grande Charte. Pendant toute cette période, elle n'a pas cessé d'être enfreinte. Le successeur de celui qui l'avoit signée, le fils de Jean-sans▾ Terre, Henry III, fit la guerre à ses barons pour s'affranchir des promesses de son père. Les barons, dans cette circonstance, avoient protégé le tiers état pour s'appuyer de la nation contre l'autorité royale. Le successeur de Henry III, Édouard Ier., jura onze fois la Grande Charte, ce qui prouve qu'il y manqua plus souvent encore. Ni les rois ni les nations ne tiennent les sermens politiques que lorsque

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