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par aucun travail, ils ne doivent pas être longtemps admirés chez une nation où le travail et la pensée tiennent le premier rang. Les satellites de Cromwell renversèrent des pouvoirs civils qui n'avoient encore ni forre, ni dignité; mais, depuis l'existence de la constitution et de l'esprit public qui en est l'âme, les princes ou les généraux ne feroient naître dans toute la nation qu'un sentiment de pitié pour leur folie, s'ils rêvoient un jour l'asservissement de leur pays.

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CHAPITRE V.

Des lumières, de la religion et de la morale chez les Anglois.

Ce qui constitue les lumières d'une nation, ce sont des idées saines en politique, répandues chez toutes les classes, et une instruction générale dans les sciences et la littérature. Sous le premier de ces rapports, les Anglois n'ont point de rivaux en Europe; sous le second, je ne connois guère que les Allemands du nord qu'on puisse leur comparer. Encore les Anglois auroient-ils un avantage qui ne sauroit appartenir qu'à leurs institutions: c'est que la première classe de la société se livre autant à l'étude que la seconde. M. Fox écrivoit de savantes dissertations sur le grec, pendant les intervalles de loisir lui que laissoient les débats parlementaires; M. Windham a laissé divers traités intéressans sur les mathématiques et sur la littérature. Les Anglois ont de tout temps honoré le savoir : Henri VIII, qui fouloit tout aux pieds, respectoit cependant les hommes de lettres, quand ils ne heurtoient pas ses passions désordonnées. La grande Éli

sabeth connoissoit à fond les langues anciennes, et parloit même le latin avec facilité ; jamais on n'a vu s'introduire, chez les princes ni chez les nobles d'Angleterre, cette fatuité d'ignorance qu'on a raison de reprocher aux gentilshommes françois. On diroit qu'ils se persuadent que le droit divin sur lequel ils fondent leurs priviléges, dispense entièrement de l'étude des sciences humaines. Une telle façon de voir ne sauroit exister en Angleterre, et n'y paroîtroit que ridicule. Rien de factice ne peut réussir dans un pays où tout est soumis à la publicité. Les grands seigneurs anglois seroient aussi honteux de n'avoir pas reçu une éducation classique distinguée, que jadis les hommes du second rang en France l'étoient de ne pas aller à la cour; et ces différences ne tiennent pas, comme on le prétend, à la légèreté françoise. Les érudits les plus persévérans, les penseurs les plus profonds sont sortis de cette nation qui est capable de tout quand elle le veut ; mais ses institutions politiques ont été si mauvaises, qu'elles ont altéré ses bonnes qualités naturelles.

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En Angleterre, au contraire, les institutions favorisent tous les genres de progrès intellectuels. Les jurés, les administrations de pròvinces et de villes, les élections, les journaux,

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donnent à la nation entière une grande part d'intérêt dans la chose publique. De là vient qu'elle est plus instruite, et qu'au hasard il vaudroit mieux causer sur des questions politiques avec un fermier anglois, qu'avec la plupart des hommes, même les plus éclairés, du continent. Cet admirable bon sens, qui se fonde sur la justice et la sécurité, ne se trouve nulle part ailleurs qu'en Angleterre, qu dans le pays qui lui ressemble, l'Amérique. La pensée doit rester étrangère à des hommes qui n'ont point de droits; car, du moment qu'ils apercevroient la vérité, ils seroient malheureux, et bientôt après révoltés. Il faut convenir aussi que, dans un pays où la force armée a presque toujours consisté dans la marine, et où le commerce a été la principale occupation, il y a nécessairement plus de lumières que là où la défense nationale est confiée aux troupes de ligne, et où l'industrie s'est presque uniquement tournée vers la culture de la terre. Le commerce, mettant les hommes en relation avec les intérêts du monde, étend les idées, exerce le jugement, et fait sentir sans cesse, par la multiplicité et la diversité des transactions, la nécessité de la justice. Dans les pays où il n'y a que de l'agriculture, la masse

de la population peut se composer de serfs attachés à la glèbe, et privés de toute instruction ; mais que feroit-on de négocians esclaves et. ignorans? Un pays maritime et commerçant est donc par cela seul plus éclairé qu'un autre; néanmoins il reste beaucoup à faire pour donner au peuple d'Angleterre une éducation suffisante. Une grande portion de la dernière classe ne sait encore ni lire ni écrire ; et c'est sans doute pour remédier à ce mal qu'on accueille avec tant d'empressement les nouvelles méthodes de Bell et de Lancaster, parce qu'elles peuvent mettre l'instruction à la portée de l'indigence. Le peuple est plus instruit peut-être en Suisse en Suède et dans quelques états du nord de l'Allemagne ; mais il n'y a dans aucun de ces pays cette vigueur de liberté qui préservera l'Angleterre, il faut l'espérer, de la réaction produite par la révolution de France. Dans un pays où il y a une immense capitale, de grandes richesses concentrées dans un petit nombre de mains, une cour, tout ce qui peut favoriser la corruption du peuple, il faut du temps pour les lumières s'étendent et luttent avec avantage contre les inconvéniens attachés à la disproportion des fortunes.

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En Écosse on trouve beaucoup plus d'ia

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