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faire payer de l'argent par le séducteur de la femme. Comme tout est empreint d'un sentiment de noblesse en Angleterre, je ne jugerai point légèrement une coutume de ce genre, puisqu'on la conserve. Il faut atteindre de quelque manière aux torts des hommes envers les mœurs, puisque l'opinion est en général trop relâchée à cet égard, et personne ne prétendra qu'une grande perte d'argent ne soit pas une punition. D'ailleurs, l'éclat de ces procès funestes fait presque toujours un devoir à l'homme d'épouser la femme qu'il a séduite; et cette obligation est une garantie qu'il ne se mêle ni légèreté, ni mensonge aux sentimens que les hommes se permettent d'exprimer. Quand il n'y a que de l'amour dans l'amour, ses égaremens sont à la fois plus rares et plus excusables. J'ai de la peine à m'expliquer cependant pourquoi c'est au mari que l'amende est payée par le séducteur; souvent aussi le mari ne l'accepte pas., et c'est aux pauvres qu'il la consacre. Mais il y a lieu de croire que deux motifs ont donné naissance à cette coutume: l'un de fournir à l'époux dans une classe sans fortune, les moyens d'élever ses enfans, quand la mère qui en étoit chargée lui manque ; l'autre, et c'est un rapport plus essentiel, de mettre en cause

le mari, lorsqu'il s'agit des torts de sa femme; afin d'examiner s'il n'a point à se reprocher de torts du même genre envers elle. En Écosse même, l'infidélité du mari dissout le mariage

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aussi-bien que celle de la femme, et le sentiment du devoir, dans un pays libre, met toujours de niveau le fort et le foible.

sexe,

Tout est constitué en Angleterre de telle manière que l'intérêt de chaque classe, de chaque de chaque individu, est de se conformer à la morale. La liberté politique est le moyen suprême de cette admirable combinaison. « Oui, dira-t-on encore, en ne comprenant que les mots et point les choses, il est vrai que les Anglois sont toujours gouvernés par l'intérêt. » Comme s'il y avoit aucun rapport entre l'intérêt qui conduit à la vertu, et celui qui fait dériver vers le vice! Sans doute l'Angleterre n'est pas une planète à part de la nôtre, dans laquelle les avantages personnels ne soient pas, comme ailleurs, le ressort des actions humaines. On ne peut gouverner les hommes en comptant toujours sur le dévouement et le sacrifice; mais quand l'ensemble des institutions d'un pays est tel, qu'il est utile d'être honnête, il en résulte une certaine habitude du bien qui se grave dans tous les cœurs elle se transmet par le souve

nir, l'air qu'on respire en est pénétré, et l'on n'a plus besoin de songer aux inconvéniens de tout genre qui seroient la suite de certains torts; car la force de l'exemple suffit pour en préserver.

CHAPITRE VI.

De la société en Angleterre, et de ses rapports avec l'ordre social.

Il n'est pas probable qu'on revoie jamais nulle part, ni même en France, une société comme celle dont on a joui dans ce pays pendant les deux premières années de la révolution, et à l'époque qui l'a précédée. Les étrangers qui se flattent de trouver rien de semblable en Angleterre, sont fort désappointés; car ils s'y ennuient souvent beaucoup. Bien que ce pays renferme les hommes les plus éclairés et les femmes les plus intéressantes, les jouissances que la société peut procurer ne s'y rencontrent que rarement. Quand un étranger entend bien l'anglois, et qu'il est admis à des réunions peu nombreuses, composées des hommes transcendans du pays, il goûte, s'il en est digne, les plus nobles jouissances que la communication des êtres pensans puisse donner; mais ce n'est point dans ces fêtes intellectuelles que consiste la société d'Angleterre. On est tous les jours invité à Londres à d'immenses assemblées,

où l'on se coudoie comme au parterre: les femmes y sont en majorité, et d'ordinaire la foule est si grande, que leur beauté même n'a pas assez d'espace pour paroître : à plus forte raison n'y est-il jamais question d'aucun agrément de l'esprit. Il faut une grande force physique pour traverser les salons sans être étouffé, et pour remonter dans sa voiture sans accident: mais je ne vois pas bien qu'aucune autre supériorité soit nécessaire dans une telle cohue. Aussi les hommes sérieux renoncent-ils de trèsbonne heure à la corvée qu'en Angleterre on appelle le grand monde; et c'est, il faut le dire, la plus fastidieuse combinaison qu'on puisse former avec des élémens aussi distingués.

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Ces réunions tiennent à la nécessité d'admettre un très-grand nombre de personnes dans le cercle de ses connoissances. La liste des visites que reçoit une dame angloise est quelquefois de douze cents personnes. La société françoise étoit infiniment plus exclusive: l'esprit d'aristocratie qui présidoit à la formation des cercles étoit favorables à l'élégance et à l'amusement, mais nullement d'accord avec la nature d'un état libre. Ainsi, donc, en convenant avec franchise que les plaisirs de la société se rencontrent très-rarement et très

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