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vernement à la France, le même homme, à la même place, déclare un an après (1) que, si, à l'expiration des cinq années, la France étoit représentée par un autre gouvernement, le ministère anglois n'auroit pas l'absurdité de se croire lié par les conditions du traité. Mais dans le même discours, où cette incroyable déclaration est prononcée, les scrupules du noble lord par rapport à l'influence du gouvernement anglois sur la France lui reviennent, dès qu'on lui demande d'empêcher le massacre des protestans, et de garantir au peuple françois quelques-uns des droits qu'il ne peut perdre, sans se déchirer le sein par la guerre civile, ou sans mordre la poussière comme les esclaves. Et qu'on ne prétende pas que le peuple anglois veuille faire porter son joug à ses ennemis ! Il est fier, il doit l'être, de vingt-cinq ans et d'un jour. La bataille de Waterloo l'a rempli d'un juste orgueil. Ah! les nations qui ont une patrie partagent avec l'armée les lauriers de la victoire. Les citoyens seroient guerriers, les guerriers sont citoyens; et, de toutes les joies que Dieu permet à l'homme sur cette terre, la plus vive est peut-être celle du triomphe de son

(1) Séance du 19 février 1816.

pays. Mais cette noble émotion, loin d'étouffer la générosité, la ranime; et, si Fox faisoit entendre encore sa voix si long-temps admirée, s'il demandoit pourquoi les soldats anglois servent de geôliers à la France; pourquoi l'armée d'un peuple libre traite un autre peuple comme un prisonnier de guerre qui doit payer sa rançon à ses vainqueurs : la nation angloise apprendroit que l'on commet en son nom une injustice; et, dès cet instant, il naîtroit de toutes parts dans son sein des avocats pour la cause de la France. Un homme au milieu du parlement anglois ne pourroit-il pas demander te que seroit l'Angleterre aujourd'hui, si les troupes de Louis XIV s'étoient emparées d'elle, au moment de la restauration de Charles II; si l'on avoit vu camper dans Westminster l'armée des François triomphante sur le Rhin, ou, cé qui auroit fait plus de mal encore, l'armée qui, plus tard, combattit les protestans dans les Cévennes? Elles auroient rétabli le catholicisme et supprimé le parlement; car nous voyons, dans les dépêches de l'ambassadeur de France, que Louis XIV les offroit à Charles II dans ce but. Alors que seroit devenue l'Angleterre? l'Europe n'auroit pu entendre parler que du meurtre de Charles Ier., que des excès des pu

ritains en faveur de l'égalité, que du despotisme de Cromwell, qui se faisoit sentir au dehors comme au dedans, puisque Louis XIV a porté son deuil. On auroit trouvé des écrivains pour soutenir que ce peuple turbulent et sanguinaire méritoit d'être remis dans le devoir, et qu'il lui falloit des institutions de ses pères, à l'époque où ses pères avoient perdu la liberté de leurs ancêtres. Mais auroit-on vu ce beau pays à l'apogée de puissance et de gloire que l'univers admire aujourd'hui ? Une tentative malheureuse pour obtenir la liberté eût été qualifiée de rébellion, de crime, de tous les noms qu'on prodigue aux nations, quand elles veulent des droits et ne savent pas s'en mettre en possession. Les pays jaloux de la puissance maritime de l'Angleterre sous Cromwell, se seroient complu dans son abaissement. Les ministres de Louis XIV auroient

dit que les Anglois n'étoient pas faits pour être libres, et l'Europe ne pourroit pas contempler le phare qui l'a guidée dans la tempête, et doit encore l'éclairer dans le calme.

Il n'y a, dit-on, en France, que des royalistes exagérés, ou des bonapartistes ; et les deux partis sont également, on doit en convenir, les fauteurs du despotisme. Les amis de

la liberté, dit-on encore, sont en petit nombre et sans force contre ces deux factions acharnées. Les amis de la liberté, j'en conviens, étant vertueux et désintéressés, ils ne peuvent lutter activement contre les passions avides de ceux dont l'argent et les places sont l'unique objet. Mais la nation est avec eux; tout ce qui n'est pas payé, ou n'aspire pas à l'être, est avec eux. La marche de l'esprit humain les favorise par la nature même des choses. Ils arriveront graduellement, mais sûrement, à fonder en France une constitution semblable à celle de l'Angleterre, si l'Angleterre même, qui est le guide du continent, défend à ses ministres de se montrer partout les ennemis des principes qu'elle sait si bien maintenir chez elle.

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Les Anglois ne perdront-ils pas un jour leur liberté?

BEAUCOUP de personnes éclairées, qui savent à quel degré s'élèveroit la prospérité de la nation françoise, si les institutions politiques de l'Angleterre étoient établies chez elle, se persuadent que les Anglois en sont jaloux d'a→ vance, et s'opposent de tous leurs moyens à ce que leurs rivaux puissent jouir de cette liberté dont ils connoissent les avantages. En vérité je ne crois point à ce sentiment, du moins de la part de la nation. Elle est assez fière pour être convaincue, et avec raison, que pendant longtemps encore elle marchera en avant de toutes les autres ; et, quand la France l'atteindroit et la surpasseroit même sous quelques rapports, elle conserveroit toujours des moyens exclusifs de puissance particuliers à sa situation. Quant au ministère, celui qui le dirige, le secrétaire d'état des affaires étrangères, semble avoir, comme je l'ai dit, et comme il l'a prouvé, un tel mépris pour la liberté, que je crois vrai

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