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liberté, pourroit être jamais menacée. Dans le moment même où le gouvernement anglois penche vers la doctrine du despotisme, quoique ce soit un despote qu'il ait combattu; dans le moment où la légitimité, violée authentiquement par la révolution de 1688, est soutenue par le gouvernement anglois comme le seul principe nécessaire à l'ordre social; dans ce moment de déviation passagère, on entrevoit déjà que par degrés le vaisseau de l'état se remettra en équilibre: car de tous les orages, celui que les préjugés peuvent exciter est le plus facile à calmer dans la patrie de tant de grands hommes, au foyer de tant de lumières.

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CHAPITRE IX.

Une monarchie limitée peut-elle avoir d'autres bases que celles de la constitution angloise?

On trouve dans les œuvres de Swift un petit écrit intitulé les Conversations polies, qui renferme toutes les idées communes dont se composent les entretiens du grand monde. Un homme d'esprit avoit l'idée de faire le même travail sur les entretiens politiques d'aujourd'hui. « La constitution d'Angleterre ne convient qu'à des Anglois; les François ne sont pas dignes qu'on leur donne de bonnes lois : il faut se garder des théories et s'en tenir à la pratique. » Qu'importe, dira-t-on, que ces phrases soient fastidieuses, si elles renferment un sens vrai? Mais ce qui les rend fastidieuses, c'est leur fausseté même. La vérité sur de certains objets ne devient jamais commune, quelque répétée qu'elle soit; car chaque homme qui la dit, la sent et l'exprime à sa manière; mais les mots d'ordre de l'esprit de parti sont les signes indubitables de la médiocrité. On est à peu près sûr qu'une conversation qui commence par ces

sentences officielles, ne vous promet que du sophisme et de l'ennui tout ensemble. En mettant donc de côté ce langage frivole qui aspire à la profondeur, il me semble que les penseurs n'ont pu trouver jusqu'à ce jour d'autres principes de la liberté monarchique et constitutionnelle que ceux qui sont admis en Angleterre.

Les démocrates diront qu'il faut un roi sans patriciat, ou qu'il ne faut ni l'un ni l'autre; mais l'expérience a démontré l'impossibilité de ce système. Des trois pouvoirs, les aristocrates ne contestent que celui du peuple ; ainsi, quand ils prétendent que la constitution angloise ne peut s'adapter à la France, ils disent simplement qu'il ne faut pas de représentans du peuple, car ce n'est sûrement pas la noblesse, ni la royauté héréditaire qu'ils contestent. Il est donc évident Que l'on ne peut s'écarter de la constitution angloise sans établir la république en retranchant l'hérédité; ou le despotisme, en supprimant les communes : car des trois pouvoirs on n'en peut ôter aucun sans produíre l'un ou l'autre de ces deux extrêmes.

Après une révolution telle que celle de France, la monarchie constitutionnelle est la seule paix, le seul traité de Westphalie, pour ainsi dire, que l'on puisse conclure entre les

lumières actuelles et les intérêts héréditaires ; entre la nation presque entière, et les privilégiés appuyés par les puissances européennes.

Le roi d'Angleterre jouit d'un pouvoir plus que suffisant pour un homme qui veut faire le bien, et j'ai de la peine à concevoir comment la religion même n'inspire pas aux princes des scrupules sur l'usage d'une autorité sans bornes : l'orgueil l'emporte en cette occasion sur la vertu. Quant à l'argument très-usé de l'impossibilité d'être libre dans un état continental, où l'on doit conserver une nombreuse armée de ligne,, les mêmes gens qui le répètent sans cesse sont prêts à citer l'Angleterre en sens inverse, et à dire que là maintenant l'armée de ligne n'est pas dangereuse pour la liberté. C'est une chose inouïe que la diversité des raisonnemens de ceux qui renoncent à tous les principes: ils se servent des circonstances quand la théorie est contre eux, de la théorie quand les circonstances démontrent leurs erreurs; enfin ils se replient avec une souplesse qui ne sauroit échapper au grand jour de la discussion, mais qui peut égarer les esprits, quand il n'est permis ni de faire taire les sophistes, ni de leur répondre. Si l'armée de ligne donne plus de pouvoir aux rois de France

qu'à ceux de l'Angleterre, les ultra-royalistes, suivant leur manière de penser, jouiront de cet excédant de force, et les amis de la liberté ne le redoutent point, si le gouvernement représentatif et ses garanties sont établis en France sincèrement et sans exception. L'existence de la chambre des pairs doit réduire, il est vrai, le nombre des familles nobles: mais l'intérêt public souffrira-t-il de ce changement? Les familles historiques se plaindroient-elles de voir associer à la pairie des hommes nouveaux que le roi et l'opinion en jugeroient dignes? La noblesse, qui a le plus à faire pour se récon cilier avec la nation, seroit-elle la plus obstinément attachée à des prétentions' inadmissibles? Nous avons l'avantage, nous autres François, d'être plus spirituels, mais aussi plus bêtes qu'aucun autre peuple de l'Europe; je ne sais si nous devons nous en vanter.

Des argumens qui méritent un examen plus sérieux, parce qu'ils ne sont pas inspirés seulement par de frivoles prétentions, se sont renouvelés contre la chambre des pairs à l'occasion de la constitution de Bonaparte. On a dit que l'esprit humain avoit fait de trop grands progrès en France pour supporter aucune distinction héréditaire. M. Necker a traité quinze

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