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çue, qu'elle satisfit momentanément les esprits. On put espérer alors l'heureuse réunion de la légitimité dans le souverain, et de la légalité dans les institutions. Le même roi pouvoit être Charles II par ses droits héréditaires, et Guillaume III par sa volonté éclairée. La paix sembloit conclue entre les partis; l'existence de courtisan étoit laissée à ceux qui sont faits pour elle; on plaçoit dans la chambre des pairs les noms illustrés par l'histoire, et les hommes de mérite du temps présent; enfin, la nation dut croire qu'elle répareroit ses malheurs, en tournant vers l'émulation de la liberté constitutionnelle l'activité dévorante qui l'avoit consumée elle-même aussi-bien que l'Europe.

Deux seuls dangers pouvoient anéantir toutes ces espérances : l'un, si le système constitutionnel n'étoit pas suivi par l'administration avec force et sincérité; l'autre, si le congrès de Vienne laissoit Bonaparte à l'île d'Elbe, en présence de l'armée françoise. C'étoit un glaive suspendu sur le trône des Bourbons. Napoléon, en combattant jusqu'au dernier instant contre les étrangers, s'étoit mieux placé dans l'opinion des François ; et peut-être alors avoit-il plus de partisans sincères que pendant sa prospérité

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désordonnée. Il falloit donc, pour que tauration se maintînt, que les Bourbons, d'une part, pussent triompher des souvenirs de la victoire par les garanties de la liberté ; et que, de l'autre, Bonaparte ne fût pas établi à trente lieues de ses anciens soldats : jamais une plus grande faute ne pouvoit être commise relativement à la France.

TOME III.

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De l'aspect de la France et de Paris pendant la première occupation.

ON auroit grand tort de s'étonner de la douleur que les François ont éprouvée, en voyant leur célèbre capitale envahie en 1814 par les armées étrangères. Les souverains qui s'en étoient rendus les maîtres se conduisirent alors avec l'équité la plus parfaite; mais c'est un cruel malheur pour une nation que d'avoir même à se louer des étrangers, puisque c'est une preuve que son sort dépend d'eux. Les armées françoises, il est vrai, étoient entrées plusieurs fois dans presque toutes les capitales de l'Europe, mais aucune de ces villes n'avoit une aussi grande importance pour le pays dont elle faisoit partie, que Paris pour la France. Les monumens des beaux-arts, les souvenirs des hommes de génie, l'éclat de la société, tout contribuoit à faire de Paris le foyer de la civilisation continentale. Pour la première fois depuis que Paris occupoit un tel rang dans le monde, les drapeaux de l'étranger flottoient

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sur ses remparts. Naguère la voûte des Invalides étoit tapissée des étendards conquis dans quarante batailles, et maintenant les bannières de la France ne pouvoient se montrer que sous les ordres de ses conquérans. Je n'ai pas affoibli, je crois, dans cet ouvrage, le tableau des fautes qui ont amené les François à cet état déplorable mais plus ils en souffroient, et plus ils étoient dignes d'estime.

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La meilleure manière de juger des sentimens qui agitent les grandes masses, c'est de consulter ses propres impressions: on est sûr de deviner, d'après ce qu'on éprouve soi-même, ce que la multitude ressentira; et c'est ainsi que les hommes d'une imagination forte peuvent prévoir les mouvemens populaires dont une nation est menacée.

Après dix ans d'exil, j'abordai à Calais, et je comptois sur un grand plaisir en revoyant ce beau pays de France que j'avois tant regretté : mes sensations furent tout autres que celles que j'attendois. Les premiers hommes que j'aperçus sur la rive portoient l'uniforme prussien; ils étoient les maîtres de la ville, ils en avoient acquis le droit par la conquête : mais il me sembloit assister à l'établissement du règne féodal, tel que les anciens historiens le

décrivent, lorsque les habitans du pays n'étoient là que pour cultiver la terre dont les guerriers de la Germanie devoient recueillir les fruits. O France! ô France! Il falloit un tyran étranger pour vous réduire à cet état; un souverain françois, quel qu'il fût, vous auroit trop aimée pour jamais vous y exposer. Je continuai ma route, le cœur toujours souffrant par la même pensée; en approchant de Paris, les Allemands, les Russes, les Cosaques, les Baskirs, s'offrirent à mes yeux de toutes parts: ils étoient campés autour de l'église de SaintDenis, où la cendre des rois de France repose. La discipline, commandée par les chefs de ces soldats, empêchoit qu'ils ne fissent aucun mal à personne, aucun mal, excepté l'oppression de l'âme, qu'on ne pouvoit s'empêcher de ressentir. Enfin, je rentrai dans cette ville, où se sont passés les jours les plus heureux et les plus brillans de ma vie, comme si j'eusse fait un rêve pénible. Étois-je en Allemagne ou en Russie? Avoit-on imité les rues et les places de la capitale de la France pour en retracer les souvenirs, alors qu'elle n'existoit plus? Enfin, tout étoit trouble en moi; car, malgré l'àpreté de ma peine, j'estimois les étrangers d'avoir secoué le joug. Je les admirois sans

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