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extraordinaires, encore a-t-il cherché, dans les différentes circonstances où il s'est trouvé, à captiver l'opinion du moment, à séduire les passions du peuple lorsqu'il youloit l'asservir.

Le maréchal Soult ne s'aperçut pas que l'armée de Louis XVIII devoit être conduite par de tout autres principes que celle de Napoléon; il falloit la détacher par degrés de ce besoin de la guerre, de cette frénésie de conquêtes avec laquelle on avoit obtenu tant de succès militaires, et fait un mal si cruel au monde. Mais le respect de la loi, le sentiment de la liberté, pouvoient seuls opérer ce changement. Le maréchal Soult, au contraire, croyoit que le despotisme étoit le secret de tout. Trop de gens se persuadent qu'ils seront obéis comme Bonaparte, en exilant les en exilant les uns, en destituant les autres, en frappant du pied, en fronçant le sourcil, en répondant avec hauteur à ceux qui s'adressent respectueusement à eux; enfin, en pratiquant tous ces arts de l'impertinence que les gens en place apprennent en vingt-quatre heures, mais dont ils se repentent souvent toute leur vie.

La volonté du maréchal échoua contre les obstacles sans nombre dont il n'avoit pas la moindre idée. Je suis persuadée que c'est sans fonde

ment qu'on l'a soupçonné d'avoir trahi. En général, la trahison chez les François n'est que le résultat de la séduction momentanée du pouvoir, et presque jamais ils ne sont capables de la combiner d'avance. Mais un émigré de Coblentz n'auroit pas commis autant de fautes envers l'armée françoise s'il eût été chargé du même emploi, car du moins il auroit ménagé ses adversaires; tandis que le maréchal Soult frappoit sur ses anciens subordonnés, sans se douter qu'il , telle y avoit depuis la chute de Bonaparte,

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chose qu'une opinion, une législation, enfin une résistance possible. Les courtisans se persuadoient que le maréchal Soult étoit un homme supérieur, parce qu'il disoit qu'on doit gouverner avec un sceptre de fer. Mais où forger ce sceptre, quand on n'a pour soi ni l'armée ni le peuple? En vain répète-t-on qu'il faut faire rentrer dans l'obéissance, soumettre, punir, etc.; toutes ces maximes n'agissent pas d'elles-mêmes, et l'on peut les prononcer du ton le plus rude sans être plus puissant pour cela. Le maréchal Soult avoit été très-habile dans l'art d'administrer un pays conquis; mais, en l'absence des étrangers, la France n'en étoit pas un

CHAPITRE IX.

Des obstacles que le gouvernement a rencontrés pendant la première année de la restauration.

Nous dirons les obstacles que le ministère de la restauration avoit à surmonter en 1814, et nous ne craindrons pas d'exprimer notre avis sur le système qu'il falloit suivre pour en triompher; le tableau de cette époque n'est certes point encore étranger au temps actuel.

La France tout entière étoit cruellement désorganisée par le règne de Bonaparte. Ce qui accuse le plus ce règne, c'est la dégradation manifeste des lumières et des vertus pendant les quinze années de sa durée. Il restoit, après le jacobinisme, une nation qui n'avoit point pris part à ses crimes, et l'on pouvoit considérer la tyrannie révolutionnaire comme un fléau de la nature sous lequel on avoit succombé, mais sans s'avilir. L'armée pouvoit alors se vanter encore d'avoir combattu seulement pour la patrie, sans aspirer à la fortune, ni aux titres, ni au pouvoir. Durant les quatre années directoriales, on avoit essayé un gouvernement qui

se rattachoit à de grandes pensées; et, si l'étendue de la France et ses habitudes rendoient cette sorte de gouvernement inconciliable avec la tranquillité générale, au moins les esprits étoient-ils électrisés par les efforts individuels qu'excite toujours une république. Mais après le despotisme militaire, et la tyrannie civile fondée sur l'intérêt personnel, de quelles vertus pouvoit-on trouver la trace dans les partis politiques dont le gouvernement impérial s'étoit entouré? Les masses dans tous les ordres de la société ; soldats, paysans, gentilshommes, bourgeois, possèdent encore de grandes et belles qualités : mais ceux qui se sont mis en avant dans les affaires présentent, à quelques exceptions près, le plus misérable des spectacles. Le lendemain de la chute de Bonaparte, il n'y avoit d'actif en France que Paris, et à Paris, que quelques milliers de solliciteurs demandant de l'argent et des places au gouvernement, quel qu'il pût être.

Les militaires étoient et sont encore ce qu'il y a de plus énergique dans un pays où, pendant long-temps, il n'a pu briller qu'une vertu, la bravoure. Mais ces guerriers, qui tenoient leur gloire de la liberté, devoient-ils porter l'esclavage chez les nations étrangères ? Ces guer

riers, qui avoient soutenu si long-temps les principes de l'égalité sur lesquels la révolution est fondée, devoient-ils se montrer, pour ainsi dire, tatoués d'ordres, de rubans et de titres. que les princes de l'Europe leur avoient donnés pour échapper aux tributs qu'on exigeoit d'eux ? La plupart des généraux françois, avides des distinctions nobiliaires, troquoient leur gloire comme les sauvages contre des morceaux de verre.

C'est en vain qu'après la restauration, tout en négligeant beaucoup trop les officiers du second rang, le gouvernement a comblé de gråees les officiers supérieurs. Du moment que les guerriers de Bonaparte vouloient être des gens. de cour, il étoit impossible de tranquilliser leur vanité sur ce sujet; car rien ne peut faire que des hommes nouveaux soient d'une ancienne famille, quelque titre qu'on leur donne. Un général tout poudré de l'ancien régime fait rire les vieilles moustaches qui ont vaincu l'Europe entière. Mais un chambellan, fils d'un bourgeois ou d'un paysan, n'est guère moins ridicule dans son genre. L'on ne pouvoit donc comme nous l'avons dit tout à l'heure, rallier sincèrement la nouvelle cour à l'ancienne l'ancienne même devoit avoir l'air de mauvaise

et

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