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du docteur LESAUVAGE, par le même. M. CHARMA a loué son ami avec le cœur, sans trahir pour cela la vérité; néanmoins les biographies, comme l'histoire, doivent être, je pense, écrites à distance et par des indifférents, sine irá et studio.

L'Archéologie, ainsi que les biographies, ne font jamais défaut dans les Académies de province. M. l'abbé COCHET, votre correspondant, paye son tribut chaque année, à vous et à d'autres. Il vous a envoyé un manuscrit ayant pour titre : Pierre tombale et Vases du XIIIe siècle. Ces antiques ont été trouvés en creusant les fondations de la nouvelle abside de Leure, à l'époque de sa reconstruction, le 18 novembre 1856; ils intéressent donc le Havre principalement. Le mort couché sous la pierre sépulchrale s'appelait Pierre Berenguier : c'était un des notables de cet endroit, alors plus important qu'aujourd'hui. La crique de Leure, annexe du port d'Harfleur, fut prospère du XIIe au XIII° siècle, comme le prouvent ses salines, la reconstruction de son église, le grand nombre de navires qu'elle fournit à la flotte royale sous Philippe le Bel et sous Philippe de Valois, comme le prouve la pierre tombale elle-même, car elle est en pierre de liais, creusée, gravée et entourée de six vases qui auront servi à faire brûler l'encens dans la cérémonie des funérailles. L'illustre mort qu'on y a découvert a dû être le père de Bertin Berengier, qui commandait une nef fournie par lui sous Philippe le Bel, et le grand père d'un Adam Berenguier qui commandait un des vaisseaux armés par le roi Philippe de Valois, dans l'escadre infortunée, si tristement déconfite à la bataille navale de Lécluse, le 24 juin 1340. Quoi qu'il en soit, le Havre de Leure

:

était alors le plus florissant de la Manche il arma 32 vaisseaux dans cette occasion, tandis que Dieppe n'en arma que 28! C'est ainsi, MESSIEURS, qu'on refait le passé, quand on sait, comme M. l'abbé COCHET, évoquer les morts.

Nous n'avons pas le bonheur de posséder parmi nous le célèbre antiquaire; mais cette science est représentée dans notre Société par un zélé collègue; M. l'abbé HERVAL, qui fait souvent d'heureuses trouvailles dont notre Musée ne se plaint pas, et qui nous entretient non moins souvent des travaux archéologiques des autres Académies. Vous l'avez entendu dernièrement encore vous parler des fouilles pratiquées au village de Vieux, près Caen, d'après un Mémoire de M. CHARMA, qui aime aussi à vivre parmi les débris des siècles et à la poussière des générations.

4° POÉSIE ET CRITIQUE LITTÉRAIRE

peser

Les sciences morales, dont je viens de retracer sommairement les travaux, sont placés ordinairement parmi les Lettres. Il me reste à parler des parties des Lettres qui sont placées quelquefois parmi les Arts, et que l'on appelle Poésie et critique littéraire : la Poésie, cette fille du ciel, qui daigne venir quelquefois nous visiter, et la critique, ce flambeau destiné à éclairer la poé sie, de peur qu'elle ne fasse de faux pas. La patrie de Bernardin, de Delavigne, d'Ancelot devrait toujours produire des poètes, ou du moins rechercher la poésie que semblent rêver encore ses enfants bien aimés assis tout près d'ici sur leurs socles de marbre! Hélas au

Havre, comme partout aujourd'hui, quand on prononce le mot poète, un sourire ironique plisse les lèvres des gens d'esprit. Malgré cela, M. BÉZIERS n'a pas craint de lire cette année une Épitre, pour remercier la Société de l'avoir admis dans son sein. Il l'a fait, quoique devant des gens d'esprit, parce qu'il savait qu'ils étaient bienveillants; et ce qui l'a rassuré encore, c'est la pensée qu'une Société qui est littéraire pour la moitié, n'a pas pu proscrire les vers de son programme. Et il paraît, en effet, d'après vos dernières publications, que vous accueillez avec plaisir, et que vous prenez sous votre patronage les vers où il y a de l'esprit et du cœur. On vous a vus aussi, à l'occasion, cette année, applaudir à des poésies qui vous venaient des autres Sociétés, et à celles de deux de nos compatriotes, chez lesquels les fleurs ont poussé dans le sol aride du commerce. M. FORT-MEU vous est connu depuis longtemps; il a de la verve comme on en a dans son pays et un esprit vraiment extraordinaire. M. GERDRET, ce pauvre père que la douleur a fait poète, vous a vivement émus, le jour qu'une critique vive et impartiale vous a fait sentir les beautés de ses poésies; et M. MARIE, certes, n'a pas épargné la louange.

Puisque nous en sommes à la critique, je dois mentionner ici une Etude sur Horace, par M. BÉZIERS. Il s'est proposé de démontrer, à l'aide des textes, que l'ami de Mécène a été épicurien, épicurien toute sa vie et que ceux qui en font un stoïcien, sont tout simplement des hommes contredisants; espèce d'hommes utiles cependant, puisqu'ils nous forcent à mieux étudier les choses. Je dois faire mention aussi d'un rapport de M. BORÉLY sur un travail de M. MILLET SAINT-PIERRE, relatif à une

comédie du poète Maréchal, intitulée le Railleur, et à l'état du théâtre avant Corneille et Molière. Sur ce dernier point l'auteur et le rapporteur ne sont pas du même · avis. M. MILLET SAINT-PIERRE prétend que la farce n'existait pas seule avant le Menteur de Corneille, et que la comédie même existait déjà; si les chefs-d'œuvre manquaient en ce genre, du moins les essais et l'intention ne manquaient pas : et pour prouver la distinction de la farce et de la comédie à cette époque, il s'appuie entre autres choses, sur les deux vers suivants du Railleur :

Son mariage icy, quoy qu'il fasse et qu'il die
Viendra, comme la farce, après la comédie.

Vers qui annonceraient que la farce était réservée pour la fin du spectacle. M. BORÉLY n'admet pas cette distinction; il prétend que la comédie, la vraie comédie, n'était pas née avant Corneille, et il ne voit dans le Railleur qu'une bouffonnerie grossière. M. MILLET SAINTPIERRE, du reste, a critiqué cette pièce d'un bout à l'autre. L'œuvre du poète Maréchal est maintenant dans notre bibliothèque à laquelle M. MILLET SAINT-PIERRE, en a fait don; les amateurs pourront l'apprécier là par eux-mêmes.

Vous vous rappelez sans aucun doute aussi les rapports de M. MILLET SAINT-PIERRE, pleins de bon goût et de modération, sur des recueils de poésies ou des ouvrages de collaborateurs étrangers, tels que la Cinéide ou la Vache reconquise, poème héroï-comique de M. l'abbé Charles du VIVIER DE STREEL, un petit volume de poésies, intitulées Souvenirs et Reconnaissance, par M. S. MARQUÉZY et les savants ouvrages de M. GARCIN de TASSY, professeur d'Hindoustani.

Je n'en finirais pas si je rappelais tous les ouvrages étrangers sur lesquels vous avez entendu des rapports consciencieux, car vous correspondez aujourd'hui avec un grand nombre d'Académies et de Sociétés savantes.

5° INDUSTRIE.

Mais nous ne pouvons terminer sans faire une nouvelle mention du vin d'Ingouville. Le rapport de M. MILLET SAINT-PIERRE, si compétent dans toutes les matières de commerce, lui a été très favorable. Quant au public, les uns le critiquent, et c'est, selon l'usage, ceux qui ne le connaissent pas; d'autres, le trouvant bon, attribuent sa bonté à l'industrie de l'auteur plutôt qu'au terroir; et d'autres enfin le trouvent bon, sans lui demander pourquoi il est bon. Si je venais dire que vous-mêmes, vous l'avez apprécié à plusieurs reprises, que la dernière fois vous avez trouvé qu'il avait gagné encore en vieillissant, si je venais ensuite le louer publiquement en votre nom, on accuserait peut-être nos éloges d'être intéressés. Contentons-nous donc entre nous de faire des vœux pour que M. BORELY ne soit pas seul possesseur de ce bon vin, et appelons Bacchus sur nos côteaux stériles, pour qu'il les dore de ses pampres et qu'il y répande l'abondance.

Vous le voyez, MESSIEURS, par le nombre et la variété de ses travaux, la Société a justifié son titre. Le Havre n'a pas mis toute son intelligence et son activité dans le commerce; mais des hommes de toutes les professions y cultivent avec bonheur, avec succès, les différentes branches des connaissances humaines; et la Société

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