Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

Celui-ci, furieux de se voir ainsi frustré dans ses espérances, prit l'animal qu'on lui offrait, en retour de son travail, puis disparut, en laissant une forte odeur de soufre et un nuage de fumée sur son passage c'était le Diable.

La chaussée Brunehaut, depuis ce temps, n'a presque pas eu besoin de réparations et c'est à Belzébuth que les habitants des contrées qu'elle traverse doivent en savoir gré.

V.

Le lundi de la Pentecôte, dans la matinée, les sires de Beaussault et d'Haussez arrivèrent au manoir de Robert et y furent reçus par le châtelain, sa noble dame et tous ses vassaux. Après les compliments d'usage, on prit un peu de repos; puis eut lieu la prise de possession qui, dans ce temps, se composait de trois cérémonies essentielles : l'Hommage, la Foi, l'Investiture.

Le sir de Bosco-Puteorum se présenta donc devant les délégués de Hugues de Gournay et de Henri Ier, nu tête, la ceinture desserrée, sans épée, puis, mettant un genou en terre, il leur dit : « Je deviens votre homme, de ce jour, en avant, » de vie et de membres, et foi vous porterai des tènements qu'au » lieu de me bailler à fief, vous m'avez baillés à toujours. »

Se relevant ensuite, Robert, qui venait de faire hommage, prêta le serment de fidélité ou la foi.

Debout, la main sur les saints Evangiles, il dit à haute voix « Je promets à Messires, comme à ceux qu'ils repré» sentent, de leur être féal et loyal, et de remplir toutes les » obligations imposées. » Puis, baisant le livre sacré, il ajouta « Dieu et ses Saints me soient en aide.

[ocr errors]

Cette seconde cérémonie fut suivie de l'investiture. Alors,

les délégués de Hugues de Gournay et du roi d'Angleterre descendant de leurs sièges, prirent, l'un une motte de gazon, l'autre une branche d'arbre, et remettant ces objets dans les mains de Robert, lui dirent : « Dieu et ses Saints vous » soient en aide, afin que vous gardiez à vos seigneurs, hommage, fidélité et amour. >>

Une fois l'investiture donnée, les serfs et les vilains vinrent, à leur tour, jurer fidélité à leur seigneur et maître, et malgré la mauvaise humeur qu'ils lui avaient donnée, en refusant de réparer la chaussée Brunehaut, le reste de la journée se passa en divertissements, grâce à l'intervention de la châtelaine, qui savait toujours, par sa douceur et sa persuasion, rendre, de temps à autre, moins sombre et moins farouche l'humeur de son noble époux.

NÉCROLOGIE.

LE DOCTEUR LUCAS-CHAMPIONNIÈRE.

FONDATEUR ET RÉDACTEUR DU Journal de Médecine et de Chirurgie pratiques.

CORRESPONDANT DE LA SOCIÉTÉ HAVRAISE D'ETUDES DIVERSES.

Par M. le Docteur LECADRE,

Membre Résidant.

Dans les premières années de la révolution de 1830, une publication luxueuse fut consacrée aux hommes utiles; l'idée était bonne, grande et juste, nos hommages ne doivent pas appartenir seulement aux puissants de la terre qui répandent leur éclat sur tout ce qui les environne, aux conquérants qui transforment la carte du monde, aux grands agitateurs de l'état social, aux chefs de doctrine qui remuent jusqu'aux entrailles de la science; nous en devons encore une partie à ces hommes beaucoup plus modestes qui réalisent un progrès utile, soit dans la science, soit dans le perfectionnement de l'humanité. Ce qui reste d'eux est souvent plus durable, et de beaucoup plus précieux que ce qui peut sortir de l'esprit de conquête, du cataclysme moral ou scientifique imprimé par les grands socialistes ou les chefs de doctrine scientifique.

Si l'on continue un jour la série des portraits des hommes utiles, y sera exposé celui de l'homme de science et de progrès, du médecin modeste qui, en mettant le premier la science à bon marché, fit qu'elle s'infiltra partout et ne tarda pas à pénétrer dans le lieu le plus reculé de la France. Sûr du jugement de la postérité à son égard, je veux faciliter la besogne de celui qui, plus tard, écrira cette vie utile, en en faisant moi-même l'esquisse. Qui mieux que moi pouvait la tracer, moi son ami depuis quarante ans, moi qui l'ai trouvé au collège et, dans ce temps de premières épreuves, ai lutté d'émulation avec lui; moi qui plus tard l'ai suivi sur un plus vaste théâtre, sur celui de la science médicale que nous analysions et cherchions à approfondir ensemble; moi qui depuis cette époque ne l'ai quitté d'un seul jour, puisqu'une correspondance active nous rapprochait sans cesse, malgré l'éloignement de nos résidences respectives que nous cherchions ainsi à tromper. Est-il donc étonnant que je regarde comme un devoir de me tenir debout sur sa tombe encore entr'ouverte et d'élever la voix pour parler une dernière fois de cette existence d'élite, de ce caractère tout plein de dévouement et de générosité, de cette grande âme nourrie dans la soif du progrès et dans l'amour du bien.

Just Lucas-Championnière naquit en l'année 4803 à Brains, petite commune à dix-huit kilomètres de Nantes, sur les bords du lac de Grandlieu. Son père, d'une famille ancienne, où l'honneur était la principale devise, habitait à la campagne une belle résidence à laquelle il donnait tous ses soins; par sa mère il appartenait à l'une des maisons de commerce les plus riches et les mieux famées de la ville de Nantes. En venant au monde, Lucas-Championnière avait trouvé dans son père l'exemple du dévouement au devoir, du culte à l'amitié, associés au courage et à l'amour du progrès. Son père, attaché à la royauté de 1789, avait cru que c'était encore servir son roi que de combattre dans les armées royalistes de la Vendée. Lorsque la pacification eut lieu, rentré dans ses foyers, il devint le guide, le conseil de tous les paysans qui l'entouraient d'un prestige mérité de savoir et de loyauté; il

« VorigeDoorgaan »