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sein tous les membres de la grande famille cherchant un refuge contre la misère et qui pussent s'unir entre elles par un lien commun qui n'en fasse qu'une seule et même association. Cet ouvrage, plein de recherches consciencieuses et d'aperçus curieux, quoique vieux de treize années, est encore cité aujourd'hui, quand on s'occupe de statistique médicale. Il demande une deuxième édition que nous eut donné infailliblement notre collègue, si une mort bien trop prématurée ne l'avait arraché brusquement à ses projets d'avenir.

Mais ce n'est point assez d'avoir envisagé Lucas-Championnière sous le rapport des services qu'il rendit à la société, en créant le premier un Journal de médecine à prix très modéré, un recueil médical vraiment populaire; à la science, en laissant des ouvrages qui seront toujours consultés avec fruit, et un immense panorama qui, rappelant l'histoire de l'art pendant vingt-huit années, restera comme un véritable monument élevé à la marche progressante de la médecine. A côté des facultés intellectuelles sont les facultés morales, près de la tête est le cœur, et ce cœur, la nature l'avait ouvert à toutes les inspirations grandes et généreuses, à toutes les aspirations de progrès et d'une sage libéralité. Doué d'un esprit vif et délié et d'une charmante gaité de caractère, le commerce de sa vie était agréable et recherché. A ces dons d'une humeur douce, ouverte et enjouée il joignait une vive sensibilité. L'amitié chez lui n'était point un vain mot, c'était un lien auquel venaient se rattacher tous les dévouements possibles. Il était le père de famille accompli; à toutes les heures de la journée on le trouvait entouré de ses enfants. Doué de connaissances variées, il était leur professeur, leur maître; seul il acheva l'éducation de ses filles et ses fils, seul il sut les conduire jusqu'en quatrième, où il les faisait s'asseoir dans un des premiers rangs. Lorsque la mort le surprit, il était occupé à composer un ouvrage sur l'éducation de l'enfance. Identifié, pour ainsi dire, à chaque instant du jour avec ses enfants, ce n'était pas seulement de l'affection qu'il avait pour eux, c'était un culte d'amour et de tendresse. Aussi combien son excellent cœur souffrit quand, il y a deux

ans, une mort rapide vint lui enlever une fille pleine de grâce et d'esprit. La souffrance fut chez lui si vive et si longue que sa constitution en fut ébranlée, et cet ébranlement fut complet lorsque, dans les premiers mois de cette année, sa deuxième fille, digne de son aînée, fut atteinte d'une fièvre grave. Ce fut au chevet de cette fille chérie, qu'il n'avait point quittée depuis un mois, que les premiers symptômes de sa dernière maladie vinrent l'atteindre. Ah! pourquoi faut-il que la mort aveugle et inexorable soit venue l'arracher à une épouse sur laquelle repose aujourd'hui tout le fardeau d'une vaste entreprise, à des enfants qui tous, jeunes encore, avaient tant besoin de leur père, à ce nombreux cercle d'amis dont il faisait la joie, l'orgueil, quand pour quelques uns d'entr'eux il était si nécessaire! Ne serait-on point en droit de murmurer, et pour ne pas le faire, combien il faut se rappeler ces paroles du psalmiste: << Vos jugements sont véritables, Seigneur, et votre Providence conduit toute chose. >>

10 Juillet 1858.

L'INCONSOLABLE

Imitation de la Ballade de MARGHERITA PUSTERLA

« Torni alfin, diletlo Piero! »>

Dans le Racconto di Cesare Cantù.

Par M. A. DOUSSEAU

Membre Résidant.

La douce paix à ma flamme constante,
Enfin le rend.... O nuit! hâte ton cours,

Car c'est demain qu'aux pieds de son amante
Mon bien-aimé revient, et pour toujours;

Bientôt va se parer l'autel de l'hyménée :

J'y marcherai joyeuse.... Ainsi, dans son transport,
Longtemps la jeune Vierge occupe sa pensée,
Et s'endort.

Plus de chagrins désormais, plus d'alarmes,
Oui, le voilà, ce digne fils de Mars!
Brillant et fier, couvert de nobles armes,

Et que d'amour, quel feu dans ses regards!
Il presse dans ses bras sa Céline ....; la belle,
De récents déplaisirs oubliant la rigueur,
Sent de son chevalier battre le cœur fidèle

Sur son cœur.

Tendre entretien succède à cette ivresse,
Récits divers ont un attrait pareil :

Lors, de l'absence elle dit la tristesse,

Ses jours sans joie et ses nuits sans sommeil ;
Il dit l'acier qui luit et le clairon qui sonne,
Les dangers qu'il courut et ses exploits nouveaux;
La gloire et ses fureurs, et comme elle moissonne
Les héros.

Longue est la fête où leur hymen s'achève,
Gaie et pompeuse, on admire, on bénit

Cet heureux couple...... Hélas! ce n'est qu'un rève :
Le chevalier n'est plus !.... Seul, son esprit
Revient et pour charmer le sommeil de sa mie,
Le berce mollement de songes amoureux,
De l'image des biens qu'un sort cruel dénie
A leurs vœux.

Tout en ce jour me sourit, m'encourage,
Disait Céline, et ce songe enchanteur
C'est le garant, le fortuné présage

D'un avenir de paix et de bonheur !....

Tout-à-coup elle tremble, et recule effrayée :

Ce cimier qu'on lui montre, il ornait son amant...

O terreur! cette plume est de fange souillée

Et de sang!

« Ton fiancé.... Vengeance, o Ciel, vengeance!

Ce preux qu'avaient épargné les combats.
Sous le poignard est tombé sans défense :
Ivre d'amour, précipitant ses pas,

Il allait à ta main joindre sa main vaillante;
Mais dans un piège infâme un rival l'attendait....
Mourant, l'infortuné, de sa voix défaillante
T'appelait. »

C'est un calice amer que cette vie

Aux cœurs brisés........ Dans un sombre couvent,
Céline pâle et morne psalmodie

Des chants sacrés qu'elle interrompt souvent,
Que d'ennuis, de regrets troublent tes lentes heures,
Amante de la mort!.. Tu chantes, mais toujours,
Même en tes oraisons, tu gémis, et tu pleures
Tes amours.

O toi, qui vois ma peine inconsolable
Du haut des Cieux, prions, mon doux ami,
Que par pitié le trépas secourable
Termine enfin ma vie et mon souci !

D'un Dieu compatissant obtenons que je meure,
Car il n'est, tu le sais, plus de repos pour moi,
Que quand j'habiterai la céleste demeure.

Avec toi.

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