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BELGIQUE

NOTICE GÉNÉRALE.

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Si la Belgique a été appelée pendant longtemps la terre promise de la contrefaçon, où une habitude invétérée avait fait considérer comme commune à tous la propriété des auteurs, musiciens et littérateurs », ou le foyer de la contrefaçon littéraire la plus effrénée ›1), elle a en tout cas racheté son passé d'une façon radicale en se plaçant par la promulgation de sa loi de 1886 au premier rang des nations respectueuses du droit des auteurs nationaux et étrangers. C'est là une évolution, en apparence, brusque; mais, rien ne serait plus contraire à la vérité historique que de vouloir faire dater les annales de cette protection internationale seulement de l'année 1886. La Belgique a, en effet, conclu des arrangements dans ce but longtemps auparavant. a) Rapports avec la France. La réunion de la Belgique, le 1er octobre 1795, à la première République française a donné aux relations avec ce pays voisin une importance particulière. Les lois françaises relatives au droit d'auteur y devinrent dès lors applicables, et les éditeurs français commencèrent à lutter, d'abord sans grand succès, contre les éditions non autorisées de leurs ouvrages publiés avant l'annexion. Après la dissolution de l'Empire et la réunion de la Belgique à la Hollande, la législation établie pour les Pays-Bas, l'arrêté-loi du 23 septembre 1814 et la loi du 25 janvier 1817, régissaient aussi la Belgique; toutefois, les dispositions des lois françaises y demeuraient en vigueur, en tant qu'elles n'avaient pas été modifiées ou abrogées par la loi de 1817. Comme celle-ci subordonnait la reconnaissance du droit d'auteur sur les œuvres littéraires à la clause de l'impression des ouvrages sur territoire national et à la formalité du dépôt en triple exemplaire, les droits des auteurs étrangers restaient méconnus.

1) Voir Cattreux, Droit d'Auteur, 1888, p. 78; Wauwermans, ibidem, 1898, p. 128; Darras, p. 149 et suiv.

Des pourparlers pour arriver à un traité littéraire ayant échoué en 1840, la France, afin de combattre la contrefaçon belge, prit pour système de lui enlever les débouchés les plus considérables en Allemagne, Angleterre, Espagne et Italie à l'aide de traités littéraires conclus avec ces pays, et d'enfermer ainsi cette industrie dans un cercle de fer empêchant l'écoulement des réimpressions de ses œuvres. Puis, à l'expiration du premier traité de commerce franco-belge, la France proposa un nouveau traité de commerce qui formait avec un traité littéraire et une convention commerciale un ensemble d'arrangements signés le 22 août 1852. Ce ne fut, toutefois, qu'en avril 1854 que les Chambres belges les approuvèrent en séance de « comité secret ›, en sorte qu'ils entrèrent en vigueur seulement le 12 mai 1854.

Ce premier traité littéraire était de nature encore assez restrictive: les auteurs étaient astreints à remplir une formalité d'enregistrement et de dépôt dans les trois mois aussi bien dans le pays d'origine que dans le pays d'importation ou, du moins, moyennant certaines taxes, auprès du représentant diplomatique de ce pays dans le premier pays; le droit de traduction était fort limité (mention de réserve; publication de la traduction, en partie, dans la première année et en totalité dans les trois années, et, pour les pièces de théâtre, dans les trois mois; durée du droit limitée à cinq ans); ensuite la réglementation de la transition entre l'ancien et le nouveau régime de protection (vente des réimpressions) entrait dans les plus grands détails; enfin il fallait prévoir le droit d'édition partagé et régler les questions de transit et de droit de douane. On peut donc affirmer que toutes ces dispositions (article additionnel du 27 février 1854; déclaration du 12 avril 1854; décret impérial français du 19 avril; arrêté royal belge du 12 avril; arrêté ministériel du 25 avril 1854; décisions des 11 avril et 31 juillet 1859) forment une véritable littérature, grossie encore par les arrêts multiples intervenus dans les procès qui surgirent à la suite de la conclusion de ce traité 1).

Ce premier traité fut remplacé par celui du 1er mai 1861 lequel en différait peu et maintenait notamment les conditions et délais du droit de traduction. En vertu d'une déclaration expresse signée le 27 mai 1861, jour de l'échange des ratifications, les éditeurs belges demeuraient libres de composer des chrestomathies avec des extraits d'ouvrages français tombés ou non dans le domaine public, sans être tenus de les accompagner de notes ou de traductions d'aucune sorte. Ce traité contenait la clause de la nation la plus favorisée. Or, lorsque dans la suite, la Belgique conclut avec le Portugal (1866) et avec la Suisse (1867) des traités plus favorables, notamment quant au droit de représentation, les auteurs dramatiques français invoquèrent cette clause

1) Pataille et Huguet, p. 179 à 194; Pataille, Appendice, p. 160 et suiv.; Pa

taille, Annales, I, 60; II, 48, 148, 169; V, 225, 297, 313; VI, 33, 92.

avec profit). Les auteurs qui jouissaient de la protection dans le pays d'origine furent également déliés de l'obligation de remplir des formalités dans l'autre pays, par une déclaration expresse, échangée entre les deux Gouvernements le 7 janvier 1869, et le régime de la protection devint de plus en plus large (convention additionnelle du 29 septembre 1879). Le traité conclu le 31 octobre 1881, en restreignant de nouveau le droit de traduction, fut considéré comme un pas en arrière, contre lequel on entendit se préserver par une déclaration additionnelle du 4 janvier 1882 étendant formellement le bénéfice de la clause de la nation la plus favorisée (in casu, ce fut l'Espagne, favorisée par le traité du 26 juin 1880) au droit de traduction et au droit de représentation des traductions. Lorsque les relations commerciales de la France avec la Belgique entrèrent en 1891 dans une période troublée, ce traité fut dénoncé pour le 1er février 1892 par ce dernier pays 2). Cette mesure n'eut, cependant, qu'un caractère démonstratif, puisque le lien que la Convention de Berne avait noué entre ces deux nations, ne fut pas brisé.

b) Rapports avec d'autres pays. Des traités presque identiques avec celui passé entre la France et la Prusse le 2 août 1862 furent signés entre la Belgique et la Prusse le 28 mars 1863 et entre la Belgique et la Saxe le 11 mars 1866. Puis l'Empire d'Allemagne remplaça ces traités par un traité du 12 décembre 1883, qui est calqué sur le traité franco-allemand du 19 avril 1883 (voir ci-dessus).

Un traité semblable au premier traité franco-belge de 1852 avait aussi été conclu entre la Belgique et la Grande-Bretagne (12 août 1854); il fut mis hors d'effet en Angleterre par l'ordonnance du 28 novembre 1887 lors de la mise en vigueur de la Convention de Berne et disparut d'un commun accord après un échange de notes entre les deux Gouvernements.

Ensuite, la Belgique signa, le 30 août 1858, un traité avec la Hollande qui subsiste encore tel quel malgré ses imperfections très grandes, car, entre autres, ce traité exclut la reconnaissance du droit de traduction; mais, détail important, il contient la clause de la nation la plus favorisée.

Le 30 avril 1859, la Belgique conclut avec l'Espagne un premier traité qui appartient au groupe de ceux que nous venons de mentionner; dénoncé par l'Espagne, il fut remplacé par celui du 26 juin 1880, beaucoup plus favorable et dépassant même en largeur de vues la Convention d'Union, puisqu'il stipule l'assimilation complète du droit de traduction au droit de reproduction, la protection absolue du droit d'exécution et la protection intégrale des articles de journaux autres que ceux de discussion politique.

1) Voir Lyon-Caen et Delalain, II, p. 278. 2) Voir Droit d'Auteur, 1891, p. 33. Pa

taille, Ann. XXXVII, 228; Clunet, 1891, p. 23; 1892, p. 802.

Au contraire, le traité conclu entre la Belgique et la Russie le 18/30 juillet 1862 dans des termes analogues à ceux du traité francorusse de 1861 fut dénoncé par la Russie le 9/21 décembre 1885 1).

Les relations établies par le traité du 11 octobre 1866 avec le Portugal n'ont subi aucune modification. Il n'en a pas été de même des traités conclus avec l'Italie (24 novembre 1859) et avec la Suisse (25 avril 1867), lesquels ont cessé d'exister, le premier à partir du 4 juillet 1889, le second à partir du 7 mai 1890); ils furent dénoncés d'un commun accord avec ces pays comme n'ayant plus de raison d'être à côté de la Convention de Berne.

c) La Belgique avait pris part, dès le début, aux Conférences convoquées pour la fondation d'une Union internationale et elle devint un des premiers pays signataires de la Convention de Berne.

d) Entre temps, une évolution importante s'était préparée grâce à tous ces arrangements; en effet, ceux-ci accordaient aux auteurs étrangers en Belgique des droits plus étendus, notamment en ce qui concerne le droit d'exécution, que ceux dont jouissaient les Belges dans leur pays en vertu de leur législation fort défectueuse, et l'injustice d'un pareil régime devait s'imposer aux plus aveugles». Après plusieurs tentatives infructueuses, la loi du 22 mars 1886, véritable loimodèle sur le droit d'auteur, fut adoptée et la protection des étrangers placée sur une base des plus solides, l'article 38 disposant ce qui suit:

ART. 38. Les étrangers jouissent en Belgique des droits garantis par la présente loi, sans que la durée de ceux-ci puisse, en ce qui les concerne, excéder la durée fixée par la loi belge. Toutefois, s'ils viennent à expirer plus tôt dans leur pays, ils cesseront au même moment en Belgique.

e) Il va de soi qu'avec une disposition aussi libérale, la Belgique put facilement démontrer aux autorités des États-Unis qu'elle mettait les auteurs américains sur le même pied que ses nationaux, et satisfaisait ainsi à la clause de réciprocité, établie par la loi américaine du 3 mars 1891 dont les bénéfices furent assurés aux auteurs belges. Depuis lors, la Belgique n'a conclu que deux arrangements rentrant dans ce domaine en introduisant dans un traité d'amitié avec le Mexique la clause de la nation la plus favorisée (7 juin 1895) et en stipulant avec le Congo, dans un traité d'extradition, une disposition intéressante relative à la répression des fausses indications de provenance sur les œuvres littéraires et artistiques (20 décembre 1898).

En somme, la Belgique protège scrupuleusement les auteurs de toutes les nations; vainement on a essayé d'y importer les œuvres étrangères reproduites sans autorisation sur le territoire de certains

1) Voir Clunet, 1885, p. 438; 1888, p. 738, Droit d'Auteur, 1888, p. 122.

2) Voir Droit d'Auteur. 1889. p. 113; 1890. p. 66.

pays voisins; l'article 38 précité permet d'opposer une barrière solide à cette importation.

Débarrassée de l'industrie parasite de la contrefaçon, la Belgique (population: près de 7 millions d'habitants) a vu se développer, depuis une cinquantaine d'années, un mouvement littéraire important. Malgré l'attraction invincible de Paris, ce mouvement a su garder, grâce aux vieilles traditions d'indépendance, à l'esprit littéraire, au goût des arts et de la musique qui sont un apanage du peuple belge, son caractère propre et original. « Des publicistes, des littérateurs, des écrivains, des poètes et prosateurs de langue française ont illustré les lettres belges et ont porté leur renommée à l'étranger » (Cattreux). Parallèlement il s'est produit un mouvement littéraire flamand qui a été assez intense en matière de poésie et d'art dramatique; cette renaissance des lettres flamandes a été fort remarquée surtout dans l'îlot ethnographique des peuples de langue bas-allemande.

La production moyenne des livres est évaluée en Belgique à environ 2200 par an (1900: 2610). Environ 800 journaux (1900: 828) s'y ajoutent. Le commerce de la librairie est fortement organisé. Il y a lieu de relever encore que la science bibliographique a trouvé à Bruxelles un outillage perfectionné et un home. La Belgique est la preuve vivante de cet axiome 1): « Le développement intellectuel, littéraire et artistique d'un pays est en raison directe de la protection accordée aux auteurs nationaux et étrangers ».

1) Voir Wauwermans, Le droit des auteurs en Belgique, p. 74.

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