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Le projet de loi d'ensemble élaboré par une commission de revision en 1825 ne contenait aucune disposition d'ordre international, pas plus que celui adopté par la Chambre des pairs en 1839; toutefois, dans ce dernier projet un article avait prévu d'abord la protection sur la base de la réciprocité, mais cet article avait disparu déjà lorsqu'intervint le vote final de rejet. En revanche, le projet soumis à la Chambre des députés en 1841 et repoussé en définitive par celle-ci prévoyait que les droits reconnus en faveur des nationaux et des étrangers qui auraient publié leurs œuvres pour la première fois dans le royaume, pourraient aussi être accordés, en tout ou en partie, par des conventions diplomatiques aux auteurs d'œuvres de littérature et d'art publiées en premier lieu à l'étranger.

Malgré l'insuccès de cette revision totale, la France poursuivit le but de fermer les débouchés à la contrefaçon dont ses auteurs étaient les principales victimes, puisque cette contrefaçon leur barrait l'accès des marchés étrangers. La mesure prise par le code pénal de 1810 (art. 426) pour réprimer l'introduction de la contrefaçon en France, fut suivre par d'autres, insérées dans la loi de 1841 sur les douanes l'article 8 de cette loi est encore en vigueur et destinées soit à exclure les contrefaçons du transit, soit à exiger un certificat d'origine pour l'admission à l'importation ou au transit des << livres en langue française dont la propriété est établie à l'étranger, ou qui sont une édition étrangère d'ouvrages français tombés dans le domaine public ». En effet, les auteurs français, non encore protégés à l'étranger, pouvaient être tentés de faire imprimer leurs œuvres au dehors afin de déjouer les entreprises des pirates; ces dispositions avaient donc pour but de régulariser et de faciliter les transactions honnêtes avec leur patrie même, tout en leur réservant nettement, dans cette dernière, la protection légale qu'on avait voulu leur contester en pareille occurrence. Mais le remède le plus efficace pour combattre le fléau de la piraterie résidait dans l'entente formelle avec les autres États.

a) Les premiers traités (1840 à 1852). Dès 1840, la diplomatie française entra en pourparlers avec quelques pays en ouvrant des négociations parallèles pour favoriser l'échange des produits industriels et des productions littéraires. Dans le traité de commerce conclu le 25 juillet 1840 entre la France et les Pays-Bas fut proclamé pour la première fois, du côté de la France, dans un acte bilatéral — le principe suivant: «La propriété littéraire sera réciproquement garantie. Les conditions d'application et d'exécution de ce principe devaient être déterminées dans une convention spéciale laquelle, toutefois, ne fut signée que quinze ans plus tard. De même, l'arrangement que la France cherchait en vain à obtenir de la Belgique dès la même époque ne fut stipulé qu'en 1854 (voir notice Belgique, p. 116 ci-dessus).

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En revanche, ces démarches aboutirent auprès de quatre pays. En général, les premiers traités ne constituaient qu'un premier pas timide dans la voie de la protection internationale; les conventions étaient fort incomplètes, conclues pour quelques années seulement, comme à titre d'essai, et visaient surtout la lutte contre les réimpressions, de sorte qu'on y trouve, en dehors de l'interdiction de contrefaire à l'intérieur, encore celle d'importer des reproductions illicites et, en outre, des prescriptions concernant des certificats d'origine pour les envois réciproques des œuvres littéraires et artistiques, ainsi que des détails relatifs aux modalités d'expédition douanière.

Le premier traité littéraire proprement dit fut celui conclu à Turin le 28 août 1843 avec la Sardaigne et complété par deux traités supplémentaires des 22 avril 1846 et 5 novembre 1850; le second, celui avec le Portugal, du 12 avril 1851, le troisième, celui avec le Hanovre, du 20 octobre 1851, et le quatrième, celui avec la Grande-Bretagne, du 3 novembre 1851. Tandis que les traités avec la Sardaigne et le Hanovre ne prescrivaient pas de formalités autres que celles du pays d'origine, ceux avec le Portugal et l'Angleterre subordonnaient l'exercice du droit de propriété au dépôt cumulatif d'un exemplaire de chaque publication nouvelle dans l'autre pays (Londres et Lisbonne). Le droit de traduction était sauvegardé pendant cinq ans dans les rapports avec la Sardaigne, le Portugal et l'Angleterre, pourvu qu'il fût réservé et qu'il en fût fait usage dans des délais qui variaient d'un à trois ans; au contraire, le traité avec le Hanovre ne contenait aucune stipulation concernant le droit de traduction et les articles de journaux. D'ailleurs, nous pouvons renvoyer pour les détails concernant ces traités et tous ceux conclus jusqu'au 30 octobre 1858, soit 28 traités conclus avec 25 pays, à l'analyse remarquable que le Ministère de l'Intérieur de France en donna dans une Instruction adressée aux préfets le 1er septembre 1859 sous forme d'un Exposé relatif à la nature et à l'étendue des droits convenus et aux formalités et obligations dont dépendait la jouissance des garanties conventionnelles (voir code de Pataille, appendice, p. 100 à 124).

Au cours des débats parlementaires sur les trois traités conclus en 1851, M. Barthélemy-Saint-Hilaire prononça, dans la séance du 3 juin 1851, la phrase suivante: « Quand nous aurons commencé par déclarer que la contrefaçon est chez nous un délit puni par les lois, je crois que nous obtiendrons beaucoup plus facilement des Gouvernements qu'ils l'abolissent chez eux. » Ces paroles furent entendues. Des idées semblables avaient, du reste, été exprimées aussi bien dans les Chambres que par des écrivains (voir Darras, p. 213 et suiv.). Le terrain était donc bien préparé pour une orientation nouvelle de la sauvegarde internationale des droits intellectuels.

b) Le décret de 1852. Cette impulsion fut donnée par le décret, devenu célèbre, à juste titre, du 28 mars 1852, promulgué par Louis

Napoléon, Président de la République française. Le rapport du Ministre de la justice, M. Abatucci, qui précède le décret, fait valoir d'abord en termes significatifs que «le droit d'auteur, qui consiste dans le droit temporaire à la jouissance exclusive des produits scientifiques, littéraires et artistiques, est consacré par la législation française au profit des nationaux, et même des étrangers, relativement aux ouvrages publiés en France ». Puis, après avoir constaté que les étrangers qui peuvent acquérir et possèdent en France, sous la garantie légale, des meubles et des immeubles, ne peuvent empêcher l'exploitation de leurs œuvres par des contrefacteurs, le rapport contient la magistrale déclaration de principe suivante: «Vous aurez consacré l'application d'un principe salutaire, vous aurez assuré aux sciences, aux lettres et aux arts un encouragement sérieux, si vous protégez leurs productions contre l'usurpation, en quelque lieu qu'elles aient vu le jour, à quelque nation que leur auteur appartienne. Une seule condition me paraît légitime, c'est que l'étranger soit assujetti, pour la conservation ultérieure de son droit, aux mêmes obligations que les nationaux. Voici le texte de ce décret fondamental, qui reste toujours applicable, sans aucune condition de réciprocité :

ART. 1er.

La contrefaçon, sur le territoire français, d'ouvrages publiés à l'étranger et mentionnés à l'article 425 du Code pénal, constitue un délit.

ART. 2. Il en est de même du débit, de l'exportation et de l'expédition des ouvrages contrefaisants. L'exportation et l'expédition de ces ouvrages sont un délit de la même espèce que l'introduction, sur le territoire français, d'ouvrages qui, après avoir été imprimés en France, ont été contrefaits chez l'étranger.

ART. 3. Les délits prévus par les articles précédents seront réprimés conformément aux articles 427 et 429 du Code pénal. L'article 463 du même Code pourra être appliqué.

ART. 4. Néanmoins, la poursuite ne sera admise que sous l'accomplissement des conditions exigées relativement aux ouvrages publiés en France, notamment par l'article 6 de la loi du 19 juillet 1793.

Au début, le décret, bien qu'attaqué comme étant trop généreux, a été salué comme «l'exemple de la consécration la plus large de la propriété littéraire et artistique (Cour de Paris, 1853), comme « <la manifestation vivante d'un principe de justice trop longtemps étouffé » (Congrès de Bruxelles, 1858), et cela grâce à la généralité de ses termes qui semblent établir l'assimilation absolue de l'étranger au national. Mais une tendance restrictive s'est manifestée bientôt dans la jurisprudence et dans la doctrine. En 1857, la Cour de cassation a reconnu que, l'article 428 du code pénal n'étant pas cité dans le décret, celui-ci ne permet pas aux étrangers de s'opposer à la représentation de leurs

œuvres. Et la majorité des auteurs, surtout des auteurs modernes, admettent que l'étranger ne peut revendiquer en France, en matière de reproduction et de traduction, ni une protection plus longue ni des droits plus étendus que dans le pays de première publication et que, si des traités moins favorables ont été conclus entre la France et une autre nation, ces traités deviennent applicables à l'exclusion du décret (contra Pouillet, no 850, etc.). En présence de l'extension prise par la protection internationale des auteurs (traités, Unions), ces questions ont perdu beaucoup de leur importance pratique ; néanmoins on peut espérer qu'on reviendra un jour aux conceptions plus libérales de jadis.

c) Traités conclus par l'Empire. C'est avec une grande habileté que la diplomatie française s'est servie du décret ci-dessus, soit pour entamer ou hâter des négociations directes sur cette matière, soit pour poursuivre celles ouvertes en connexité avec les traités de commerce. Non moins de 23 pays entrèrent ainsi, dans la première décade (1852 à 1862), en relations avec la France pour la protection réciproque des auteurs. Il est vrai que quinze de ces pays étaient des États allemands alors indépendants (voir l'énumération de ces traités sous Allemagne, p. 48). La genèse laborieuse des traités conclus avec la Belgique (traité du 22 août 1852, remplacé par celui du 1er mai 1861) et avec l'Espagne (traité du 15 novembre 1853) a déjà été racontée dans les notices relatives à ces pays (voir les analyses, p. 116 et 211 ci-dessus). Un seul pays, le Danemark, au lieu de conclure une convention, se contenta de sanctionner, grâce au décret de 1852, la réciprocité de traitement par des ordonnances des 29 novembre 1858 et 5 mai 1866 (voir sous Danemark, p. 190 ci-dessus).

Restent les arrangements avec cinq pays dont il importe de dire quelques mots pour illustrer les commencements difficiles et les revers des rapports ainsi créés. L'article 20 du traité de commerce conclu le 15 février 1853 avec la Toscane prohibait uniquement la fabrication des contrefaçons des œuvres artistiques et littéraires des auteurs des deux pays. La convention assez rudimentaire conclue les 4-6 juillet 1856 avec le Luxembourg et celle, complémentaire et explicite, du 16 décembre 1865 furent définitivement supprimées par un accord entre les deux Gouvernements, du 9 septembre 1899, comme < étant devenues sans objet à raison de l'accession du Grand-Duché à la Convention de Berne». La convention conclue le 30 octobre 1858 avec le seul canton de Genève, qui ne stipulait rien sur l'exécution ou la représentation publique, mais réglait le droit de traduction malgré l'identité de la langue des deux pays et prévoyait des réductions de taxes pour les journaux et ouvrages, a cessé d'exister en 1864 à la suite de la conclusion d'un traité avec la Suisse.

En revanche, le traité conclu après quinze ans d'attente avec les Pays-Bas, le 29 mars 1855, est encore aujourd'hui en vigueur avec

l'article 2 d'un arrangement supplémentaire du 27 avril 1860; ces actes ne concernent pas le droit exclusif de traduction. D'autre part, d'après le préambule de ce traité, sont maintenues formellement en faveur des sujets néerlandais les garanties dont ils jouissent déjà en France en vertu du décret du 28 mars 1852 ». La protection découlant de ce traité fut suspendue pendant quelques années lorsque le traité de commerce du 25 juillet 1840 fut dénoncé et que deux autres traités semblables échouèrent en 1881 et 1882; ce n'est que le 19 avril 1884 que le régime précité fut rétabli « à titre provisoire, en attendant la conclusion d'arrangements définitifs », par une déclaration stipulant aussi la protection des œuvres musicales, négligée auparavant (voir ci-après, p. 299); rien n'est, toutefois, prévu au sujet des productions artistiques, quand bien même les divers arrangements parlent dans leur titre de la garantie des œuvres d'esprit et d'art.

Le traité passé entre la France et la Russie, le 6 avril 1861, en exécution d'une promesse contenue dans le traité de commerce du 14 juin 1857, fut dénoncé par la Russie et cessa de produire ses effets à partir du 14 juillet 1887. Bien qu'il n'eût réglé ni le droit de traduction ni le droit d'exécution ou de représentation, il avait été considéré par la Russie comme onéreux. Des abus réels semblent avoir été commis sous son régime par des agents maladroits chargés de représenter les intérêts français. Depuis ce temps, des efforts ont été tentés à plusieurs reprises pour rétablir ces relations, La Société des gens de lettres à Paris a envoyé des missions spéciales en Russie. Émile Zola publia, dans le Temps du 24 décembre 1893, une Lettre ouverte à la presse russe, qui souleva beaucoup de commentaires. Mais, malgré les vœux des congrès de la propriété littéraire et de la presse, les choses n'en sont pas plus avancées (voir sous Russie) au grand préjudice des auteurs des deux pays.

A partir de 1860, l'Empire désireux d'assurer une protection plus large aux auteurs, signa une série de nouveaux traités littéraires dont les avantages furent souvent payés par des concessions économiques. Cette série fut ouverte par le traité conclu le 2 août 1862 avec la Prusse, suivi de l'adhésion de seize autres États allemands et de la conclusion de traités analogues avec un nouveau groupe de ces États, si bien qu'en 1865 trente de ceux-ci étaient liés avec la France en cette matière; cette protection interrompue pendant dix-huit mois par les événements de 1870-1871, dura jusqu'en 1883 (voir pour plus de détails la notice Allemagne, p. 49 et 50 ci-dessus).

D'autre part, en janvier 1863, la France fit savoir à la Suisse que la conclusion d'un traité de commerce avec réduction des droits d'entrée serait subordonnée d'une façon absolue à l'élaboration d'un traité littéraire; afin de bénéficier des avantages commerciaux, la Suisse, bien que dépourvue d'une législation nationale, dut consentir à un traité littéraire, du 30 juin 1864, qui, en raison de cette absence

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