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de législation, eut cela de particulier que la protection accordée aux Français en Suisse était explicitement réglée par un chapitre spécial du traité lui-même.

Le 29 juin 1862, la France signa à Turin, avec le royaume d'Italie, un traité très avancé pour cette époque, car il prescrivait l'assimilation du droit de traduction au droit de reproduction avec délai d'usage d'un an et l'observation des formalités dans le seul pays d'origine. La France sut aussi en 1865 trouver le moyen d'empêcher la contrefaçon des œuvres françaises dans la Principauté de Monaco. Ensuite, le 11 juillet 1866, le traité conclu en 1851 avec le Portugal fut remplacé par un autre traité plus favorable, encore actuellement en vigueur. Ce traité, de même que celui conclu à la fin de la même année (11 décembre 1866) avec l'Autriche-Hongrie et qui subsiste toujours (voir sous Autriche, p. 85 et 90), exigent, outre l'accomplissement des formalités dans le pays d'origine, encore un enregistrement dans le pays d'importation; aussi le Cercle de la Librairie, à Paris, a-t-il organisé un Bureau des déclarations afin de faciliter aux auteurs français les inscriptions à faire, soit à Lisbonne, soit à Vienne (formalités remplies en 1900 pour 1683 œuvres, en 1901 pour 1309 œuvres; la diminution continue depuis quelques années). Au sujet du groupe des traités conclus par l'Empire, mais qui n'ont pas été approuvés par une loi du Parlement, on a soulevé il est juste de le dire -la question de savoir s'ils ne sont pas de ce chef entachés de nullité; cependant, la jurisprudence a décidé avant 1870 en sens contraire et la doctrine s'est rangée généralement, mais non unanimement, à cette opinion.

d) Les premiers traités de la République. Cette période s'ouvrit par des négociations entamées avec l'Allemagne et par l'élaboration d'une Déclaration signée par la France et la Grande-Bretagne le 11 août 1875 au sujet de la protection des œuvres dramatiques. A la suite du Congrès littéraire organisé lors de l'Exposition universelle de 1878, un puissant mouvement d'expansion des idées de protection des auteurs se produisit un peu partout. L'Association littéraire internationale fut créée à Paris et un des membres fondateurs les plus estimés, M. Torrès Caicedo, ministre du Salvador à Paris, conclut au nom de son pays avec la France, le 9 juin 1880, un traité, le premier de cette série, qui constituait une étape de plus dans cette voie (voir plus loin la notice Salvador). Sept jours plus tard fut signé le traité avec l'Espagne, envisagé encore actuellement par beaucoup de spécialistes comme le traité-type (voir notice Espagne, p. 214 ci-dessus). Suivirent les traités aujourd'hui disparus avec les deux pays voisins, la Belgique (31 octobre 1881) et la Suisse (23 février 1882). Par un article additionnel au traité de commerce du 30 décembre 1881, le traitement national fut aussi assuré dans les rapports avec la Suède et la Norvège, et afin de déterminer les formalités à remplir par les

auteurs respectifs, un arrangement spécial concernant toutefois uniquement les auteurs suédois, fut signé à Stockholm le 15 février 1884. Le 19 avril 1883 eut lieu à Berlin la signature du traité littéraire avec l'Empire allemand dont l'importance pour l'évolution internationale du droit d'auteur a été caractérisée déjà (p. 50 cidessus). Ce traité fut suivi par celui conclu le 9 juillet 1884 avec l'Italie. Ce dernier, sorte de combinaison entre les traités francoallemand et franco-espagnol, ne dépasse le niveau de la Convention de Berne que sur deux points: non-obligation de la mention de réserve du droit d'exécution des œuvres musicales et clause de la nation la plus favorisée.

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e) Union internationale. Nous arrivons enfin à un fait décisif: la création de l'Union internationale en 1886. Nous avons vu dans l'Introduction générale combien la France a travaillé à cette œuvre. Aussi M. Reichardt, délégué de l'Allemagne à la première Conférence de Berne, en proposant M. Arago pour la vice-présidence de celle-ci, rendit-il pleinement hommage à la France qui, nous le savons tous, a toujours été des premières à prêter son puissant appui dès qu'il s'est agi de proclamer, de faire connaître ou de perfectionner la protection du droit d'auteur ». Ce n'a pas été assurément la faute de la France si, dès le début, on n'a pu régler dans l'Union l'interdiction des traductions non autorisées comme celle des contrefaçons, la répression des appropriations indirectes telles que les dramatisations, la défense des emprunts illicites et des reproductions des romansfeuilletons.

Le nouveau régime unioniste contribua à simplifier le régime conventionnel. Outre la suppression déjà mentionnée des traités avec le Luxembourg, les Gouvernements français et britannique tombèrent d'accord pour faire cesser aussi les traités de 1851 et de 1875 au moment de la mise en vigueur de la Convention de Berne. Au surplus, celle-ci fit ses preuves dans des circonstances critiques. Lorsque les relations commerciales de la France avec la Belgique et avec la Suisse entrèrent en 1891 dans une phase troublée, ces deux pays dénoncèrent les deux conventions séparées conclues avec la France en 1881 et 1882, à titre de moyen de rétorsion, pour le 1er février 1892. Mais la Convention de Berne qui lie ces trois États constitua une barrière assez solide pour qu'aucune interruption fâcheuse ne se produisit entre eux dans les rapports tutélaires des droits des auteurs. Cette démonstration victorieuse de la vitalité de la Convention de Berne a fini par convaincre les derniers représentants d'un groupe qui, en 1884, lors de l'élaboration de cet acte, avait prétendu que l'attitude de la France devait être celle-ci: «Mieux vaut, pour nous, nous allier à un petit nombre d'États ou persister dans le système des conventions individuelles que de signer une convention générale imparfaite. »

Les rédacteurs du traité d'Union avaient été unanimes à confier à la France la mission de convoquer la première Conférence de revision, et celle-ci, tenue à Paris au printemps de l'année 1896, eut un plein succès.

f) Traités récents et négociations diverses. Comme cela s'explique facilement par les circonstances, les efforts déployés pour élargir, dans la période actuelle, le domaine de la protection internationale se sont surtout dirigés vers l'Amérique. En dehors d'un arrangement avec la Roumanie, du 28 février 1893, c'est avec les pays américains, la Bolivie, Costa-Rica, l'Équateur, le Guatemala et le Mexique que, successivement, des ententes ou des traités ont été conclus (voir les notices consacrées à ces pays et, notamment, sous Guatemala, nos observations sur l'obligation onéreuse de remplir des formalités autres que celles prévues par la loi française). La première nation qui sollicita en faveur de ses citoyens l'application de la loi de 1891 des États-Unis sur le copyright, fut la France. Ce pays a adhéré également à la Convention de Montevideo de 1889 et a réussi, le premier, à faire agréer son adhésion par la République Argentine et le Paraguay.

Des négociations ont encore eu lieu, non seulement avec la Russie, mais aussi avec la Serbie et la Turquie, et en Amérique, avec le Vénézuéla et avec le Brésil où elles aboutirent à un résultat négatif très regrettable (voir notice Brésil, p. 144). Un fait qui mérite d'être relevé, c'est que la diplomatie française est secondée efficacement dans sa tâche par l'initiative privée et qu'elle sait s'appuyer sur le concours le plus dévoué des cercles intéressés. Paris est le siège de deux institutions importantes, l'Association littéraire et artistique internationale, déjà citée, qui, par ses congrès annuels, porte la bonne parole de la protection des droits intellectuels chez les peuples et dans les milieux les plus divers, et le Syndicat de la propriété littéraire et artistique, institué au Cercle de la Librairie et composé des représentants des grandes sociétés d'auteurs, d'artistes et de libraires de la France. L'influence de ces deux centres d'action, l'un international, l'autre national, rayonne au loin.

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La richesse de la production littéraire et artistique française et la fascination qu'elle exerce, surtout par le roman et le théâtre, dans beaucoup de milieux étrangers, grâce à l'élégance et à la précision de la langue, sont bien connues. Ce pays qui, sans les colonies, compte 39 millions d'habitants, a produit, dans les dernières années, une moyenne d'environ dix mille ouvrages relevés dans les Tables systématiques de la Bibliographie de la France. Le nombre des dépôts, qui

comprend également comme autant de numéros séparés les rééditions et les nouveaux volumes ou fascicules du même ouvrage, est naturellement plus considérable et s'élève en moyenne pour les ouvrages à 13,500, pour la musique à 6000 et pour les gravures et estampes à 1100 pièces par an. Dans les derniers temps, les tableaux statistiques indiquent plutôt un ralentissement de la production. Le chiffre des pièces françaises représentées en France et à l'étranger pour la première fois en 1899 s'élève à 660. Il se publie, par année scolaire, plus de 1800 thèses et écrits académiques.

Le nombre des hommes de lettres français est évalué à 25,000, celui des artistes (peintres, sculpteurs, architectes, graveurs, lithographes) était en 1882, d'après une indication approximative, de 13,700. En 1900, nous avons dressé (D. d'A., 1900, p. 67) une liste des sociétés d'auteurs qui, pour la France, ne comptait pas moins de 34 titres. La France est, en effet, le pays où les auteurs et leurs ayants cause habituels, les éditeurs, ont su créer des organisations professionnelles respectées telles que la Société des gens de lettres qui possédait, en 1902, 619 membres réguliers et 419 adhérents, et qui perçoit des droits (1898 366,000 francs) pour la reproduction, dans les journaux, des œuvres de ses membres; la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (exercice de 1899/1900: 3,744,000 fr. de recettes); la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (recettes de la première année 1851/1852: 14,400 fr.; de l'année 1899/1900: 2,234,000 fr.); le Syndicat de la propriété artistique fondé en 1896 (droits de reproduction recueillis en 1902: 48,700 fr.). Les architectes ont acquis une belle position par leurs groupements. Les photographes s'efforcent aussi de surveiller la reproduction de leurs productions dans les publications de la presse périodique et de la librairie et de rechercher les contrefaçons. La substitution de l'action collective à l'action individuelle dans ce domaine a eu d'heureuses conséquences pour l'indépendance des auteurs.

La presse périodique a actuellement 6700 organes (1891: 5182; 1901: 6681) dont 2850 se publient à Paris et le reste dans les départements; la presse provinciale suit, quant au nombre, une ligne descendante, la presse de la capitale augmente toujours. Le grand centre des revues mensuelles est Paris, tandis qu'en province presque la moitié des publications périodiques paraît tous les huit jours.

L'exportation brute des livres, gravures et lithographies a été en 1899 de 38,9 millions de francs (1897: 38 millions; 1898: 35,6 millions); sur cette somme 14 millions de francs (1895: 9,8 millions) reviennent à l'exportation des livres français, 3,8 millions sur celle des livres en langues étrangères ou mortes, 4 millions (1897: 7,5 millions) sur celle des gravures, 7 millions sur celle des publications périodiques. L'importation est moins considérable; pour les livres français elle a été de 3,7 millions, pour les livres en d'autres langues de 2,3 millions;

elle est en progrès constant pour les gravures, estampes et lithographies (1897: 7,9 millions: 1899: 11 millions).

Malgré la crise si souvent annoncée ou constatée du livre, des journaux et des pièces de théâtre, malgré l'encombrement constant du marché, la vitalité de la production française est grande et augmentera encore si des débouchés plus nombreux sont cherchés en province, si les bibliothèques sont décentralisées davantage, et si le commerce serre les rangs autour de l'excellent Cercle de la librairie de Paris. Loin de révéler quelque appauvrissement, les sources des forces intellectuelles jaillissent en France toujours avec vigueur, et ces forces attestent une originalité qui est la juste récompense du régime éclairé, entré dans les mœurs, de la protection générale en matière littéraire et artistique.

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