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Roubaud c. Durantin et ville de Genève), mais il y a certainement eu, à cet égard, quelque hésitation au début 1).

C'est dans la Suisse italienne qu'on a songé, pour la première fois et d'une façon indépendante sur territoire helvétique, à légiférer sur le droit d'auteur; cet honneur ne revient donc pas à Soleure qui avait inséré dans son code civil des dispositions y relatives élaborées par le jurisconsulte Bluntschli, mais au canton du Tessin qui, spontanément, avait adopté, le 20 mai 1835, une loi sur la propriété littéraire et artistique (D. d'A., 1898, p. 95). Cette loi ne protège pas, toutefois, les auteurs étrangers; l'article 11 prévoyait ce qui suit: Les œuvres imprimées à l'étranger pourront être réimprimées par tout imprimeur du canton en tout temps, sans que le premier reproducteur puisse interdire à d'autres une réimpression semblable. » Rien de surprenant dès lors que les contrefaçons d'oeuvres italiennes (Manzoni, Cantù, etc.) eussent été fréquentes au Tessin; les presses de Capolago acquirent à cet égard une réputation peu enviable. Mais afin de jouir de la protection de la loi de 1835, les éditeurs italiens, notamment les éditeurs de musique, ajoutaient souvent, sur la feuille de titre, à leur firme le nom d'une maison d'édition tessinoise et effectuaient le dépôt obligatoire prévu par cette loi. Le canton du Tessin fut invité officiellement à adhérer à la convention littéraire austro-sarde du 22 mai 1840, mais il ne donna jamais suite à cette invitation (lettre du Département de Justice du Tessin au Bureau international, du 12 février 1902; voir notice Autriche, p. 85).

A la Diète, chargée d'élaborer la nouvelle constitution de 1848, la Délégation genevoise proposa, mais sans succès, de prévoir la garantie de la propriété intellectuelle. Puis, le Conseil fédéral, pressenti par la France au sujet de la conclusion d'un traité littéraire, adressa aux cantons deux circulaires (21 avril 1852 et 3 janvier 1853) pour les engager à examiner ce point de même que la protection du droit d'auteur en général, et éviter ainsi que la Suisse ne devînt un refuge de la contrefaçon. En 1854 il convoqua une conférence de délégués pour élaborer un projet de concordat. Ce concordat fut soumis à l'approbation des cantons par une circulaire du 7 août 1854 et recueillit, le 3 décembre 1854, l'adhésion de douze cantons et d'un demi-canton auxquels se joignirent dans la suite deux autres cantons et un demicanton, tandis que Fribourg, St-Gall, Lucerne, Neuchâtel, Zoug et Valais s'en tinrent éloignés. L'article 8 du concordat admettait la réciprocité diplomatique et était ainsi conçu: « La protection de la propriété littéraire et artistique peut être étendue au moyen de traités aux œuvres des nations qui accordent la réciprocité de traitement et

1) M. Darras (p. 141) parle de Genève comme d'un foyer de contrefaçon et cite l'annonce d'une édition genevoise de Corneille, projetée et publiée en 1764. Or,

Corneille étant mort en 1684, cette édi-
tion aurait été licite en France et en
Suisse même d'après la législation du
XXe siècle.

qui, en même temps, par des droits d'entrée modérés, permettent le débit des œuvres de littérature et d'art suisses. Un semblable traité ne liera que les cantons qui y auront adhéré. »

Ensuite, le Conseil fédéral, sur les instances de la France, s'efforça d'amener les cantons concordataires à conclure, sur la base de l'article précité, avec ce pays un traité dont il leur soumit le texte, analogue à celui du traité franco-belge de 1852 (voir notice, p. 116), par une circulaire du 23 novembre 1857. Mais la plupart des cantons s'y montrèrent hostiles. La France entra donc en négociations avec le seul canton de Genève et, le 30 octobre 1858, une convention fut signée entre elle et le Conseil fédéral au nom de ce canton (voir une courte analyse, p. 263 ci-dessus); la faculté d'y adhérer ultérieurement fut réservée aux autres cantons (art. 21); mais ils n'en firent pas usage. Il est juste de dire que c'était plutôt par indifférence et, en tous cas, nullement dans l'intention de favoriser la contrefaçon qui était peu pratiquée alors, car d'après la constatation désintéressée de M. Cérésole, conseiller d'État de Vaud, qui rompit en 1859 publiquement une lance en faveur de la cause des traités, c'est à peine si, de loin en loin, on voit sortir d'une imprimerie suisse la réimpression d'un ouvrage encore approprié en France (p. 12 de sa brochure), et les contrefaçons faites aux dépens de nos écrivains ne sont pas très nombreuses, mais il en existe et l'existence d'un seul cas suffit pour justifier les mesures qui les répriment ». C'est évidemment dans cette même pensée que la France, quelques années plus tard, en 1863, lors de la négociation des traités de commerce, d'établissement et de bon voisinage, fit de la conclusion d'une convention littéraire avec la Confédération une condition sine qua non de toute concession sur le terrain économique; force fut donc d'accepter cette condition, comme fut acceptée, de la part de la France, la condition, réclamée avec instance par la Suisse en faveur de son industrie des boîtes à musique, de faire voter une loi d'après laquelle la fabrication et la vente des instruments servant à reproduire mécaniquement des airs de musique du domaine privé ne constitueraient pas le fait de contrefaçon musicale (loi française du 16 mai 1866; voir arrêt du Trib. de la Seine, du 6 mars 1903). En revanche, à la suite de la ratification, par les Chambres fédérales, des divers traités ainsi signés, les Français étaient, même sans l'acquiescement des cantons concordataires, protégés dans la Suisse tout entière, tandis qu'en l'absence d'une loi fédérale, les ressortissants de divers cantons étaient exclus de toute protection sur ce même territoire.

L'anomalie résultant du traité littéraire du 30 juin 1864 dont la seconde partie (art. 17 à 51) réglait d'une façon détaillée cette protection uniforme des Français en Suisse, fut ressentie par celle-ci comme une humiliation ou une situation d'infériorité et engagea les autorités fédérales à proposer au peuple, avec d'autres postulats comportant une revision partielle de la constitution, la faculté, pour la Confédé

ration, de légiférer en matière de droit d'auteur; mais cette revision ne trouva pas grâce dans la votation du 16 janvier 1866. Néanmoins, le Conseil fédéral ne put ou ne voulut pas refuser à d'autres pays ce qu'il avait concédé à la France, et la Suisse conclut une série de traités calqués à peu près complètement sur la convention francosuisse; c'est d'abord le traité avec la Belgique (25 avril 1867) avec laquelle la Suisse avait, d'ailleurs, stipulé déjà, par un traité de commerce du 11 décembre 1862, le traitement de la nation la plus favorisée en cette matiere, puis le traité avec l'Italie (22 juillet 1868), enfin celui avec la Confédération germanique du Nord (13 mai 1869, étendu à l'Alsace-Lorraine en 1873) et ceux avec le Grand-Duché de Bade, la Bavière, le Wurtemberg et la Hesse (16 octobre 1869). En vertu d'un accord conclu avec l'Empire d'Allemagne le 23 mai 1881 sous forme de Protocole, le traité du 13 mai 1869 devait remplacer les traités avec les États allemands particuliers et subsistait seul dans les rapports avec l'Allemagne.

Le 29 mai 1874, le peuple suisse adopta la constitution actuelle dont l'article 64 déclare que la législation sur la propriété littéraire et artistique est du ressort de la Confédération. Grâce surtout à l'initiative de feu M. le conseiller fédéral Numa Droz qui insista sur l'urgence de la réforme en raison de la revision imminente des traités de commerce et des conventions littéraires s'y rattachant, les Chambres acceptèrent, le 22 avril 1883, la première et jusqu'ici unique loi fédérale concernant ce domaine; cette loi présente une particularité digne d'être relevée au point de vue international: afin de concilier les vues doctrinales divergentes sur la nature du droit à régler, elle porte intentionnellement le titre français Loi concernant la propriété littéraire et artistique, et le titre allemand Bundesgesetz betreffend das Urheberrecht an Werken der Litteratur und Kunst. Elle contient, en matière de protection internationale, la disposition explicite que voici: ART. 10. Les dispositions de la présente loi sont applicables à toutes les œuvres dont les auteurs sont domiciliés en Suisse, quel que soit le lieu de l'apparition ou de la publication de l'œuvre. Elles sont également applicables aux œuvres parues ou publiées en Suisse, dont les auteurs sont domiciliés à l'étranger. L'auteur d'une œuvre parue ou publiée à l'étranger, et qui, luimême, n'est pas domicilié en Suisse, jouit des mêmes droits que l'auteur d'une œuvre parue en Suisse, si ce dernier est traité, dans le pays étranger, sur le même pied que l'auteur d'une œuvre parue dans ledit pays.

La protection accordée à l'auteur domicilié en Suisse pour l'œuvre publiée par lui à l'étranger a été motivée dans la commission du Conseil des États par cette considération qu'on ne doit pas autoriser des contrefaçons dans le voisinage immédiat de l'auteur, lorsque celui-ci a préféré, pour une raison quelconque, ne pas faire paraître

son œuvre dans son lieu de domicile. «Nous comprenons la réciprocité en ce sens, dit le même rapport, que chaque État applique aussi sa propre législation aux produits littéraires et artistiques qui sont protégés en vertu de la réciprocité. »

Peu après l'adoption de cette loi, en septembre 1883, eut lieu à Berne la Conférence de l'Association littéraire internationale qui élabora un avant-projet de convention internationale commune et pria le Conseil fédéral d'accepter la mission de provoquer la création d'une Union pour la protection des œuvres de littérature et d'art. Le résultat de ces démarches multiples et des délibérations des deux Conférences diplomatiques de Berne de 1884 et 1885 fut la Convention signée le 9 septembre 1886 qui est généralement désignée par le nom de la capitale de la Suisse (voir ci-dessus l'Introduction générale). La Convention de Berne maintient les traités littéraires particuliers dans toutes les dispositions non contraires au pacte général ou plus favorables que ce dernier. Ce régime créa une forte complication dans les relations avec la France. Les divers arrangements conclus avec l'Empire avaient été remplacés en 1882, et le traité littéraire du 23 février 1882 avait succédé à son devancier du 30 juin 1864; le nouveau traité, tout en maintenant les règles rendues nécessaires par le défaut d'une loi suisse, accordait des facilités dans l'observation des formalités et assurait aux auteurs français d'œuvres dramatiques ou musicales, en ce qui concernait le droit d'exécution ou de représentation, la protection ample accordée par la législation française, si bien que cette dernière, plus large que l'article 7 assez restrictif et peu précis de la loi suisse, restait applicable sur ce point en Suisse, au grand déplaisir des milieux intéressés, agités par des contestations judiciaires longues et compliquées 1). A la suite de nombreuses réclamations, la Suisse dénonça ce traité pour le 1er février 1892. Le 23 juillet de la même année, un nouveau traité fut signé à Paris entre les représentants des deux pays; il réglait des questions importantes telles que l'exercice des droits d'exécution et d'emprunt, la protection des œuvres d'architecture et de photographie, et cela d'une façon libérale, mais comme le sort de ce traité avait été lié à celui d'une entente commerciale qui n'aboutit pas, il ne put déployer ses effets. La question des agences étrangères qui perçoivent des droits d'auteur pour l'exécution publique des œuvres de leurs sociétaires (voir D. d'A., 1896, p. 147) n'est, du reste, pas encore réglée et les pétitions des sociétés musicales et des hôteliers demandant une revision de la loi en vue de créer plus de clarté dans cette matière attendent encore leur solution.

Du reste, des hommes compétents comme feu M. d'Orelli et ceux que compte la société des juristes suisses avaient demandé à diverses

1) Voir notamment Droit d'Auteur, 1889. p. 77, 99; 1890, p. 113; 1891, p. 33, 44, 130; 1893, p. 113.

reprises la dénonciation des traités littéraires particuliers conclus avec des pays unionistes; l'utilité de ces traités à côté de la Convention de Berne leur semblait être très contestable et former plutôt une source de doutes et d'incertitudes. Le Conseil fédéral se rangea à ces vues et mit successivement hors d'effet le traité avec la Belgique de 1867, d'un commun accord avec cet État, à partir du 7 mai 1890, et ceux avec l'Empire allemand et l'Italie par deux arrêtés du 19 novembre 1899 (voir D. d'A., 1899, p. 144, et les notices ci-dessus p. 51 et 350). Un arrangement sommaire conclu le 10 novembre 1896 avec le Japon (traité d'amitié, art. 11) avant l'entrée de ce pays dans l'Union a perdu, ensuite de cette accession, toute portée pratique. Enfin la Suisse avait d'abord ouvert, par son représentant à Washington, des négociations en vue d'obtenir l'extension des bénéfices de la loi américaine du 3 mars 1891 à tous les pays de l'Union, pour la seule raison qu'ils faisaient partie de cette dernière; mais ces négociations n'aboutirent pas parce qu'on ne pouvait donner aux États-Unis l'assurance qu'ils pourraient entrer dans l'Union tout en appliquant leur législation étroite; celle-ci s'étend, d'ailleurs, aussi aux citoyens suisses (Proclamation du Président des États-Unis, du 1er juillet 1891), la disposition de l'article 10 de la loi fédérale de 1883 constituant une garantie suffisante de réciprocité.

Par sa position centrale en Europe, par sa composition ethnographique de divers peuples parlant quatre idiomes, l'allemand, le français, l'italien et le romanche, par son évolution politique qui unit ces éléments, en apparence hétérogènes, en un seul faisceau sans contrainte ni luttes de races ou de langues, la Suisse, nation de 3,325,000 habitants sur 41,469 km2, est un organisme sui generis et occupe aussi, dans le domaine de la littérature et des arts, un rang particulier. Il est évident qu'elle est ouverte aux influences des courants plus vigoureux qui lui arrivent de ses puissants voisins, mais ces influences se transforment sur son sol original, en sorte que celui-ci produit, à certains intervalles, des écrivains, des penseurs et des artistes dont le mérite s'impose hautement dans les milieux circonvoisins et, placé sur un théâtre plus vaste et plus large, reçoit alors une consécration étendue. Les musiciens de la nouvelle école musicale suisse, bien qu'ils soient obligés comme les artistes d'aller chercher au dehors une instruction qu'ils ne peuvent trouver dans leur propre foyer, conservent pourtant le sentiment national et leurs compositions portent l'empreinte personnelle qui est comme la marque de la nature à la fois belle, âpre ou riante du pays. Il y a eu aussi en Suisse beaucoup d'esprits d'élite qui se sont proposé de faciliter les échanges sur le terrain intellectuel, de servir de traits d'union entre les peuples de race germanique et latine et de conduire les conceptions littéraires, philoso

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