DEUXIÈME SECTION CONVENTIONS PARTICULIÈRES EMPIRE D'ALLEMAGNE NOTICE GÉNÉRALE. L'Allemagne semble avoir été prédestinée à jouer un rôle dans l'histoire de la protection internationale des droits des auteurs sur les œuvres de l'esprit, droits qui, intrinsèquement, sont de nature universelle. Ce pays a été le berceau de l'imprimerie; c'est d'ici que le nouvel art de confectionner les livres en quantité illimitée, qui a réellement donné naissance au droit d'auteur, s'est répandu et que d'autres procédés de reproduction, comme la lithographie, ont pris leur essor. Ensuite le commerce allemand de la librairie a pu se développer sans une surveillance officielle ombrageuse, à l'abri de la censure et en dehors des limites trop étroites des corporations, et créer ainsi une organisation pleine d'initiative vigoureuse en matière de protection de la propriété intellectuelle. Enfin, le morcellement territorial, le manque de cohésion politique et l'absence d'un foyer central ont poussé jadis les divers États allemands à s'entendre sur ce terrain. Aussi les premières mesures ont-elles eu un caractère nettement international. Le précurseur de celles-ci est le mandat du 18 décembre 1773, promulgué par la Saxe électorale à une époque où la protection, bien isolée vis-à-vis de la contrefaçon générale, se limitait à des privilèges et des monopoles d'exploitation accordés à l'imprimeur ou à l'éditeur par les divers souverains, mais où les privilèges de la Saxe comportaient l'exclusion de toute contrefaçon de la foire de Leipzig et avaient acquis une portée presque continentale; ce fut aussi l'époque du cosmopolitisme littéraire, où la bonne société de Berlin parlait français et où le Grand Frédéric se piquait d'être auteur français. Ledit mandat accordait une protection très large à tout éditeur à l'égard de l'œuvre imprimée dans le pays, pourvu qu'il eût obtenu licitement le droit d'édition de la part de l'auteur; cette protection profitait également aux auteurs étrangers, sous condition de réciprocité; quant aux traductions, fort nombreuses alors (les œuvres scientifiques étaient écrites en latin), était protégé celui qui s'était fait inscrire au registre de Leipzig pour se réserver la priorité et qui publiait la traduction dans le délai d'une année. En 1794, le code civil prussien proclama encore la liberté de contrefaire les œuvres des pays permettant la contrefaçon au préjudice des libraires prussiens, sauf dans le cas où un éditeur aurait obtenu un privilège du Gouvernement prussien par rapport aux ouvrages publiés en langue étrangère hors de l'empire. Plus les transactions s'étendaient dans tous les États parlant la langue allemande et plus l'anomalie d'une protection rendue illusoire par la division territoriale devenait manifeste. Après la dissolution du «Saint Empire romain> (1806) et la fondation de la Confédération germanique, celle-ci tenta d'arriver à une certaine unification pour les quarante États qui la composaient, en adoptant, dans l'Acte fédéral du 8 juin 1815, un article ainsi conçu: «Art. 18. La Diète s'occupera, lors de sa première réunion, de l'élaboration de dispositions uniformes sur la liberté de la presse et des moyens à employer pour la protection des droits des auteurs et éditeurs contre la contrefaçon ». Toutefois, cette promesse ne devait être tenue que 22 ans plus tard. Dès 1819, les libraires allemands demandèrent dans un «Avis > sur un avant-projet de loi rédigé par la commission de la Diète (1818) que la protection de la propriété littéraire fit l'objet de pourparlers entre l'Allemagne et les pays voisins. Dans l'intervalle, la Prusse déclara, par un ordre du Cabinet, du 16 août 1827, vouloir ouvrir des négociations avec les autres États allemands sur la base de l'assimilation réciproque des sujets aux nationaux, et elle conclut, en effet, dans les années 1827, 1828 et 1829, des traités littéraires avec trente-deux autres États confédérés. Le 6 septembre 1832, la Diète décida qu'en notre matière, la dis tinction entre les sujets d'un État fédéré et les sujets des autres États de la Confédération germanique devra être supprimée à l'avenir, de part et d'autre et sur tout le territoire de la Confédération, de telle sorte que les propriétaires, éditeurs et auteurs d'un État fédéré jouissent dans tous les autres États fédérés de la protection que les lois y assurent. Par un acte législatif positif, du 9 novembre 1837, la Diète établit enfin quelques principes communs pour la protection, dont la durée était fixée à 10 ans post mortem auctoris. Cependant, comme la Prusse avait adopté, le 11 juin 1837, une première loi systématique sur le droit d'auteur (non plus sur la protection industrielle de l'œuvre), qui accordait un délai de protection de 30 ans post mortem, cet État n'adhéra audit acte que «sous la réserve que les divers États eussent la faculté d'adopter des dispositions plus favorables pour leurs sujets et ceux des États qui s'associeraient avec eux dans ce but». Du reste, l'article 3 de l'acte précité déclara que le minimum établi dans la Confédération pour la protection contre la contrefaçon par l'article 2 pourra être prolongé, mais ne devra pas dépasser le maximum de 20 années» (porté à 30 années par l'Acte fédéral du 19 juin 1845). Par un acte du 22 avril 1841, la protection fut étendue par la Diète à la représentation et l'exécution des œuvres dramatiques et musicales, et par un acte du 6 novembre 1856 aux ouvrages encore privilégiés des auteurs décédés antérieurement à l'acte de 1837, jusqu'au 9 novembre 1867, jour où les œuvres classiques des Schiller, Gæthe, Jean Paul, Herder et Wieland tombèrent définitivement dans le domaine public. Les arrêtés de la Diète jouaient dans la Confédération germanique le même rôle que la Convention de Berne dans l'Union internationale; ils constituaient un minimum de protection obligatoire dans les relations mutuelles entre tous les États, même ceux dépourvus de lois; d'un autre côté, ils laissaient subsister les lois particulières applicables sur le seul territoire national et les États étaient libres de faire bénéficier, avec ou sans condition de réciprocité, les auteurs confédérés des bénéfices de celles de leurs lois qui dépassaient le niveau desdits arrêtés. L'élaboration d'une loi fédérale unique, entreprise vainement en 1862 et en 1864, n'eut lieu qu'en 1870 par les soins de la Confédération germanique du Nord, fondée en 18671). Malgré cette imperfection du droit intérieur et fédéral, les différents États allemands s'efforcèrent de bonne heure de faire usage du système des traités non seulement entre eux, mais aussi avec l'étranger, tout d'abord vis-à-vis de l'Angleterre et de la France. a) Traités conclus avec l'Angleterre. Le traité principal mentaire encore, puisqu'il se borne à établir la réciprocité, à régler les formalités prévues dans le pays d'importation et à fixer les droits d'entrée- fut celui conclu par la Prusse le 13 mai 1846, auquel adhérèrent successivement le Royaume de Saxe (24 août 1846), Brunswick (30 mars 1847), les États de l'Union de Thuringe (1er juillet 1847), Anhalt-Dessau et Anhalt-Bernbourg (8 février 1853). Deux autres traités furent conclus, l'un par le Royaume de Hanovre (4 août 1847, auquel accéda le Grand-duché d'Oldenbourg (28 décembre 1847), l'autre par la ville libre de Hambourg (16 août 1853). bien rudi 1) La loi du 11 juin 1870, promulguée d'abord seulement dans les États du Nord, fut étendue à ceux de l'Allemagne du Sud, et entra en vigueur simultanément dans les premiers, en Bade, en Wurtemberg et en Hesse, le 1er janvier 1871, puis en Bavière, le 1er janvier 1872 et en AlsaceLorraine, le 25 février 1873. 2) Voir le texte Blanc et Beaume, Code général, p. 77. En vue de consacrer, sur le modèle de ce dernier traité, une protection, bien restreinte, il est vrai, du droit de traduction (délai d'usage de 1 à 3 ans, 3 mois pour les œuvres dramatiques; protection: 5 ans: mention de réserve obligatoire et des articles de journaux, une convention additionnelle au traité anglo-prussien de 1846 fut ensuite conclue le 14 juin 1855 par la Prusse, le Royaume de Saxe, les États de Saxe-Weimar, Saxe-Meiningen, Saxe-Altenbourg, Saxe-Cobourg-Gotha. Brunswick, Anhalt-Dessau-Cœthen, Anhalt-Bernbourg, SchwarzbourgRudolstadt, Schwarzbourg-Sondershausen et Reuss (branche aînée et branche cadette). Le Grand-duché de Hesse adhéra, le 19 novembre 1861. à ce double arrangement (traité de 1846 et traité additionnel de 1855. qui fut étendu par une convention spéciale conclue entre l'Allemagne et l'Angleterre, le 2 juin 1886, à toutes les parties de l'Empire allemand non encore entrées en rapports conventionnels avec l'Angleterre. Les arrangements énumérés ci-dessus avaient été rendus applicables en Angleterre par des ordonnances du Conseil privé. Mais à la suite de l'entrée de ce pays dans l'Union de Berne, toutes ces ordonnances furent révoquées par celle du 28 novembre 1887, en sorte que l'effet de ces traités resta dès lors suspendu en Angleterre. Ce n'est que le 22 janvier 1898 que le chancelier de l'Empire d'Allemagne fit paraître des Publications en vertu desquelles ces divers traités furent déclarés hors d'effet en Allemagne à partir du 16 décembre 1897 (voir D. d'A., 1898, p. 29). Cette mesure fut suivie d'un échange de notes entre les Gouvernements britannique et allemand (23 mars et 28 avril 1898) au sujet de la suppression définitive de ces traités et des effets rétroactifs de la Convention de Berne (ibidem, 1898, p. 77 à 79).1) b) Traités conclus avec la France. Ici se détachent trois périodes assez distinctes. La première a été consacrée à l'établissement de relations internationales, à la lutte contre la contrefaçon et à la liquidation d'un passé marqué par la libre reproduction. Cette période comprend les seize traités suivants classés par ordre de date: Traités avec le Royaume de Hanovre 20 octobre 1851), Brunswick (8 août 1852), le Grand-duché de Hesse (18 septembre 1852), le Landgraviat de Hesse 2 octobre 1852, Reuss, branche aînée et cadette 24 février et 30 mars 1853), Nassau (2 mars 1853), l'Électorat de Hesse-Cassel 7 mai 1853), le Grand-duché de Saxe-Weimar-Eisenach (17 mai 1853), Oldenbourg (1er juillet 1853), les Principautés de Schwarzbourg-Sondershausen et Schwarzbourg-Rudolstadt (7 et 16 décembre 1853), la Principauté Waldeck et Pyrmont (4 février 1854), Bade (3 avril 1854 et 2 juillet 1857), Hambourg (2 mai 1856 et avec le Royaume de Saxe (19 mai 1856). Ce n'est que dans les trois derniers traités que le droit de traduction est reconnu timidement, comme dans les traités conclus à pareille époque avec l'Angleterre. Dans un seul pays, le Royaume de Saxe, l'exercice des droits était subordonné à une formalité supplémentaire, l'enregistrement des publications nouvelles à Leipzig. 1) Voir une étude sur cette question, Börsenblatt, 1898, no 46. 2) Voir le texte des 14 premiers traités: Blanc et Beaume, Code général, 1854, et Pataille-Huguet, Code int., 1855; voir aussi les analyses de ces traités, élaborées par le Ministère de l'Intérieur de France, Pataille, Annales, V, p. 291 à 313. Le texte des traités avec Hambourg et la Saxe est inséré dans L'Appendice du Code de Pataille, de 1865. La seconde période a été inaugurée par un traité conclu par la Prusse, le 2 août 1862, mais ratifié seulement le 5 mai 1865 avec un traité de commerce, fortement combattu par les pays de l'Allemagne du Sud; dans le courant de cette dernière année, seize adhésions d'États allemands différents, faisant partie du Zollverein (union douanière composée de 25 États) se produisirent et cela dans l'ordre suivant: 8 février (Électorat de Hesse-Cassel); 11 mars (Reuss, branche aînée); 18 mars Grand-duché de Saxe-Altenbourg; 29 mars (Brunswick); 6 avril (Saxe-Meiningen); 20 avril (Oldenbourg); 21 avril (Landgraviat de Hesse); 26 avril (Saxe-Weimar et Waldeck-Pyrmont); 28 avril Schwarzbourg-Sondershausen); 15 mai (Schwarzbourg-Rudolstadt); 6 mai (Reuss, branche cadette); 12 mai (Saxe-Cobourg-Gotha); 10 octobre (Lippe); 14 octobre (Anhalt), et 5 décembre (SchaumbourgLippe). Des traités à part, mais analogues ou identiques, furent encore passés au cours de la même année, 1865, par les trois villes hanséatiques de Brême, Hambourg et Lubeck (4 mars); la Bavière (24 mars); Francfort (18 avril); Wurtemberg (24 avril); Bade (12 mai); le Royaume de Saxe (26 mai); les Grands-duchés de Mecklembourg-Schwérin et Mecklembourg-Strelitz (9 juin et 24 août); le Grand-duché de Hesse 14 juin); Nassau (5 juillet), et Hanovre (19 juillet. Ainsi, trente États allemands étaient liés avec la France sur ce terrain; outre les seize États qui avaient déjà conclu des arrangements dans la première période, et qui les avaient remplacés tous par des conventions plus libérales pendant la seconde période, quatorze nouveaux États, la Prusse en tête, étaient entrés dans la voie de la conclusion de traités avec la France. En ce qui concerne le traité-type franco-prussien de 1862, la protection, étendue au droit d'exécution et de représentation, dépendait de l'observation des formalités dans le pays d'origine et, en outre, d'un enregistrement à opérer, soit à Berlin, soit à Paris, dans les trois mois à partir de la publication de l'œuvre. L'auteur qui s'était réservé le droit de traduction et qui avait commencé une traduction dans le délai d'un an et terminé celle-ci dans les trois ans comptés depuis REC. LITT. 4 |