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sur un point capital: Le principe fondamental n'est pas l'assimilation de l'étranger au national, mais l'auteur jouit, dans les autres pays signataires, des droits dont l'a investi la loi du pays de première publication; ainsi la loi du pays d'origine constitue pour l'œuvre une sorte de statut personnel et l'accompagne dans les autres pays, sans pouvoir lui assurer, toutefois, une durée de protection plus longue que celle dont jouit l'œuvre du national. Comme un seul des quatre pays qui ont ratifié le traité de Montevideo, le Pérou, possède une loi sur la propriété littéraire, loi d'ailleurs incomplète, puisqu'elle date de 1847, cette disposition est d'une application difficile. En 1897 la France a déclaré adhérer audit traité, exemple suivi en 1900 par l'Espagne et l'Italie, et récemment, en 1903, par la Belgique, mais cette adhésion des quatre pays européens, dont la législation est très avancée, n'a été acceptée jusqu'ici que par la République Argentine et le Paraguay, tandis que le Pérou et l'Uruguay ont refusé d'y donner suite. Un jurisconsulte très compétent et réputé, M. le docteur Zeballos à Buenos-Aires, a, dans une étude publiée dans le Droit d'Auteur (1897, p. 11), qualifié cette unification juridique du congrès de Montevideo d'entreprise prématurée et artificielle, ce congrès ayant été surtout une manifestation de courtoisie internationale. « Les pays représentés au congrès, dit-il, n'accueillirent son œuvre qu'avec indifférence ou parfois même avec une mauvaise volonté évidente, et ceux-là mêmes qui avaient organisé le mouvement durent travailler plusieurs années pour obtenir la sanction nécessaire du législateur; en Bolivie, au Brésil et au Chili, les traités de Montevideo n'ont pas même reçu l'approbation législative. Cette approbation fut donnée par la République Argentine surtout dans un esprit de déférence, sans examen préalable et au milieu d'une indifférence complète. Ces circonstances expliquent la réaction qui s'est produite contre les arrangements précités dans les pays qui les ont signés. »

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Le traité de Montevideo dont les effets pratiques ne se sont pas encore fait sentir, est plutôt un expédient, une mesure transitoire, un premier pas dans la voie de la protection internationale du droit d'auteur. Peut-être rapprochera-t-il davantage, sur ce terrain, soit les nations hispano-américaines, but que l'Espagne, exerçant sur elles une sorte d'hégémonie intellectuelle, s'est proposé de poursuivre, à son tour, à la suite de deux congrès tenus à Madrid (congrès juridique ibéro-américain, 1892, et congrès hispano-américain, 1900, voir ci-après la notice Espagne), soit même toutes les nations américaines, selon le vœu de la première conférence pan-américaine tenue à Washington en 1890. Toujours est-il que jusqu'ici les recommandations de tous ces congrès, conseillant auxdits pays de procéder à l'adhésion collective au traité de Montevideo, n'ont eu aucun résultat. Au contraire, la seconde conférence américaine, réunie à Mexico en 1902, a laissé ce traité de côté et a élaboré un nouveau traité littéraire pan

américain que le Salvador et Costa-Rica seuls ont ratifié jusqu'à présent. C'est également le Salvador qui, avec le Nicaragua, a sanctionné un traité concernant la propriété industrielle, littéraire et artistique élaboré et confirmé par les deux congrès juridiques centroaméricains (Guatemala, 1897; San Salvador, 1901), lesquels avaient été convoqués dans le but de préparer l'union législative des cinq pays de l'Amérique centrale.

En présence de ces faits très instructifs, il n'est pas téméraire de présager qu'on finira par renoncer à la création d'Unions isolées ou à des codifications purement régionales ou, enfin, au groupement des nations par hémisphères. La Convention de Berne forme un noyau dont la force d'attraction sera irrésistible, et comme il s'agit de protéger des œuvres qui portent en elles-mêmes l'empreinte d'une production et d'une destination universelles, les peuples s'uniront un jour dans cette pensée en une seule et même famille.

III

Évolution de la protection des auteurs dans l'Union internationale

de Berne.

Il nous reste à résumer les considérations qui, à nos yeux, justifient le pronostic que nous venons de formuler. La Convention de Berne, assez ignorée au début par les auteurs et les artistes euxmêmes, et accueillie froidement, avec méfiance ou indifférence, dans les milieux des éditeurs, se trouve aujourd'hui, sans contredit, au centre de tout ce qui se rattache à la protection internationale de la propriété intellectuelle; elle a gagné les suffrages, a empêché le recul et a fait ses preuves dans les circonstances critiques; elle a résisté à plusieurs conflits commerciaux; aucune défection ne s'est produite dans les rangs des premiers signataires. L'Union, renforcée par l'adhésion du Danemark, du Japon, du Luxembourg, de Monaco et de la Norvège, se compose actuellement de quatorze pays avec une population de plus de 650 millions d'âmes; l'appoint le plus considérable à ce contingent (environ 400 millions) est fourni par la Grande-Bretagne, qui y est entrée avec toutes ses colonies et possessions et a su arrêter jusqu'ici le mouvement séparatiste né au Canada, lequel souffre des effets par trop restrictifs de la loi de son voisin, les États-Unis.

Certes, les rédacteurs de la Convention de Berne, œuvre de transaction, n'ont pas atteint d'emblée la perfection, bien que les conditions pour obtenir une rédaction soignée aient été excellentes, mais ils ont prévu la convocation de conférences périodiques appelées à exécuter un travail sérieux d'amélioration. La première de ces conférences a eu lieu au printemps de l'année 1896 à Paris; les pos

tulats de revision, précédés de vœux nombreux des congrès, surtout ceux de l'Association littéraire et artistique internationale, y ont été examinés avec un soin consciencieux. Les progrès réalisables à cette époque ont trouvé place dans deux instruments, un Acte additionnel et une Déclaration interprétative. Le premier n'a pas encore reçu l'adhésion de la Norvège dont la loi n'atteint pas, pour la réglementation du droit de traduction, le même niveau, et à la seconde fait défaut la sanction de la Grande-Bretagne qui n'est pas encore à même de poursuivre l'adaptation dans toutes ses manifestations pernicieuses. Il résulte du fait que certains pays sont liés vis-à-vis des autres pays contractants uniquement par une partie des textes, quelques complications réelles. Pourquoi se dissimuler que les sources à consulter dans le régime de l'Union sont trop nombreuses, puisqu'il faut appliquer, au besoin, les dispositions codifiées de la Convention de Berne (édition primitive de 1886 ou bien édition revisée de 1896, avec ou sans interprétation officielle), la loi du pays d'origine (durée de la protection et formalités), la loi du pays d'importation (étendue de la protection) et les traités particuliers entre pays unionistes dans celles de leurs dispositions qui sont plus favorables que la Convention. Mais ce régime, élucidé par des commentaires et par une jurisprudence remarquable, tend à se simplifier; déjà est en perspective une seconde conférence de revision qui aura lieu à Berlin dans quelques années et qui ne pourra manquer de se consacrer à cette tâche. En tout cas, les points qui avaient provoqué, principalement sur le terrain judiciaire, des interprétations contradictoires pendant la première décade de l'existence de l'Union, ont été portés devant la conférence de Paris et ont été ou bien liquidés ou renvoyés pour un examen ultérieur. A vrai dire, il n'existe pas de question douteuse qui soit actuellement en suspens (voir D. d'A., 1898, p. 14 et suiv.). D'autre part, une certaine élasticité est pour toute Union une garantie de durée et de sain développement. La Convention ne stipule qu'un minimum de droits, en sorte que les pays plus avancés peuvent fonder, sans en altérer les bases, des Unions dites restreintes afin de réaliser des réformes plus radicales.

Malgré cette souplesse, la Convention de Berne réunit pourtant toutes les conditions d'un acte devenu un rouage indispensable de la vie moderne; elle représente une sorte de base régulatrice des concessions à faire sur le terrain international et même national. En effet, le sentiment de solidarité universelle dans le domaine de la protection légale de la propriété intellectuelle gagne tous les jours en intensité, et son point d'appui le plus solide est la Convention. Nombreuses sont les mesures législatives et conventionnelles qu'elle a inspirées directement ou indirectement.

Ainsi elle a fécondé les travaux législatifs dans les pays suivants: Allemagne (loi de 1901), Belgique (loi de 1886), Danemark (loi de

1902), Grande-Bretagne (loi de 1886 sur la protection internationale du copyright), Japon (loi de 1899), Luxembourg (loi de 1898), Monaco (ordonnances de 1889 et 1896), Norvège (loi de 1893) et Tunisie (loi de 1889). Ces lois n'ont pas seulement été mises en harmonie avec le traité d'Union, mais certaines de leurs dispositions lui ont été empruntées. Aucune revision de la législation d'un pays unioniste n'est entreprise sans examen préalable comparatif des projets et du régime unioniste. C'est dans cet esprit que la commission italienne de revision a inauguré ses travaux, que les projets anglais de Lord Monkswell ont tenu compte des solutions adoptées dans l'Union et que la revision de la loi suisse a été réclamée par les juristes. La refonte de la législation américaine ne se fera pas sans que les indications de M. Solberg, chef du Copyright Office à Washington, d'étudier le système de l'Union, soient mises à profit. Il en est de même de la codification russe projetée depuis longtemps, et même dans la réforme du code civil brésilien se retrouvent des traces de l'étude de la Convention. Il va de soi que cette évolution est très lente; elle l'est d'autant plus que, dans la question du droit de traduction, par exemple, il serait très imprudent de vouloir brusquer les choses; en outre, des procédés techniques de reproduction nouveaux tels que le phonographe, les instruments à disques interchangeables, etc. modifient l'exploitation des œuvres intellectuelles; la protection des œuvres d'art, dans leur application à l'art industriel ou théâtral, se fixe à peine et la protection d'autres branches, comme celle de l'architecture, s'internationalise sculement au fur et à mesure que le besoin s'en fait sentir. Mieux vaut donc que des expériences soient recueillies d'abord sur un terrain restreint. La conférence diplomatique de Berne de 1884 a visé l'avenir avec sagacité et fermeté en déclarant que la codification internationale est dans la force des choses et s'imposera tôt ou tard»; insensiblement l'unification des législations nationales sur les points essentiels gagne du terrain, et par elle l'élimination des différences arbitraires et l'unité des législations se préparent.

En ce qui concerne les traités, une grande simplification s'est produite déjà, des spécialistes très autorisés ayant critiqué la coexistence des traités particuliers entre pays unionistes et du traité central. Les nombreux traités conclus jadis par la Grande-Bretagne avec des pays entrés comme elle dans l'Union ont été mis hors d'effet le lendemain de l'entrée en vigueur de la Convention, puis, ont été supprimés les traités conclus par la Belgique avec la France et l'Italie, les traités passés par la Suisse avec l'Allemagne, la Belgique, la France et l'Italie, enfin les traités conclus par la France avec le Luxembourg, en tout 23 accords entre pays unionistes. Il ne reste que sept traités littéraires proprement dits entre pays signataires de la Convention, et la conférence de Paris a invité les États contractants à examiner ce qui en subsiste encore et à consacrer le résultat

de cet examen par un acte authentique avant la future conférence de Berlin. Cet examen ne pourra qu'accentuer le mouvement abolitionniste et mettre de nouveau en évidence la portée supérieure de la Convention. Aucun traité nouveau n'a été conclu entre pays unionistes en vue de régler des questions laissées sans solution; on s'en remet pour cela avec confiance aux conférences de revision. Au surplus, et en ce qui concerne les rapports avec les pays non unionistes, le congrès de Paris de 1900 a adopté le vœu « qu'avant de négocier un traité littéraire particulier avec un pays étranger, les Gouvernements des États unionistes essaient de faire entrer ce pays dans l'Union ».

Ici nous abordons une dernière question, la sollicitude pour l'extension territoriale de l'Union. Grâce surtout à l'Association littéraire et artistique internationale, initiatrice de la Convention, une active propagande a été déployée pour lui assurer d'autres adhésions, et cette propagande a gagné les congrès des artistes, des journalistes et des éditeurs. Les résolutions et les voeux en faveur de l'accession future de certains pays, notamment l'Autriche-Hongrie, la Hollande, la Suède, la Roumanie, la Russie, les États-Unis et les Républiques hispano-américaines, reviennent toujours sur le tapis; en outre, le postulat voté par le congrès international des éditeurs dans sa IVe session de Leipzig en 1901 que « dans toutes les circonstances favorables et, en particulier, lors de la conclusion de traités de commerce avec des pays non encore signataires de la Convention de Berne, il y a lieu d'insister pour que ces pays y adhèrent», n'est pas resté un vain mot, grâce aux démarches faites auprès des Gouvernements par le nouvel organe central de ce congres, le Bureau permanent des éditeurs, établi à Berne.

La publicité des congrès est devenue la meilleure arme dans la lutte contre la piraterie; les arguments des adversaires de la protection internationale sont relevés et combattus dans ces joûtes oratoires avec un grand retentissement. Ici encore il ne faut pas << violenter le temps. Les progrès qui exigent une longue lutte sont de ceux qui s'ancrent le plus fortement dans la conscience des peuples. Mais pour pouvoir lutter avec des chances de succès, il s'agit de démontrer les effets du mal de la contrefaçon par des enquêtes sérieuses. Les plus belles lois et conventions restent lettre morte si des sociétés d'auteurs et d'éditeurs n'interviennent pas pour en assurer et pour en étendre l'observation. L'active et multiple surveillance nécessaire pour connaître et réprimer les reproductions illicites et pour faire entrer des membres nouveaux dans le groupe des nations qui professent le respect international de la propriété intellectuelle, exigent une organisation collective et d'importantes ressources communes d'ordre matériel et moral. Avant tout on doit dire à cet égard: Facta, non verba. Quel est l'état du marché des productions intellectuelles

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