Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

habiles rivaux de David, car il est dit que tous les humbles peintres de province auront fourni chacun leur illustration à la grande histoire de nos arts.

Le plus beau cabinet d'Avignon était celui du marquis de Calvière, dont on trouve aujourd'hui des pièces dispersées dans toutes les collections provençales, et auprès duquel on pouvait encore citer ceux du marquis de Caumont, du comte de Boulbon et de M. Aubert. Le Comtat avait des peintres de talent: Sauvan, élève de Pierre Parrocel, et dont on voit un Saint Dominique parmi les beaux tableaux de son maître qui décorent Sainte-Marthe de Tarascon; Lacroix, le peintre de marine, et qui fut le plus heureux élève et imitateur de Joseph Vernet, son compatriote; Palasse, peintre de nature morte; Peru, peintre d'histoire: un autre Peru, frère du précédent, était sculpteur et architecte. Avignon avait encore un bon architecte nommé Franque.

« L'Académie de peinture, sculpture et architecture de Bordeaux ne dut, à proprement parler, son existence qu'à elle-même. Quelques artistes de Bordeaux, secondés en 1768 par M. Douat, avocat-général de la Cour des aides, amateur qui réunit ses lumières au zèle pour le progrès des arts, concurent d'eux-mêmes le projet d'une académie en règle qui eût pour objet la peinture, la sculpture et l'architecture (1),

(1) N'ayant eu pour première source de renseignements sur les Académies de peinture de province que l'Almanach des Artistes de 1777, j'ai lieu de craindre que les notes qui lui étaient adressées des provinces mêmes ne fournissent parfois des dates inexactes. On sait, hélas! qu'au dix-huitième siècle l'exactitude historique n'était point fort scrupuleuse. Ainsi, il faudrait reculer de plus d'un quart de siècle l'établissement de l'Académie de Bordeaux. Le Mercure de France, en novembre 1752, « informe le public que les magistrats de Bordeaux ayant rétabli en 1744 une école de dessin qui subsistait anciennement sous le titre d'Académie de peinture et de sculpture, ont résolu de donner tous les ans trois prix aux jeunes élèves de cette école. Ces magistrats ont commencé cette année l'exécution d'un

Pagez, artiste agréé à Bordeaux, était directeur et le sculpteur Cabirolt associé.

Les académiciens de Bordeaux faisaient comme ceux de Toulouse des expositions de leurs meilleures œuvres dans la galerie de l'hôtel de la Bourse. Les gouverneurs de la province et le public bordelais encourageaient de leur mieux cette utile propagation du goût des arts. M. Cabesse, en 1776, exposait un Saint Jérôme; M. Batanchon, Castor vengé par Pollux; M. Leufet, un portrait; M. Toul, le Triomphe de la religion et le Triomphe des Arts; M. Correge, une Judith; M. Ricoeur, une corbeille de fleurs et une jatte d'argent remplie de fruits; M. Lacour, un Saint Roch, et Priam demandant à Achille le corps de son fils Hector; M. Pipi, des portraits en miniature; M. Labatie, des tableaux de gibier. - Les sculpteurs Cessy, Deschamps et Lavaur jeune, avaient exposé : le premier, un bas-relief représentant la jonction de la Garonne et de la Dordogne; le second, un bas-relief en plâtre, représentant le Roi, le Milan et le Chasseur, d'après le dessin d'Oudry; le troisième, un bas-relief en plâtre représentant l'Enlèvement des Sabines. Enfin, M. Terrier avait exposé la coupole de la chapelle de Notre-Dame dans l'église des Bénédictins, peinte à fresque, et M. Lartigue, le professeur d'architecture, un frontispice de portail gothique pour l'église métropolitaine de Saint-André de Bordeaux, dessin de sept pieds en carré, le plan de ce profil et sa coupe.

Qu'on me permette de faire, à l'occasion de cet architecte bordelais, une remarque curieuse et tout à la gloire des provinces.

Paris, au dix-huitième siècle, avait complétement perdu le sens de cette admirable architecture gothique que, sous Henri IV et sous Louis XIII, on honorait encore assez pour chercher à en rappeler la tradition déjà bien vague dans les édifices religieux, dans l'église de Saint-Eustache, par exemple. Mais depuis Louis XIV jusqu'à l'époque impériale, l'aversion et le mépris allèrent à Paris jusqu'à la haine; ce dégoût igno

rant, cet inintelligent oubli se traduisent parfois en traits ou en phrases d'une adorable naïveté. — Tantôt c'est l'église Saint-Germain des Prés qui, suivant Piganiol de la Force, se ressent du peu de goût avec lequel on bâtissait dans le onzième siècle; tantôt c'est Saint-Germain-l'Auxerrois, dont M. Baccari, rapporte d'Argenville dans le Voyage pittoresque de Paris, a trouvé dans son génie les moyens de détruire le gothique informe du chœur, en conservant cependant un exact rapport avec le reste de l'église. La masse énorme de ses piliers, l'obscurité qui y régnait, ont disparu; il a cannelé les colonnes, et a élevé leurs chapiteaux augmentés d'une guirlande. Je ne sais quel hasard empêcha les marguilliers de vendre, suivant le projet qu'ils en avaient arrêté, les vitraux de Saint-Germain-l'Auxerrois, pour donner à la fois plus grand jour à leur église et aider aux frais de la restauration du choeur par l'architecte Baccari. Dans un essai de ce temps sur l'architecture, signé L. B., il est dit en parlant de la rue, alors projetée, qui devait faire face à la colonnade du Louvre Il est vrai qu'en suivant le projet il faudrait bien abattre l'église Saint-Germain-l'Auxerrois, mais on la reconstruirait et mieux qu'elle n'est à présent. Vous le voyez, on appelle le démolisseur; le démolisseur le voilà, il arrive avec la fin du siècle, et comme sa conclusion logique. En 1799, M. Petit-Radel, inspecteur général des bâtiments civils, exposait au Salon un moyen d'une admirable ingéniosité de « destruction d'une église style gothique, par le moyen du feu. Pour éviter les dangers d'une pareille opération, on pioche les piliers à leur base sur deux assises de hauteur, et à mesure que l'on ôte la pierre, l'on y substitue la moitié en cube de morceaux de bois sec, ainsi de suite; dans les intervalles, l'on y met du petit bois, et ensuite le feu. Le bois, suffisamment brûlé, cède à la pesanteur, et tout l'édifice croule sur lui-même en moins de dix minutes. >> O triomphe et jubilation de l'inspecteur général des bâtiments civils!

Et pendant ce temps, que faisait, que pensait la province? le livre de Levieil, sur la peinture sur verre, fait assez comprendre que ce n'est qu'à regret et bien lentement que la province renonça à cette branche importante de l'art gothique. Quant à l'architecture, avant que la province n'éveillât dans Paris le respect et la manie de nos antiquités nationales, par les recherches de l'abbé de la Rue et de tant d'autres, la province eut la piété de laisser choir en ruines plutôt que de mutiler; elle eut surtout la gloire, ayant mieux gardé le sentiment religieux, de donner à Paris la plus noble leçon de goût et d'intelligence: en 1775, Lartigue, architecte bordelais, expliquant son projet d'un portail gothique pour l'église métropolitaine de Saint-André de Bordeaux, écrivait ces mémorables lignes qui sont comme un pressentiment du Génie du christianisme :

<«< Dans le siècle dernier, où tout se ressentait du génie qui présidait à la France, on vit s'élever ces chefs-d'œuvre que la Grèce, Rome et l'Italie n'auraient pas désavoués; mais on regrette aussi qu'ils ne soient pas souvent d'accord avec l'objet général. On trouve, par exemple, dans le chœur de Notre-Dame de Paris, un assemblage d'or, de fonte et de marbre précieux : l'exécution est admirable; mais ce genre de décoration n'est pas fait pour aller avec celui de l'église. Les connaisseurs ne voient qu'avec peine que les habiles artistes qu'on y a employés aient ainsi pris le change, sans faire attention que l'esprit de convenance est une première loi en architecture. » — Cet artiste fait le même reproche à ceux qui ont décoré le chœur de l'église de Saint-Médéric : « On y a prodigué, disait-il, la dorure, le marbre; mais les ouvertures gothiques qui terminaient le rond-point ont été converties en forme plein-cintre, et les piliers arrondis, qui présentaient moins de surface à la fois, ont été réduits en manière de pilastres, goût bien étranger à l'architecture gothique, et qui, loin de l'orner, la dépare. Combien ce genre, perfectionné dans les formes et le choix des ornements,

[ocr errors]

ne semble-t-il pas fait pour annoncer la grandeur et la majesté divine! Les masses les plus lourdes allégées, des murs en découpures où s'allient savamment une apparence de faiblesse et une solidité incompréhensible, une hardiesse fière et une légèreté presque aérienne : tel est le caractère imposant du sanctuaire qu'habite parmi nous l'Etre suprême (l'église de Beauvais, quoique non achevée, est encore un des plus beaux temples de ce genre qu'il y ait en France). Nos temples gothiques offrent, par leur légèreté apparente et par leur élevation prodigieuse, des beautés qu'on ne trouve ni à Saint-Sulpice, ni à Saint-Roch, ni dans les églises modernes du genre grec. Ici, notre esprit admire; des idées de grandeur, de richesse et de majesté le frappent; mais, dans les églises gothiques, c'est l'âme qui est émue, c'est notre âme qui s'élance, en quelque façon, hors de ses liens, ou qui, recueillie en elle-même, éprouve des sensations inconnues et délicieuses. >>

La date de création des académies de dessin dans les grandes cités méridionales les fait en général passer avant celles du nord, et le voisinage de l'Italie, patrie première de ces Académies dès le seizième siècle, explique assez cette priorité. Mais les écoles des provinces du nord, pour être nées les dernières, n'en eurent pas assurément un établissement moins solide, ní moins de sève aux racines.

Et tout d'abord, il faut convenir que la première en date des Académies provinciales de peinture et de sculpture fut celle de Nancy. L'auteur de la Notice des objets d'art exposés au Musée de Nancy (1845) raconte en effet que, le 8 février 1702, Léopold, duc de Lorraine, publia les lettres-patentes destinées à fonder à Nancy une Académie de peinture et de sculpture. « Cet excellent prince, qui fit succéder trente années de paix à un siècle de calamités, consacra tous ses instants à créer des établissements utiles, et à faire, autant que possible, oublier les malheurs passés. » Aussi dit-il dans ses lettrespatentes, que, «comme il a plu à Dieu de le rétablir sur

« VorigeDoorgaan »