Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

pendant la plus grande partie du règne de Henri IV, notre tributaire. Henri IV la frappa au cœur en y suspendant nos exportations pendant une partie de l'année 1604. Pour atteindre le commerce hollandais qui continuait à se faire sous le couvert de la France, le gouvernement de Philippe III avait, l'année précédente, frappé d'un droit de 30 pour 100 les marchandises à destination ou en provenance de notre pays. Henri IV réunit un conseil solennel pour délibérer sur le mode de représailles par lequel il fallait répondre à cette taxe prohibitive. Ce conseil résolut d'interdire le commerce avec les états de la couronne d'Espagne1. Cette interruption des relations commerciales faisait souffrir trop d'intérêts pour être strictement respectée. Le commerce maritime surtout ne put être empêché. Les informations, les inspections organisées par Sully, qui tenait beaucoup à faire repentir l'Espagne de son mauvais procédé, furent impuissantes?. C'était surtout du littoral de l'Océan entre la Loire et la Garonne, plus particulièrement des Sables-d'Olonne, qui était dans le gouvernement du surintendant, que partaient les vaisseaux qui, malgré la prohibition, portaient des marchandises en Espagne. C'étaient quelquefois des vaisseaux anglais3. Un des inconvénients de cette mesure était en effet de faire passer cette branche du commerce français aux mains des Anglais qui achetaient en masse les toiles et les grains de France pour les transporter dans les états de la couronne d'Espagne. Un autre inconvénient était de diminuer les recettes des traites foraines 5. Au

d'Espagne..... Le negoce d'Espagne nous est diminué de beaucoup depuis quelque temps. Encor que les Anglois et Holandois, qui y trafiquent maintenant le plus et le mieux, à mesme le nostre... y faisant ce que nous avions accoustumé de faire, soient cause en partie de cela, j'estime... que ce n'en est pas le seul subjet. Voicy ce que j'en puis imaginer. Les Espagnols des Indes occidentales se sont de longtemps ouvert le chemin et le trafic quand et quand par la mer du sud, autrement nommée Pacifique, aux Indes orientales

. pour avoir des soyes de la Chine, des toiles de coton et des espiceries, auxquelles marchandises ils employent annuellement plus de 3 ou 4 mille pezos, qui font 6 ou 8 millions de livres, qu'ils souloient apporter en Espagne et employer en manufactures de l'Europe. Cela est cause du raval que l'on void à présent en Espagne sur nos marchandises..... à la diminution..... du trafic.... de France en Espagne..... » Montchrestien, p. 120-121.

1. Économies royales, Amsterdam, pet. in-12, VII, 231-232.

2. J. A. de Thou, Histoire universelle, éd. Londres, texte orig., VI, 230.

3. Econ. roy., VII, 28-29, 117, 163, 166, 231-232.

4. Ibid., 251.

5. Ibid., VII, 234.

reste, parmi ceux qui faisaient la contrebande, il y avait jusqu'à des gouverneurs de provinces et de villes1. De son côté, le roi dérogeait à la prohibition en faveur de certaines personnes. Cette guerre commerciale entre deux pays qui étaient en paix depuis cinq ans était trop funeste à tous deux pour durer longtemps. Jacques Ier, qui négociait la paix avec l'Espagne, offrit sa médiation. Les négociations s'ouvrirent en Angleterre. Elles s'engagèrent entre notre ambassadeur, Christophe de Harlay, sieur de Beaumont, et les ambassadeurs d'Espagne et des Pays-Bas auprès du roi Jacques, mais elles traînèrent en longueur jusqu'à ce que Sully eût reçu mission de les poursuivre tout seul avec le nonce Buffalo, agissant comme médiateur, Balthazar de Zuniga, ambassadeur d'Espagne en France, et Alexandre Rovidius, sénateur de Milan. Le traité fut signé le 13 octobre 1604 par ces plénipotentiaires. Il abolissait le droit de 30 pour 100 et rétablissait les anciennes relations commerciales de la France et des pays soumis à la domination de Philippe III. La reprise de ces relations était si vivement désirée en France, que le roi autorisa le transport du blé en Espagne avant la ratification du traité par Philippe III?.

COMMERCE D'IMPORTATION.

La France importait en grande partie elle-même la morue et le hareng dont elle faisait une si grande consommation. La pêche et le commerce de la morue étaient même presque exclusivement dans ses mains, et c'étaient nos pêcheurs normands, bretons, rochelais et basques qui approvisionnaient les autres pays3. C'est surtout du littoral compris entre Hendaye et Cap-Breton que partaient les bateaux qui allaient pêcher la morue à Terre-Neuve. Il y avait longtemps du reste que ces parages étaient fréquentés par les pêcheurs basques, comme l'attestent l'ancien nom basque de l'île de Terre-Neuve (île de Bacalaos = île des morues) et le

1. Econ. roy., VII, 231-232.

4

2. Lettre à Sully, 17 octobre 1604. Econ. roy., VII, 267-269. Voir arrêt de main-levée par provision des navires et marchandises saisis pour infractions à la prohibition du commerce avec l'Espagne et les Pays-Bas, 16 déc. 1604. Arch. nat. Arrêts du Conseil des finances, à la date.

3. Montchrestien, p. 138.

4. Nous devons dire cependant qu'A. Reumont a essayé d'établir l'étymologie germanique de ce mot dans une note de son récent travail sur Jean et Sébastien Cabot. (Archivio storico ilal., VI, dispensa vi, p. 421.)

nom d'île de Cap-Breton, que conserve encore, en souvenir de l'ancien port de l'Adour, l'île voisine de la Nouvelle-Écosse 1. Un arrêt du conseil du roi du 7 août 1604 déclara que la prohibition du commerce avec l'Espagne ne s'appliquait pas au commerce de la morue, puisque ce poisson n'était pas un produit de notre pays, et autorisa les Basques à apporter leur pêche en Espagne, pourvu qu'ils l'y transportassent directement et sans aborder en France. Ce fut pour ses sujets de Saint-Jean-de-Luz et des villes voisines que Henri IV songea en 1601 à créer entre Bayonne et Fontarabie un port de refuge bien nécessaire sur cette côte dangereuse. Faute de ce port, leurs vaisseaux étaient contraints d'hiverner au port de Pasages, en territoire espagnol.

Si la France avait le monopole de la pêche de la morue, elle fut peu à peu dépossédée de la pêche du hareng par les Hollandais 3. Le nombre de vaisseaux hollandais que ce poisson attirait dans la mer du Nord s'était élevé de 100 ou 120 à 600, à 700 4 et même à 15005. L'Angleterre ne pouvait se voir tranquillement enlever une source de richesse qui était comme une dépendance de son territoire. Le 6 mai 1609, le roi Jacques Ier interdit aux navires étrangers la pêche du hareng sur les côtes d'Angleterre, d'Écosse et d'Irlande . Cette défense, dirigée contre les Provinces-Unies, atteignait aussi, quoiqu'à un bien moindre degré, nos pêcheurs, particulièrement les Dieppois. Ceux-ci se plaignirent à Henri IV qui fit solliciter par son ambassadeur une exception en faveur de ses sujets et qui obtint que l'effet de la prohibition serait suspendu pendant un an7.

La France faisait dans le Levant un commerce d'échange aussi bien que de transit, mais, comme ce dernier avait plus d'importance que le premier, nous parlerons de l'un et de l'autre lorsque nous nous occuperons du commerce de transport.

Nous importions des États barbaresques (Maroc, Algérie,

1. Élisée Reclus, Géographie universelle : France, 149-150.

2. Mémoires de Claude Groulart, collection Petitot, XLIX, p. 407. Sur la baie de Pasages, voy. Élisée Reclus, Nouvelle géographie universelle, Europe méridionale, 870-874.

3. Montchrestien, p. 139.

4. Lettre de M. de la Boderie au roi, 20 juin 1609. Ambassades de M. de la Boderie en Angleterre, 1750. In-12. IV, 364.

5. Beer, Op. laud., 2 Abth. 202.

6. Meteren, Hist. des Pays-Bas, trad. Delahaye. 1618. In-fol., fol. 662 v. 7. Sur cette affaire, voy. Ambassades de M. de la Boderie, IV, 332, 346, 352, 364.

Tunis et Tripoli) des cuirs, de la cire, des laines, du corail1. Nous avions peut-être été les premiers à nouer des relations commerciales avec l'Afrique septentrionale, mais dès 1590 notre exemple avait été suivi par les Anglais, les Hollandais et les Flamands qui étaient devenus dans ces parages des rivaux redoutables pour nous'. La pêche et la préparation du corail avaient lieu à Mascara en Algérie. Le monopole de ce commerce appartenait à une ancienne compagnie, la Compagnie du corail. Le capital de cette société se composait de vingt-quatre actions (quaratz), à la majorité desquelles se prenaient les délibérations. Un arrêt du conseil du 8 février 1600 confirma ce mode d'administration, en même temps que les privilèges de la compagnie. Un arrêt du même jour, rendu sur la requête du consulat de Marseille, obligea la compagnie à continuer d'importer par cette ville le corail et les autres marchandises qu'elle tirait des États barbaresques 3.

1. Il va sans dire que les États barbaresques nous échangeaient ces produits contre d'autres marchandises et que nous faisions avec eux un commerce d'exportation aussi bien que d'importation. C'est presque toujours avec des marchandises qu'un État paye les marchandises qu'il tire d'un autre État; il peut arriver seulement que le chiffre de ses importations dépassant celui de ses exportations, il ait à payer une somme d'argent représentant la valeur de cet excédant. C'est la situation où se trouve, par exemple, la France par rapport aux États-Unis. Ceci soit dit non pour rappeler une vérité connue de tous, mais pour expliquer comment certaines branches du commerce extérieur peuvent être rangées indifféremment dans le chapitre consacré aux importations ou dans celui qui traite des exportations.

2. Montchrestien, p. 134-135. « Mais les Anglois, Flamens et Hollandois l'ont [le trafic en Barbarie] entrepris depuis 60 ans..... » Thomas Le Fèvre, Op. laud., P. 56.

3. Sur la requeste [présentée] au Roy en son conseil par les associéz de l'ancienne compagnye du corail affin de faire revocquer le tiltre et qualité de gouverneur que les sieurs de Moissac freres s'attribuent au lieu de Mascaretz en Barbarye où s'exerce le traffic du corail... combien... que telle entreprise puisse donner subject au Grand Seigneur par la permission duquel ils exercent led. traffic de le revocquer au lieu qu'auparavant les affaires se traictoient par tous les associéz ... à la pluralité des quaratz qui sont en nombre de vingt quatre en tout dont lesd. de M. n'en font que quatre...... Le Roy en son conseil, avant que faire droict sur la revocation de pouvoir donné ausd. s" de M., ordonne qu'ils seront assignéz et ouys en icelluy pour après y estre pourveu... et ce pendant veult . . . que les privileges octroyés à lad. compagnye du corail... leur soient conservés et le traffic continué entre lesd. associéz suivant les advis qu'ilz prendront... à la pluralité des quaratz conformement à l'arrest provisionnel du xx1° janvier........ 8 février 1600. Sur la requête présentée au Roy par les viguier, consuls et habitans de la ville de Marseille à ce que ... deffences . . . soient faictes à Thomas et An

...

Nous allions chercher aux Açores le bois de teinture, le tabac, les cuirs, la cochenille qu'y débarquaient les navires venant des Indes occidentales, lorsqu'ils faisaient relâche. Ce commerce, qui avait cessé à la suite de la tentative des Français pour s'emparer des îles en 1583, avait un peu repris sous Henri IV, mais l'impôt mis par ce prince sur les marchandises de cette provenance et la surveillance plus sévère exercée par l'Espagne l'avaient définitivement ruiné1.

Nos commerçants importaient de Hollande et de Flandre des serges de Leyde, des camelots de Lille, des toiles, des savons, du beurre, des fromages2.

Si nos commerçants n'importaient pas plus de marchandises étrangères, cela tenait à la situation faite au commerce français dans les pays étrangers. L'exportation des laines anglaises était interdite aux Français, le monopole de cette exportation appartenait à une compagnie anglaise de fondation royale3. Le droit de sortie sur les serges, les futaines, les bajettes, les bombazins, les mocades, les camelots, les bas d'estame était beaucoup plus élevé pour nos compatriotes que pour les autres étrangers'. Celui sur l'étain était du double, en attendant que l'exportation de ce produit nous fût interdite pour être réservée à une compagnie privilégiée. Nous avons déjà dit que nos nationaux subissaient une augmentation d'un quart dans le droit d'entrée et de sortie perçu sous le nom de coutume d'étranger, nous avons parlé des droits de scavadge, de quayage et de surveyor®.

toine Lenclu (?), s' de Moissac ... de transporter ailleurs qu'en lad. ville le traffic dud. corail, cuirs, cires, laynes et autres marchandises qui viennent de Barbarye ny de s'ayder d'autres mariniers, pilotes ou ouvriers pour la manufacture dud. corail que des subjects de S. M. . . . pour le grand préjudice que leur ville qui est assise en lieu sterille et ne se peut conserver ou acroistre qu'avec le commerce recevroit si ce divertissement commancé par lesd. M. contre la volonté... des autres associés... estoit ... continué outre l'interest de S. M. pour les droicts qui se levent sur les marchandises qui arrivent au port d'icelle ....... Le Roy ... ordonne ausd. s de M. ... de faire venir en lad. ville selon qu'il souloit ... le corail, cuirs, cires, laynes et autres marchandises qu'ils amennent de Barbarye. 8 fevrier 1600. Arch. nat. Conseil des finances, à la date.

1. Th. Le Fèvre, Op. laud., p. 65-66.

2. Montchrestien, p. 104.

......

3. Ibid., p. 92. Th. Le Fèvre, Op. laud., 81.′

4. Th. Le Fèvre, p. 82.

5. Ibid. et Montchrestien, p. 96.

6. Voy. plus haut, p. 4.

« VorigeDoorgaan »