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nom de Dieu sera blasphémé, selon l'expression d'un prophète Isaie 52. 5. En effet, peut-il y avoir un plus grand sujet de blaspheme contre la sainteté de la conduite de Dieu, que lorsqu'on demande la justice à ceux qui sont dans l'ordre qu'il a établi pour la dispenser, et qu'on n'y trouve que l'injustice et l'oppression.

Que s'il y a des personnes qui, méprisant l'importance de toutes ces suites, osent se présenter pour se faire juges, sans avoir les qualités nécessaires pour ce ministère; et même avec les défauts contraires, comme de l'âge, de l'incapacité, et d'autres semblables, qui sont marqués par les ordonnances; n'est-il pas évident qu'ils doivent être renvoyés, et que c'est la véritable peine qui leur est due. Ainsi, c'est à ceux que le roi a établis juges de leur suffisance, d'user de leur autorité pour les refuser, de crainte que s'ils les reçoivent avec ces défauts, ils ne s'en rendent eux-mêmes responsables; car le roi lui-même doit bien aussi répondre envers Dieu de ceux à qui il aura donné le pouvoir qu'il tenait de lui.

Mais puisque nous parlons des juges, qui sont déjà dans les fozctions, plutôt qu'à ceux qui pourraient prétendre à l'avenir de s'y engager, il est important que nous tous, qui sommes déjà dans le ministère de la justice, ne pensions pas que pour y avoir été reçus, nous puissions nous en croire dignes, si nous n'observons toutes les règles que nous venons de proposer, pour former l'idée générale de notre devoir.

Nous ne craignons pas que personne ose contredire aucune de toutes ces règles. Quand on ne considérerait que l'honneur du monde, nous pourrions dire qu'on ne saurait être bon juge devant les hommes sans les observer; et en effet, comment pourrait-on dispenser un juge d'aimer la vérité et de craindre Dieu ? Comment pourrait-on lui permettre d'aimer les présens, et de rendre la justice au gré de ses amis et des grands du monde ? Comment, vous, qui tenez vos charges des gentilshommes, pourriez-vous suivre leurs passions en rendant justice? Comment pourriez-vous vendre, ou consentir qu'on vendît l'impunité des crimes dans vos justices? Mais comment enfin pourrions-nous prétendre nous tous, à qui Dieu a commis son propre pouvoir, de l'exercer autrement qu'en la manière et suivant les règles que lui-même nous en a prescrites?

Nous n'avons dit autre chose que ces mêmes règles, et nous les avons toutes appuyées sur l'autorité de Dieu même, qui a voulu nous les enseigner, afin que nous ne puissions point en douter, ni les contredire, et que nous sachions que ce sont ces memes vérités sur lesquelles nous serons jugés, sans que nous puissions prétendre d'opposer à la sévérité apparente de ces maximes, le peu d'usage qu'on en fait au temps où nous sommes. Tant s'en

faut que le mauvais exemple de tous les juges du monde nous puisse excuser, il ne sert au contraire qu'à rendre le mal plus universel, plus déplorable, et plus digne de punition. Car enfin, puisqu'il est vrai que toutes les vérités de la parole divine sont inviolables, et qu'au lieu que le ciel et la terre doivent périr, la moindre de ces vérités ne saurait changer, Matth. 5. 18, il est encore plus indubitable que toute la contradiction de la terre ne peut altérer la moindre des règles que la vérité divine a prescrites pour le devoir de tous les hommes; mais beaucoup moins aucune de celles qui regardent le devoir des juges, qui doivent eux-mêmes réprimer l'injustice de tous les autres.

Il ne nous reste donc que de nous attacher à ce devoir, dont nous voyons qu'il ne nous est pas possible de nous dispenser, et à nous régler suivant ces maximes, non-seulement dans les rencontres importantes, mais même dans toutes les moindres de nos fonctions. C'est dans cette égale fidélité que consiste le devoir d'un juge; car c'est dans les petites occasions qu'il faut s'exercer pour les grandes; et d'ailleurs les moindres dans l'exercice de la justice sont pleines de suites, soit à cause de l'intérêt de la justice, qui est toujours grand, soit en ce qu'elles marquent l'esprit du juge, et font connaître le principe qui le fait agir, selon cette vérité tirée de l'évangile, que si le cœur se découvre par les paroles, il se découvre bien davantage par les actions.

Ainsi, toute notre conduite doit marquer par une continuelle uniformité, que le principe qui nous fait agir est toujours celui de rendre justice, pour remplir en toutes rencontres toute l'étendue de notre devoir; et nous devons tous tant que nous sommes nous y attacher d'autant plus, et y prendre garde, que si nous manquions à nous y rendre fidèles, surtout après que nous en avons connu l'importance, nous ne pourrions éviter le jugement terrible que Dieu prépare aux mauvais juges; car

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voici les menaces, qui sont étonnantes. C'est dans un de ses prophètes qu'il nous dit les mêmes paroles. «Ceux qui » gouvernent mon peuple, le gouvernent dans l'injustice; ils sont >> cause que la sainteté de mon nom est violée par de continuels blasphemes; mais je ferai connaître un jour à mon peuple la » grandeur et la sainteté de mon nom; car je viendrai moi-même » pour prendre ma place ». Isa. 52. 58. Et quand il sera venu pour juger les dieux, comme il dit lui-même: voici ce qu'il nous apprend en un autre endroit du traitement qu'il doit faire aux juges. C'est par la bouche du sage, qui nous l'annonce de la part de Dieu, et qui veut que nous l'écoutions et que nous le gravions dans notre mémoire et dans nos cœurs avec une attention et un respect dignes du sujet et de la majesté de Dieu, pour lequel il parle. Ecoutez donc, dit il, eutendez et apprenez, ju<< ges de la terre; prêtez l'oreille, vous qui êtes établis pour

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« maintenir la justice parmi les peuples. Sachez que si le Seigneur « vous a donné son pouvoir, et s'il vous a confié son autorité, il « recherchera toutes vos pensées et toutes vos œuvres; et parce « qu'il vous avait rendu les ministres de son règne, qui est la justice, et que vous n'avez pas suivi l'équité, la justice et sa volonté « dans vos jugemens, vous serez surpris et accablés de son « horrible et prompte venue, lorsqu'il viendra lui-même rendre et exécuter contre vous, qui jugez les autres, un jugement tout plein de rigueur. Car, dit-il en continuant, il peut y avoir quelque pardon pour ceux du peuple; mais pour ceux qui ont « été élevés dans l'autorité, leur pouvoir sera la mesure de la « grandeur et de la sévérité de leurs supplices, Sap. 6. 2. »

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HARANGUE

Prononcée aux assises de l'année 1666.

Nous remarquons que le dessein des rois, qui avaient institué cette sorte d'assemblées pour l'instruction des juges, et qui avaient voulu qu'on y fit toutes les années la lecture de leurs ordonnances, n'a été qu'une imitation du dessein que Dieu avait inspiré à Moïse, lorsqu'il ordonna, peu avant sa mort, que toutes les sept années on ferait une lecture solennelle au peuple et aux juges, des préceptes de leurs devoirs, qui étaient contenus dans la loi divine. Deuter. 31. 9. 10. 24. 28.

Il serait à souhaiter que cette imitation fût entière; et qu'au lieu d'une simple lecture qu'on faisait autrefois dans ces assemblées, de ces lois romaines, qui n'instruisent les juges que des formes de la justice, ils y fassent encore instruits par la lecture. de la loi divine, des principes plus essentiels pour rendre la justice, non-seulement dans le cours des formalités, mais dans le fonds des lumières de la vérité.

Ils ne pourraient recevoir d'instructions plus simples, plus solides et plus touchantes que celles de ces vérités divines, qui sont l'objet naturel de notre raison; et ces vérités ne pourraient être annoncées avec une parole plus propre pour les graver dans les esprits et les cœurs des juges, que la même dont Dieu s'est servi quand il a parlé pour les publier, car, comme il a proportionné la nature de notre raison à ces vérités et à ces règles de notre devoir, il a de même proportionné sa parole à notre raison pour nous les faire sentir, et nous en instruire.

Mais, quelque sujet que nous eussions de souhaiter l'usage de cette manière divine de parler aux juges, il faut céder à la coutume qui demande bien tous les ans un discours; mais qui ne pourrait souffrir le même, tout divin qu'il fût. Notre nature melee de principes opposés, l'un corruptible et l'autre éternel, ne

peut souffrir ni la stabilité ni le changement, il faut des nouveautés pour plaire, et il faut suivre les vieilles coutumes pour ne pas déplaire, et notre inconstance inquiète ne pouvant changer les règles immuables de notre devoir, et ne le souffrant d'ailleurs qu'avec peine, elle cherche au moins le changement et la nouveauté dans la manière de les exprimer, et préfère à la simplicité féconde de la parole divine, qui est le fondement et la source de ces vérités, la vaine étendue des pensées humaines, et l'embarras des raisonnemens et du discours, et de toutes les autres faiblesses où le langage des hommes est assujetti: de sorte que nous sommes réduits à ne dire ici que nos pensées, et il y a mème quelque sujet de les exposer plutôt que ces vérités divines à la curiosité, qui est presque l'unique motif de ceux qui viennent nous écouter.

Mais comme nous ne pouvons nous dispenser de parler toujours aux juges du même sujet de la justice et de leur devoir, si nous ne pouvons leur en parler d'une manière qui en soit digne et qui puisse leur en inspirer l'amour dans les cœurs; nous tâcherons du moins d'en former dans leurs esprits quelque nouvelle idée, dont le souvenir puisse leur en laisser quelque impression, et nous trouverons dans cette idée quelle est l'importance et quel doit être l'usage de l'une des principales qualités des juges, qui est la force et le courage dont ils doivent être toujours animés pour rendre la justice dans toutes sortes d'occasions.

Nous observous que la justice en général renferme deux choses que ce mot de justice signifie également dans toutes les langues; car on appelle justice l'équité ou la rectitude de la loi, et l'on appelle encore justice l'observation de la loi. L'équité de la loi n'est autre chose que la justice de Dieu, qui est le principe de toute loi et qui justifie par sa seule volonté tout ce qu'il ordonne; et l'observation de la loi est la justice des hommes qui ne cousiste qu'en la conformité de leurs actions à la loi qui les doit régler.

Ainsi, la justice comprend universellement tout ce qui est juste; c'est-à-dire, et la loi même vivante en Dieu et tout ce qui est conforme à la loi, et elle renferme encore en ce sens toutes les vertus, parce qu'il n'y en a aucune qui ne soit la pratique de quelque loi; et c'est pourquoi la véritable et parfaite justice consiste dans l'assemblage de toutes les vertus.

Cette justice de Dieu et celle des hommes avec toutes les vertus qui la composent, ont ensemble cela de commun, que l'effet de l'une et de l'autre n'est autre chose que la paix; mais avec cette différence que la justice de Dieu n'est précédée d'aucune guerre, ni d'aucun trouble, et que c'est une paix éternelle que nul changement et nulles contrariétés ne peuvent troubler. Isa. 9. 7.; mais la paix des hommes est seulement le calme et la tranquillité que

produit la justice et les vertus qu'elle comprend, au lieu de la guerre et du trouble que causent les passions qui leur sont contraires. Ainsi, la paix est l'ouvrage de la justice, selon l'expression d'un prophète, et l'écriture nous confirme cette vérité en divers endroits, nous apprenant que ceux qui ignorent la loi sont dans une grande guerre. Is. 32. 17. Sap. 14. 22.; que ceux qui l'aiment sont dans une grande paix. Is. 48. 22. Ps. 118. 165.; que la justice et la paix se sont embrassées; que celui qui est appelé le juge des vivans et des morts est aussi appelé le prince de la paix. Ps. 84. 11. Eccl. 5. 12. Act. 10. 42. Is. 9. 6. Toutes ces expressions sont autant de preuves de cette vérité, que la paix est l'ouvrage de la justice.

Et parce que c'est principalement dans l'intérieur de chaque particulier que se forme cette guerre et ce trouble, par l'empire des passions qui le dominent et qui l'agitent; la principale justice est celle qui éteint ou réprime ces passions dans leur source, qui est le cœur de l'homme, et cette justice est proprement l'ouvrage de Dieu.

Mais, parce qu'il permet que ces passions, non-seulement agitent l'intérieur des particuliers qui en sont remplis, mais qu'elles passent encore au dehors dans le corps politique, dont ils sont les membres, et que cette guerre intérieure, se répandant au dehors par une infinité de diverses injustices, trouble aussi en une infinité de manières la paix extérieure de la société des hommes, Dieu permettant cette guerre et ce trouble extérieur, il a aussi pourvu à établir un ordre et des voies pour procurer et maintenir la paix de cette société, en réprimant par l'autorité des juges les effets extérieurs de ces passions qui la troublent. Et comme il a voulu qu'on appelât du nom de justice le calme des passions qui violent sa loi divine et qui troublent la paix intérieure dans le cœur de l'homme, il a voulu qu'on appelât aussi du même nom de justice le calme des désordres qui violent la loi civile et qui troublent la paix extérieure, qui doit être parmi les hommes. Et c'est par ce rapport à la justice divine sur l'intérieur, que celle dont nous avons l'honneur d'être les ministres sur l'extérieur a pris aussi le nom, parce que sa fin et son exercice sont d'établir la paix dans le corps politique, comme la fin de l'autre est de l'établir dans les cœurs des hommes.

Nous découvrons par cette suite que cette double justice et cette double paix intérieure et extérieure forment les deux règnes, sous lesquels Dieu conduit les hommes; le règne spirituel et invisible de la religion sur les cœurs des particuliers, et le règne temporel et visible de la police sur le corps politique de la société des hommes. Il est seul le souverain unique de ces deux règnes, et il laisse éclater de temps en temps des marques visibles de sa conduite secrète et de son empire sur l'un et sur l'autre.

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