Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

qui en sont des suites, c'est elle aussi qui lie tous les hommes à tous leurs devoirs, car tous les devoirs se reduisent à ceux de la vie privée et à ceux des fonctions publiques, et c'est la religion qui oblige à ces deux sortes de devoirs en deux manières différentes, selon la différence de leur nature. Elle engage tous les hommes sans exception aux dévoirs de la vie privée, par un engagement général et nécessaire à tous par l'autorité de la loi divine, parce que ces devoirs sont communs à tous par la condition de leur nature.

Mais pour ce qui est du devoir de ceux qui entrent dans les fonctions publiques, et particulièrement dans le ministère de la justice, comme les avocats et les procureurs, qui ont l'honneur d'y participer, parce que l'engagement dans ces fonctions est un engagement volontaire et particulier à quelques-uns, les lois animées de l'esprit de la religion ont établi le serment qui est comme un contrat par lequel ceux qui s'engagent dans ces fonctions s'obligent envers Dieu qui les leur commet, et envers le public qu'ils doivent servir, de s'en acquitter en la manière qui leur est prescrite; et comme ces particuliers qui s'engagent les uns aux autres par les contrats ordinaires et profanes des choses qui sont en commerce, déposent leur foi entre les mains d'un ministre de la justice, ceux qui s'obligent envers Dieu et envers le public pour les fonctions publiques, et particulièrement les avocats et les procureurs, célèbrent un contrat si saint, qu'ils traitent avec Dieu même, en déposant la foi de leur promesse entre les mains et des ministres et du Dieu même de la justice, représenté dans son tribunal visible sur la terre par les juges qui tiennent sa place, et entre les mains desquels il dépose de sa part sa parole sacrée et divine sur laquelle il les reçoit et les soutiendra dans ces fonctions, et sur laquelle ils vont lui jurer l'observation des règles qu'il leur a prescrites, c'est-à-dire, que les avocats qui ont l'honneur d'être appelés dans le ministère de la justice pour y faire la fonction de juges envers leurs parties par leur conseil, et de défenseurs de la vérité et de la justice devant les juges, et que les procureurs qui ont l'honneur de participer à cette fonction des avocats vont tous ensemble comparaître devant Dieu aux pieds des juges qui tiennent sa place, et à la vue du ciel et du public, jurer entre ses mains et le gage de sa parole et de sa loi, qu'ils le prenneut pour témoin, pour dépositaire, et pour juge de la promesse libre, publique et solennelle qu'ils vont lui faire, qu'ils s'acquitteront du devoir de leur profession, et qu'en même temps ils le prennent pour vengeur de tous les violemens qu'ils en pourront faire, comme ceux qui jurent pour la vérité prennent, par leur serment, Dieu pour témoin de la vérité, ou pour vengeur de leur mensonge et de leur parjure.

Il recevra ce serment et cette promesse, non comme quelques

uns pourraient la faire, comme une cérémonie de coutume sans réflexion, mais il la recevra comme une obligation très-sérieuse, et il se souviendra et du serment et des parjures: car il regarde le serment comme un lien sacré qu'il a lui-même établi pour s'obliger envers les hommes lorsqu'il leur communique ce qu'il y a de plus saint, et dans ses communications les plus saintes et les plus élevées, comme dans celle du sacerdoce de son fils, pour lequel il a juré, et non pour celui des autres prêtres, comme saint Paul a remarqué; ce qui fait voir combien est inviolable l'obligation du serment que Dieu réserve pour les plus grandes de ses promesses, et qu'il ordonne aux hommes pour les engagemens les plus saints et les plus importans, comme est celui de tous ceux qui participent aux fonctions de la justice dont il a uni le ministère souverain au souverain sacerdoce, en la personne de son fils. Hebr. 7. 20. Les avocats et les procureurs doivent donc discerner en eux-mêmes s'ils comprennent et s'ils sentent tout le poids de cette obligation de leur serment dont les liens se multiplient et se fortifient par le renouvellement qu'ils en font toutes les années, et s'ils entendent sérieusement de contracter cette obligation et s'en acquitter; car, autrement, il vaudrait mieux s'abstenir du serment et des fonctions, et ils doivent penser que si l'écriture nous apprend qu'il est horrible de tomber entre les mains du Dieu vivant, quand les hommes violent les devoirs de la vie privée que la religion leur prescrit, quoiqu'ils s'y trouvent engagés sans leur propre choix, il sera bien plus horrible et funeste d'y voir tomber ceux qui se seront ingérés dans une fonction aussi sainte qu'est celle de la défense de la justice, et qui s'étant présentés à son tribunal pour être admis à cette fonction, auront juré publiquement à Dieu qu'ils en observeront les règles, et qui, en même temps se seront moqués et de la justice et de ses règles, et du serment, et du Dieu vivant à qui ils l'ont fait; et nous apprenons d'un prophète qu'il se souviendra et se moquera à son tour de ceux qui auront ainsi oublié et méprisé la sainteté de leur serment, et il leur ramènera le souvenir du violement qu'ils en auront fait, et les remplira de la confusion que mérite la profanation d'un pacte fait avec lui-même. Faciam tibi sicut despexisti juramentum, ut irritum faceres pactum, et recordabor ego pacti mei tecum, et recordaberis viarum tuarum et confunderis. Ezech. 16. 59. etc.

Mais ce n'est pas assez que les avocats et les procureurs connaissent la force de l'obligation de leur serment, ils doivent en même temps faire réflexion sur les règles de leur profession pour lesquelles ils vont jurer. Ces règles leur sont assez connues; mais afin qu'ils en conservent plus facilement le souvenir dans leurs esprits, et qu'ils les gravent dans leurs cœurs, nous leur remontrerons seulement en peu de mots que toutes ces règles se peu

vent réduire à deux paroles qui les comprennent toutes ensemble; la fidélité et la vérité de l'une et de l'autre leur sont egalement prescrites par la loi divine et par la loi de leur serment: car ils doivent jurer sur l'évangile qu'ils emploieront toute leur industrie, tous leurs soins et toute leur diligence pour la défense de leurs parties dans la vérité et dans la justice; ce sont les termes de leur serment en la loi romaine: Non novam, au code de judicus, qui contiennent ce qu'il y a d'essentiel dans le devoir des avocats et des procureurs. Patroni sacro sanctis Evangelis tactis juramentum præstent, quod omni virtute sua omnique ope quod verum et justum existimaverint, clientibus suis inferre procurabunt, nihil studii relinquentes quod sibi possibile est.

Il faudrait des discours entiers pour expliquer l'importance et l'étendue de ces deux devoirs de la fidélité et de la vérité, auxquels les avocats et les procureurs sont également obligés par leur profession et par leur serment; mais il suffira pour cette fois, qu'après avoir remarqué l'importance de leur serment, nous touchions en peu de paroles, et seulement en général, l'essentiel de ces deux devoirs qu'ils vont jurer, et qui comprennent tout leur ministère.

les

La fidélité les oblige à servir exactement leurs parties, et à s'appliquer aux affaires qu'ils entreprennent avec le soin qu'elles méritent, pour bien examiner les faits et les moyens sans précipitation et sans négligence, et pour s'acquitter des autres fonctions de leur ministère avec une exactitude proportionnée à celle qu'ils voudraient qu'on employât pour eux-mêmes dans leurs affaires; et il est bien juste que cette règle du droit naturel que païens ont reconnue, et que l'évangile a consacrée en précepte de droit divin entre tous les particuliers dans toute sorte de commerces, soit à plus forte raison observée par les avocats et les procureurs dans le ministère de la justice, et qu'ils emploient toute leur industrie et tout leur soin pour la défense légitime de leurs parties. Omni virtute sua omnique ope, nihil studii relinquentes quod sibi possibile est, et les avocats et les procureurs qui manquent à cette fidélité et à cette exactitude violent en méme temps le droit naturel, la loi divine et leur serment; mais ils sont encore d'autant plus étroitement obligés à ce soin, à cette diligence et à cette exactitude et fidélité, qu'ils reçoivent la récompense de leur travail : car encore que ce travail et cette récompense ne doivent pas être regardés comme un commerce, à cause de la dignité et de l'honneur d'une profession, dont le caractère consiste dans la défense de la vérité et de la justice, et que c'est sans convention qu'ils reçoivent cette récompense, elle ne laisse pas de former une obligation proportionnée à celle que contractent les particuliers dans les contrats, où l'un donne et l'autre reçoit pour quelque ouvrage ou quelque service, et les

avocats savent, par les règles de leur profession, que celui qui reçoit dans ces sortes de contrats est obligé à une diligence exacte et fidèle, et c'est l'intention particulière des parties, et l'intention publique des lois, que les avocats et les procureurs soient très-fidèles et très-exacts dans la défense de leurs parties, et ils doivent l'ètre d'autant plus que l'on ne recherche pas en justice les fautes qu'ils commettent contre ce devoir; de sorte qu'ils doivent se soutenir par la vue de la dignité et de l'importance de leur ministère, et par l'obligation de leur serment dans les occasions qui leur sont si faciles et si ordinaires de prévariquer dans le point de la diligence et de la fidélité qu'ils doivent à la défense de leurs parties.

Pour ce qui est de la vérité, qui est aussi l'un des chefs du serment, et qui renferme aussi le devoir de la justice, quod verum justumque existimaverint clientibus suis inferre procurabunt, nous dirons seulement en deux mots que cette règle oblige les avocats et les procureurs à ne prendre jamais le parti du mensonge et de l'injustice, et à ne défendre les causes qu'ils entreprendront, que par les voies de la vérité et de la justice, et elle les oblige aussi à prendre toujours la justice et la vérité pour les règles de toute leur conduite, et dans le discernement des causes qu'ils peuvent défendre ou qu'ils doivent abandonner, et dans la manière de la défense de celle qu'ils entreprendront. On voit assez l'étendue de ce devoir, et que c'est ainsi qu'il se doit entendre, et c'est aussi le sens que lui donne cette même loi du serment, causa cognita quod improba sit, vel ex mendacibus allegationibus composita non patrocinabuntur; et en même temps qu'ils auront connu que la cause qu'on leur présente, ou de laquelle ils se sont déja chargés, est une méchante cause, et qui ne se défend que par le mensonge et l'injustice, ils sont obligés de l'abandonner.

Nous n'en dirons pas davantage, et nous ajouterons seulement que le principal moyen de s'acquitter de ces deux devoirs, de la fidélité et de la vérité, est de connaître et d'éviter la principale cause qui fait qu'on y manque, qui est l'avarice; car ceux qui n'ont pour leur principale vue que le gain et leur intérêt s'engagent également dans toutes les causes justes ou injustes, parce qu'ils trouvent également leur profit dans les unes et dans les autres, et ils se portent par cet engagement aux voies du mensonge et de l'injustice pour la défense des causes injustes : c'est d'où viennent les suppositions des faits et les fausses citations des lois mal prises, les incidens, les chicanes et toutes les autres mauvaises voies pour la défense des causes injustes, et c'est encore l'avarice qui porte à la précipitation et à la négligence dans la défense des causes justes pour en expédier un plus grand nombre, au lieu qu'on doit se contenter du gain légitime que peut

[merged small][ocr errors]

produire la défense juste et fidèle des causes, dont la défense peut ètre permise.

Que les avocats et les procureurs fassent donc réflexion, et qu'ils se souviennent qu'ils vont jurer à Dieu que ni leur intérêt, ni aucune autre considération ne les empêchera jamais de demeurer fermes dans la fidélité et dans la vérité qu'ils doivent à leur ministère; qu'ils se souviennent que la vérité est le plus grand de tous les biens, puisque Dieu s'appelle lui-même la vérité, et que le mensonge est le mal le plus opposé à la vérité, et que c'est par cette raison que l'écriture donne ce caractère particulier au premier auteur de tous les maux, qu'il n'est pas demeuré dans la vérité, et qu'il est le père du mensonge, parce qu'il s'est séparé de Dieu qui est la vérité, et que si le simple mensonge est un si grand mal, celui qu'ils commettent dans leur ministère est tout ensemble un crime contre la loi divine, une prévarication contre les règles de leur profession, et un parjure contre leur serment; qu'ils se souviennent que l'avarice est une idolâtrie qui nous sépare de Dieu, qui est la vérité, et qu'elle est la source du mensonge comme de tous les autres maux; et qu'ils se souviennent enfin, pour se tenir fermes dans la vérité, que le serment qu'ils vont faire formera une obligation perpétuelle de ne rien écrire et ne rien plaider qu'avec la même exactitude et la mėme vérité, que si chaque parole devait être accompagnée d'un nouveau serment, comme autrefois on les obligeait à le renouveler, non-seulement toutes les années, mais dans chaque cause, et que pour conserver la mémoire et le fruit de ce serment, ils gravent dans leurs esprits et dans leurs cœurs cette parole d'un père de l'église. Quid quid dixeris, juratum putes. Hieron.

HARANGUE

Prononcée à l'ouverture des audiences de l'année 1673.

Parmi les avantages et les titres d'honneur de la profession des avocats, nous pouvons dire que l'un des premiers est de participer à la qualité de juge, et d'y participer d'une manière qui les élève à quelques-unes des principales fonctions des juges, et par conséquent, les engage aux principaux de leurs devoirs. C'est ce qui nous oblige à faire réflexion sur ces fonctions communes aux juges et aux avocats, pour mieux considérer les devoirs essentiels qu'ils vont jurer qu'ils observeront.

L'une des principales fonctions des juges est de discerner la justice d'avec l'injustice, la vérité d'avec le mensonge, de soutenir la justice et la vérité, de rejeter l'injustice et le mensonge, et de n'abandonner jamais ce devoir par quelque considération que ce puisse être. C'est pourquoi l'écriture prescrivant les qua

« VorigeDoorgaan »