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l'enfance, et qu'en Angleterre l'on a surnommés Contes de la Nourrice, Nursery Tales.

Sourira qui voudra des contes de fées, je les aime de toute la poésie de mes premiers souvenirs. Je les considère en outre comme un excellent moyen d'éducation, comme un levier destiné à soulever les jeunes intelligences. Certes, je ne désire point que l'on entretienne les petits garçons de démons hideux, de sorciers ou de sorcières, de revenants ou d'anthropophages. Mais dussé-je, messieurs, passer à vos yeux pour un grand enfant, j'avoue que j'aime ces fées qui se laissent traîner dans une coquille de noix attelée de scarabées verts, ou dans un carrosse d'écorce de potiron tiré par des rats harnachés en toiles d'araignées. J'avoue également que j'ai une prédilection toute particulière pour ces Péris qui vivent dans les mille rayons de l'arc-en-ciel, et se nourrissent du parfum des fleurs. Et j'aime autant la tante Tirelire, la petite bergère du pays de Patapon, et la poule qui pond des œufs d'or, que le soleil qui s'appelle Apollon, et ce glouton de Saturne qui, en les avalant bêtement, prend des pierres de taille pour de la chair délicate d'enfants nouveau-nés. Quand je lis l'histoire de John Gilpin, celle de Tom Pouce, celle de Jacques le tueur de Géants, dont les terribles paroles: Fe-FawFum, I smell the blood of an Englishman, sont dans la mémoire de tous; quand je lis Whittington et son Chat, et tous ces délicieux petits livres dont la simplicité n'est jamais vulgaire, dont le langage est toujours pur, et où l'auteur sait s'oublier lui-même pour ne songer qu'à ses jeunes lecteurs, j'éprouve, je l'avoue, ce plaisir extrême qu'aurait pris ce bon La Fontaine si Peau-d'Ane lui eût été conté.

Les Anglais, malgré leur flegme caractéristique, leur froideur instinctive et leur insensibilité, plus apparente que réelle, ont en eux une poésie que nous ne leur supposons pas d'ordinaire. La Bible, qui est leur livre de tous les jours, leur vade mecum, pour ainsi dire, et sans laquelle ils ne sauraient être comfortablement chez eux, at home; la Bible, ce premier, ce précieux souvenir qu'ils portent partout dans leurs voyages et dont ils ne se séparent qu'à la mort, la Bible leur prête naturellement ses images orientales, son langage hardi et métaphorique. Dès l'âge le plus tendre, l'imagination des Anglais s'exalte à la lecture des saintes légendes de ce livre de Dieu, leur esprit se nourrit des merveilles de l'Apocalypse, et

plus tard, dans la vie, ils prennent plaisir à mettre au cœur des enfants ces mêmes croyances qui ont bercé leur jeunesse. Causez, pour un instant seulement avec quelques-unes de ces charmantes babies, ou blondes fillettes de la pâle Albion qui surpassent en beauté les ravissantes peintures de Reynolds, demandez-leur ce qu'elles ont appris depuis qu'elles sont au monde, et aussitôt vous les entendrez, avec une grâce enfantine, vous débiter le chapitre de leurs idées naïves. Elles vous diront avec Milton, le poète chrétien par excellence, que l'air est peuplé de milliers d'êtres invisibles :

Thousands of beings breathe in the world unseen.

Elles vous diront qu'elles veulent être bonnes et sages pour aller au Paradis, dans ce lieu de délices où les fleurs ne se fanent point, où l'on joue des jeux qui ne fatiguent jamais; elles vous diront que des anges veillent sur elles, et portent leurs ames comme les mères portent les petits enfants. Ah! Messieurs, en face de ces babils ingénus, qui donc oserait penser qu'on a faussé le jugement de ces êtres naïfs? Non certes, leurs idées, si erronées qu'elles puissent être, ne sauraient avoir aucune influence mauvaise sur ces enfants; elles font naître au contraire une simplicité touchante, une exaltation candide, un amour du merveilleux qui ne s'éteindra que trop tôt sous le poids des réalités de la vie. Hélas! si nous devions nier tout ce qui échappe à nos sens ou à notre raison, que nous serions à plaindre! Qu'on nous enlève ces deux extrêmes, le télescope et le microscope, et bien des étoiles, bien des cirons retomberont pour nous dans les ténèbres primitives; et qui viendrait alors nous certifier que dans chaque cuillerée d'eau que nous avalons, vivent et nagent d'innombrables animaux transparents, monstrueux et fantastiques, passerait à coup sûr pour un insensé. Rien n'est désert dans la nature. Aucune place n'est vide; nous ne pouvons faire un pas sans écraser des peuplades immenses de petits insectes dont chacun a ses mœurs, ses habitudes, son industrie, ses amours et ses batailles.

N'enlevons donc point aux enfants ces innocentes superstitions, ces symboles obscurcis d'aspirations et d'espérances inhérentes à notre destinée. Emportés par l'imagination comme par l'hippogriffe de la fable, laissons-les vivre avec leur touchante crédulité au sein

de cette littérature simple et naïve; laissons leurs petites ames, comme des cerfs-volants vers la nue, s'élancer gracieusement vers ces horizons bleus, où tout est si calme que cela fait involontairement pensei au ciel! Laissons leurs jeunes esprits errer à volonté dans ces contrées lointaines où toutes les douces chimères prennent un corps! Pourvu que l'étoile du devoir reste brillante au firmament, que leurs yeux la distinguent et la prennent pour guide, comme les Mages marchant vers Bethléem, qu'importent ces innocents retards du jugement, ces distractions passagères de la pensée ? Les contes de fées ont toujours été la joie des enfants; il est si peu de joies sur terre qu'il faut au moins leur laisser ce bonheur, comme nous laissons à la nature les soupirs de la brise et le chant du rossignol, comme nous laissons aux fleurs leur parfum, leurs ravissantes couleurs aux oiseaux de Paradis, et aux papillons leurs ailes d'émeraude, de turquoise et de saphir! Assez tôt viendront les douleurs, l'amertume et le découragement; assez tôt sonnera l'heure de la réalité ! Que la bataille humaine commence au moins pour nos petits enfants comme une amusante féerie... Et nous-mêmes, messieurs, quelque sérieux que nous soyons, au milieu des tempêtes et des bouleversements de notre existence, comme repos des études positives, en face de nos livres, nos vieux amis de tous les jours, amemus meminisse, n'oublions jamais ces contes qui, pour l'avoir tant charmée, nous rappellent notre jeunesse; n'oublions point ces premières et fraîches impressions du matin de la vie. Frappons de temps en temps, comme le Petit Chaperon Rouge, à la porte de ce monde enchanté qui, torrent irrésistible, nous entraînera de nouveau vers les rives fleuries de l'impossible. Et, pour terminer enfin par un mot qui résume ma pensée tout entière: Tirons la bobinette, la chevillette cherra!...

RAPPORT sur les Travaux de la Société, depuis le 2 Mai 1856, jusqu'au 17 Avril 1857, par M. ANQUETIL, Secrétaire-Perpétuel :

MESSIEURS,

En compulsant, pour rédiger son Rapport, tous les procès-ver

baux des séances tenues depuis notre dernière séance solennelle, une lacune importante a tout d'abord frappé votre secrétaire : pareils à ces portraits de famille dont parle l'historien latin, pour la première fois depuis l'origine de notre Société, les travaux philosophiques vont briller aujourd'hui par leur absence. Encore bien que cette lacune me vienne en aide en me dispensant de chercher un exorde que j'aurais eu de la peine à trouver, les ayant presque tous épuisés, je m'en affligerais si nous pouvions craindre que ce ne fût une désertion, et que la Philosophie n'eût droit de dire à son représentant ordinaire dans cette enceinte : Et vous aussi vous m'avez abandonnée! Mais il n'en est point ainsi; M. Bouchitté n'est point allé s'égarer dans les salons ni dans les boudoirs des illustres pécheresses ni des grandes pénitentes du XVII. siècle, ni découper, comme on l'a dit quelque part, de la dentelle métaphysique aux genoux de madame de Chevreuse ou de madame de Longueville. Avant peu la Philosophie aura repris possession de ses droits, et mon exorde sera devenu ce que deviennent les neiges d'antan.

Les communications qui rentrent dans le domaine de la Philologie ne sont pas de celles qui s'analysent, au moins dans une séance publique comme celle-ci; je ne puis que les énumérer, et je me hâte de le faire pour n'avoir plus à y revenir. Ce sont : 1.° de longs extraits d'un vocabulaire de La Fontaine, par M. Lapaume; 2. l'examen fait par M. Anquetil d'une brochure de M. Dubner, sur deux éditions, l'une de Lucien, l'autre d'Ovide, imposées l'an dernier aux professeurs des lycées; 3.o diverses communications de M. Loz de Beaucours sur l'ancienne langue du Béarn, les principales œuvres des principaux auteurs qui l'ont parlée, et notamment le cantique béarnais que chantait Jeanne d'Albret en donnant le jour à Henri IV; sur des pièces relatives aux idiomes celto-breton et gaëlic, dont plusieurs datent du VI. siècle, découvertes par M. De la Villemarqué dans diverses bibliothèques d'Angleterre; et sur plusieurs ballades françaises du XIII. siècle, trouvées dans les mêmes dépôts par le même savant; 4.° enfin une discussion à la suite d'un Rapport de M. Boucheman, sur un Mémoire contenu dans le dernier volume des Précis des travaux de l'Académie de Rouen, et concernant le dialecte normand.

Permettez-moi de placer également ici l'indication sommaire des Rapports sur les publications que nous adressent les Sociétés correspondantes; ce sont :

1. Les Rapports de M. Bouchitté sur les Bulletins mensuels des Sociétés d'Agriculture, Sciences, Lettres et Arts de la Lozère et de Valenciennes; sur les Actes de l'Académie de Bordeaux; sur les mémoires de la Société impériale des Sciences, de l'Agriculture et des Arts de Lille (1853, - supplément); sur ceux de la Société des Antiquaires de Picardie; sur ceux de l'Académie impériale des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Dijon (2.a série, tome IV. 1855); enfin sur ceux de l'Académie impériale de Metz (1855 et 1356);

2. Un Rapport de M. de Boucheman sur le dernier Précis des travaux de l'Académie de Rouen, qui contient entre autres un Mémoire très intéressant sur la condition des prêtres, durant la Révolution, dans le département de la Seine-Inférieure ;

3. Un Rapport de M. Anquetil sur le dernier volume des Mémoires de la Société Académique de Cherbourg, dans lequel se trouve un Mémoire qui enlève à Vauban pour les restituer à un modeste et habile officier de marine, M. De la Bretonnière, la première pensée et les premiers plans de la digue gigantesque qui ferme aujourd'hui la rade de notre troisième port militaire;

4. Plusieurs Rapports de MM. Le Roi, Anquetil et Loz de Beaucourt, sur les trois Recueils savants publiés sous les auspices du ministère de l'Instruction publique et des Cultes. (Bulletin des Sociétés savantes - Bulletin du Comité, de la langue et de l'Histoire de France. Archives des missions scientifiques et littéraires), et dans lesquels vous avez spécialement remarqué un Rapport de M. de Pastoret sur un Mémoire de M. Daumant, touchant Saint-Simon et son époque, et un Rapport de M. de Montalembert sur la belle édition des Mémoires de ce mordant satirique, que publie M. Chéruel.

Les travaux de législation, d'économie sociale et politique et de statistique n'ont pas laissé d'être assez rares, et il serait à désirer qu'ils occupassent une plus large place dans nos séances.

Un Mémoire très étendu de M. le D.' Vingtrinier de Rouen, sur les moyens d'améliorer la législation en ce qui concerne la répres

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