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délivré de ses liens terrestres, pourra goûter dans leur plénitude

L'air frais, la lumière et l'espoir,

il lui faut bien supporter toutes les amertumes de la captivité, et effleurer aussi en passant ces rares bonheurs de la vie, qui donnent la mesure du degré de satisfaction que ce monde peut nous procurer. Parmi tant de causes, bien faites pour affliger, en particulier les âmes poétiques et les cœurs généreux, en est-il de plus saisissante que cet antagonisme fatal, depuis si longtemps déclaré, entre l'idéal et l'amour du gain, auri fames? Souvenez-vous des plaintes du poëte de Syracuse. Ces plaintes, la muse moderne ne les a point désapprises; écoutez comment M. Soulary en a rajeuni la formule dans ces vers si originaux et si vrais :

A HORACE.

Horace! sur ton front nos Romains tresseront
La feuille d'olivier dont l'essence est divine.
Entre nous, que rapporte à la Muse Sabine
L'huile de l'olivier qui couronne ton front?

Horace! ton vin d'Albe, à l'Erato chagrine,
Donne une âme nouvelle et rend le Dieu plus prompt.
Entre nous, combien vaut l'amphore Tiburtine,

Lorsque du passe-avant elle a subi l'affront?

Poëte! en t'élevant vers les sphères splendides,
Garde-toi d'oublier l'échéance des Ides.
Hélas! les temps sont durs, et le Génie a faim

Balance ton grand livre entre deux épisodes;
Horace! j'ai souscrit, livre-moi tes Epodes;
Horace! j'ai payé, voiture-moi mon vin!

Voulez-vous une autre peinture aussi parfaite des misères de la vie, lisez La dime.

Sous la treille aux grappes dorées,
Un buveur buvait en rêvant,
Sur la treille aux feuilles lustrées,
Un oiseau rêvait en couvant.

Dans le vin, déjà plus avant,
Plongeaient les lèvres altérées;
Dans le nid aux perles nacrées
Déjà tintait un œuf vivant.

Passe un vieillard à face jaune.

«Ca, les heureux, faites l'aumône « Au vieux Sort, à l'éternel veuf! »

Il dit et, de sa main sévère,
Du buveur il répand le verre

Et sous l'oiseau fracasse l'œuf.

On aurait plutôt tout cité que d'avoir épuisé l'éloge pour ces pages si réalistes et en même temps si délicates. Et vidit quia bonum mérite de vous être encore répété : c'est le symbole du pessimisme; redisons-le encore avant que de passer à une plus riante image.

L'Homme a dit : J'ai voulu tout savoir, je sais tout!
Dans mon domaine étroit je ne tiens plus en place;
J'ai vécu tout mon temps, couru tout mon espace,
J'ai la Vie en horreur, et la Terre en dégoût !

La Terre a dit: Mon sein s'appauvrit et se glace
Et mon lait en poison pour l'homme se résout;
La lèpre du péché qui l'envahit partout
S'étend jusqu'à mes os; d'enfanter je suis lasse!

Le Ciel a dit : L'éclair se rouille au glaive ardent,
Et l'Ange, au saint parvis, s'ennuie en attendant
Qu'un élu des élus commence enfin le nombre.

L'Enfer a dit Satan se fatigue à tasser

Le damné qui pullule au charnier qui s'encombre,
Le Verbe a dit: Néant! c'est à recommencer.

Est-il possible de fournir au scepticisme une plus désolante formule? Hàtons-nous de reposer notre esprit sur un tableau moins sombre. M. Soulary n'a pas toujours étudié la vie sous ses aspects les plus repoussants: il sait trouver sur sa palette des couleurs pour tous les genres, et quand il veut, il excelle à nous montrer la nature humaine dans ses plus éclatantes parures. Alors plus de plaintes funèbres, plus d'amères pensées, c'est la vie qui revêt pour un instant toutes ses splendeurs et qui va se révéler dans toute la puissance de son éternelle jeunesse :

Efficis ut cupidè generatim sæcla propagent. (Lucr.)

Il faut bien d'ailleurs alimenter la consommation de la mort.

OARYSTIS.

(Imité de Théocrite, }

Ils vont, beaux amoureux, côte à côte, en silence,
Les yeux baissés vers terre, et la main dans la main,
Sans songer qu'ils sont seuls, éloignés du chemin,
Que le bois s'emplit d'ombre et que la nuit s'avance.

Où vont-ils? Où le cœur les conduit sans défense,
Impatients et doux sous l'aiguillon divin:
Lui, du désir d'oser tout ému dans son sein;
Elle, tremblant qu'il ose, et se livrant d'avance.

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Ils n'ont rien dit encore, et tout est dit entre eux.
La nature est discrète, enfants, soyez heureux !
Et toi, barde de Cô, souris, vieux Théocrite!

Vois! ton drame d'amour dure éternellement;
C'est, depuis deux mille ans, la seule page écrite
Où le temps ait passé sans aucun changement.

Les aristarques de la presse parisienne ne s'y sont pas trompés à ces accents de la nature ils ont reconnu le véritable génie, et ils ont proclamé, du haut de leurs colonnes, à la face du monde littéraire, le nom d'un poëte nouveau, cette fois étranger à la capitale, le nom de notre compatriote, naguère notre confrère, le nom de Joséphin Soulary.

La ville du Hâvre, qui peut montrer avec orgueil, parmi ses plus illustres enfants, les deux Scudery, Bernardin de St-Pierre, Ancelot et Casimir Delavigne, grands hommes que la province a également fournis à la gloire des lettres françaises, compte, parmi ses institutions municipales, une Société d'études diverses, en échange de publications avec notre compagnie. M. Pallias, chargé de vous rendre compte des Mémoires de cette société, pour l'année 1855-56, s'est acquitté de ce soin avec tout le zèle et le dévouement qu'il met à ses recherches historiques, et a été amené à consta ter, sur un point de plus, l'existence d'un phénomène géné. ral de décentralisation intellectuelle et d'efforts communs pour s'affranchir, à ce point de vue, de la suprématie de la capitale. Paris, sans doute, doit rester toujours le centre des sciences, de la littérature et des beaux-arts; mais, autour de ce soleil lumineux, gravitent une foule de planètes accompagnées elles-mêmes de nombreux satellites. Les principales villes de l'Empire, rivalisant d'ardeur et d'émulation, publient, chaque année, de gros volumes remplis d'excellentes dissertations, de savants mémoires, d'idées complètement neuves, où perce souvent un esprit local, qui reflète le caractère original de chaque contrée. Les différentes sociétés savantes, disséminées dans les départements, ont puisé un nouvel élément de force dans l'union qui s'est établie entre elles, et, par l'échange incessant de leurs publications, elles ont su activer encore les rapprochements qui les enveloppent dans la même communauté d'idées.

L'année 1857, dont nous ne devons comprendre qu'une faible partie dans cet examen rétrospectif, a vu se produire la Notice historique sur notre Société, dans laquelle votre secrétaire adjoint a déroulé à vos yeux le tableau de vos fastes domestiques, d'après les documents contenus, tant dans vos archives, malheureusement trop dévastées par un demi-siècle d'existence, que dans les publications de la presse périodique locale contemporaine. Pour compléter ce coup d'œil général sur notre Compagnie, qui nous permet d'avoir une perception aussi claire que possible de notre existence collective, l'auteur vous a communiqué, à la séance du 9 décembre, sous forme de bilan individuel, quelques documents puisés dans les notes de notre savant doyen, et dont l'ensemble formera un tableau fidèle du personnel et des travaux, où seront conservés des renseignements biographiques et statistiques sur chacun. Cet arriéré de souvenirs et de notes étant épuisé, il sera désormais facile de tenir à jour cette sorte de comptabilité littéraire.

Puisque nous sommes ramené, par l'ordre chronologique de ce rapport, sur les événements de notre passé, pourquoi faut-il qu'une analogie fatale reporte encore nos souvenirs vers ces temps d'épreuve où notre Société fut obligée de suspendre ses séances, pour ne pas se dissoudre sous l'influence délétère de dissentiments politiques entre ses membres? C'est que les hommes de bien, généralement unanimes dans leurs vœux pour le bonheur de leur patrie et le salut du corps social, sont trop souvent divisés, quand il s'agit de passer de la théorie à la pratique et de prononcer, dans l'application, entre deux principes que leurs partisans veulent invoquer à l'exclusion l'un de l'autre. Quand, parmi les livres adressés en hommage, il se rencontre quelque œuvre traitant de ces matières, qui ont le don funeste de passionner à l'excès les esprits, la sérénité de vos réu

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