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tions auxquelles cette thèse a donné lieu, dans notre siècle, et les illusions de ceux qui s'imaginent que la science peut créer la vertu comme le bien-être, et qui rêvent une sorte d'âge d'or pour l'humanité, par suite du progrès des scien

ces.

M. Paul Saint-Olive, dont la verve satirique s'épanche parfois avec plus d'amertume, a eu le bonheur d'avoir tout à la fois, ce jour-là, les honnêtes gens et les rieurs de son côté. Bien que traitant des travers de son époque, il a su marcher sur les bourbiers de notre temps, sans y contracter de souillure. C'est qu'il avait derrière lui l'unanimité de l'opinion, heureuse de recevoir de sa muse une formule élégante et toujours prête à répéter l'écho de la conscience publique soulevée contre les scandales du jour. Cette veine, si riche et si facile, nous a prodigué les prémices de ses trésors, recueillis plus tard en un seul faisceau, sous le nom de Coups de plume. La Paix, satire inspirée par les réalisations de la Bourse, après la victoire de Crimée, vous a révélé la manière remarquable de M. Saint-Olive.

J'ai voulu vainement oublier Turcaret:
Turcaret, malgré moi, vient s'offrir à mon fouet.
Il prétend que la paix, faite à son bénéfice,
Pour lui gagner de l'or, doit être à son service.
A le voir, chaque jour, récolter sa moisson,
Il semble que le sort veut lui donner raison.
Constamment à l'affût, il n'est pas de conquête
Que notre loup cervier ne médite en sa tète.
On ne peut rien sauver son appétit glouton
Dévorera bientôt le moindre rogaton,
Et, jusqu'aux ossements profanés de nos pères,
Tout, par ses affidés, sera mis aux enchères.
Peut-être que l'impie, un jour, sans s'émouvoir,
Avec ces mêmes os fabriquera du noir,
Et la profane main de nos agents de change
Cotera bonnement cette valeur étrange.

Avons-nous détrôné les marquis d'autrefois,
Pour subir lâchement les tyranniques lois
Des princes de la Bourse? ignoble autocratie,
Qui nous écrasera de sa suprématie.

On ne nous verra pas courber nos humbles fronts
Sous l'immonde pouvoir de ces nouveaux barons.

Je me révolte ici de voir au même rang
Le glorieux soldat qui prodigua son sang,
Et le spéculateur qui, pour remplir sa caisse,
A su mettre à profit ou la hausse ou la baisse.
Tel autre, j'en conviens, brave homme intelligent.
Fabriqua de l'étoffe et gagna de l'argent;

Mais il a dans son gain trouvé sa récompense,
Et n'a pas simplement labouré pour la France.
S'il eût, par des travaux, plus ou moins importants,
Totalement perdu sa fortune et son temps,

Je comprendrais alors que la publique estime
Ne lui refusât pas un honneur légitime.
Mais, parlons sans détours : le but de son effort

Est de combler le fond d'un vaste coffre-fort,

Et tous les tripoteurs, qui rêvent d'entreprises,

N'ont dans leurs froids cerveaux que d'âpres convoitises.
S'il faut à ces messieurs des honneurs à tout prix,
Sire, pour contenter d'avides appétits,

Vous avez pleinement la facile ressource
D'accorder au fretin qui grouille dans la Bourse
Le droit de décorer un double vêtement
D'une brillante croix montée en diamant,
Et, pour bien distinguer nos soldats de Crimée,
Ne pas confondre ensemble et la Bourse et l'armée,
Donnez aux Turcarets de riches chaînes d'or,
Mais laissez au zouave, épargné par la mort,
Son ancien ruban rouge et sa chère médaille,
Gagnés à Malakoff en bravant la mitraille.

(

Peut-être, dira-t-on, que le triomphateur

Sans beaucoup de dangers, ne devient pas vainqueur, Et que, dévalisé dans la grande bataille,

Il risque trop souvent de mourir sur la paille? »

On rencontre parfois, j'en conviens avec vous,
Dans l'antre ténébreux, des vautours et des loups,
Et celui qui n'a pas une adroite escopette
Ne peut pas espérer d'empocher la recette.
Le malheureux joueur ne connaît pas la paix :
Il a beau s'endormir en un riche palais;
Semblable à Damoclès, apercevant le glaive,
Dans son huis-clos, martyr sans repos et sans trève,
Au milieu des sursauts d'un sommeil agité,
Il songe, chaque nuit, qu'il est exécuté.
Tel qui pense encaisser un brillant bénéfice,
Aperçoit à la fin le fond du précipice,

Et si, pour quelques jours, il obtient du report,
Il croit naïvement s'abriter dans le port;
Mais son espoir est court: la baisse impitoyable
Fait dans son coffre-fort un vide irréparable.
Le voilà nettoyé du jour au lendemain !
Il ne peut plus donner la soie à pleine main,
Et sa femme, imitant le ballon d'hydrogène,
Ne condamnera plus nos trottoirs à la gêne.

Le renouvellement de l'année est venu fournir à votre président l'occasion de vous rappeler les acquisitions que vous aviez faites, depuis la reprise de vos travaux, MM. SaintOlive, Le Normand et Borin. Mais avant que de s'occuper des vivants, M. M.-A. Péricaud a voulu évoquer des souvenirs honorables pour notre cité. Il a voulu montrer que, dans nos murs, les aptitudes les plus diverses s'étaient toujours trouvées réunies chez les mêmes hommes, et que la pensée de La Bruyère, d'après laquelle le soldat est brave, l'homme de robe savant, tandis que chez les Romains, l'homme de robe était brave, et le soldat savant, que cette pensée n'était pas vraie d'une manière absolué. La prétendue infériorité procède des institutions et non des hommes. C'est parce qu'il n'y eut plus de tribune pour le soldat, ni de champ de bataille pour l'homme de robe, qu'un jour vint où l'homme de robe fut réduit à la science et le soldat

à la bravoure. « Si, en France, dit M. Péricaud, sous Philippe-le-Bel et sous Charles VII, il eût existé une juridic-tion qui rendit ses arrêts sur la place publique, il se serait trouvé aussi quelque orateur, soldat ou homme de robe, tel que Foy, Berryer ou Paul Sauzet, qui aurait vengé l'honneur des Chevaliers du Temple, dévoilé les forfaits du maréchal Laval de Retz, et qui, au lieu d'un bûcher, eût fait élever un autel à la vierge de Domremy. Et lorsque, plus tard, un ordre de choses nouveau eùt appelé tous les Français indistinctement à tous les emplois civils ou militaires, les talents se déclassant aussitôt, on vit se révéler de grands capitaines dans les rangs des hommes d'étude. C'est ainsi qu'un professeur de mathématiques et un docteur en droit ne tardent pas à se faire connaître parmi les plus grands capitaines de l'Europe. Et, pour ne pas sortir de l'enceinte de notre cité, nous voyons parmi nous deux jeunes hommes s'élever aux plus hautes dignités militaires, sans traditions et sans études préparatoires : l'un est le major-général Martin, fils d'artisan, élève des frères de la Doctrine chrétienne; l'autre, le maréchal Suchet, qui apportera, dans l'exercice du commandement militaire, l'esprit de calcul et les habitudes d'ordre qu'il a vu pratiquer dans les opérations du négoce de son père. »

A cette même séance du 13 janvier, pour faire diversion à des considérations d'un ordre supérieur, M. de Jacob de la Cottière vous a communiqué le premier chapitre de ses Montagnes et Cathédrales, œuvre de fantaisie humouristique. Dans cette introduction, à l'exemple de l'oiseau qui essaie ses ailes, avant que de prendre son essor, le voyageur se livre à quelques réflexions originales sur le tourisme et sur les types plus ou moins grotesques dont les grands chemins sont émaillés. Il nous fait assister ensuite à un lever de soleil à travers les vasistas d'une diligence jonquille, et

passe la frontière entre Fernex et Coppet, au milieu de ces rêveries drôlatiques.

A la fin de la séance, M. Le Normand, nouvellement admis parmi vous, et à qui vous avez été heureux d'offrir l'hospitalité de vos réunions, vous a parlé de l'utilité des corps savants, centres d'activité intellectuelle que l'autorité supérieure se plait à couvrir d'une protection spéciale. Les hommes d'étude ont besoin, de même que les hommes d'affaires, d'agrandir leur action en empruntant à l'association le supplément de force qu'elle donne, et de féconder leur pensée par des contacts pleins de charme et de variété. Ces vérités, dont vous aviez reconnu déjà, par votre expérience personnelle, toute l'importance, recevaient une autorité nouvelle dans la bouche de l'ancien secrétaire perpétuel de l'Académie de Mâcon, qui a eu l'honneur d'y siéger, durant plusieurs années, à côté du vénérable Lacretelle, dont il a prononcé, dans une séance solennelle, l'éloge historique. En quittant, par suite d'un changement de résidence, ce poste éminent, M. Le Normand devait trouver tout naturellement une place distinguée parmi nous.

Si la centralisation académique contribue à la prospérité des études individuelles, la variété dans les communications n'exerce pas une moins salutaire influence, parce qu'elle ranime l'attention et permet de l'étendre indéfiniment. Cet élément de succès n'a jamais fait défaut à nos séances, et, sans sortir de la période que nous analysons, à une lecture sérieuse succède toujours une lecture d'un genre plus léger. M. de la Cottière a donc repris les notes de ses souvenirs de voyage, et nous l'avons suivi au bourg de Chillon, célèbre par deux grandes infortunes, le comte Vala, victime de la cour indécise et dissolue du successeur débonnaire de Charlemagne; l'autre, beaucoup plus célèbre, Bonnivard, martyr de la liberté, enseveli dans un noir

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