tions auxquelles cette thèse a donné lieu, dans notre siècle, et les illusions de ceux qui s'imaginent que la science peut créer la vertu comme le bien-être, et qui rêvent une sorte d'âge d'or pour l'humanité, par suite du progrès des scien ces. M. Paul Saint-Olive, dont la verve satirique s'épanche parfois avec plus d'amertume, a eu le bonheur d'avoir tout à la fois, ce jour-là, les honnêtes gens et les rieurs de son côté. Bien que traitant des travers de son époque, il a su marcher sur les bourbiers de notre temps, sans y contracter de souillure. C'est qu'il avait derrière lui l'unanimité de l'opinion, heureuse de recevoir de sa muse une formule élégante et toujours prête à répéter l'écho de la conscience publique soulevée contre les scandales du jour. Cette veine, si riche et si facile, nous a prodigué les prémices de ses trésors, recueillis plus tard en un seul faisceau, sous le nom de Coups de plume. La Paix, satire inspirée par les réalisations de la Bourse, après la victoire de Crimée, vous a révélé la manière remarquable de M. Saint-Olive. J'ai voulu vainement oublier Turcaret: Avons-nous détrôné les marquis d'autrefois, On ne nous verra pas courber nos humbles fronts Je me révolte ici de voir au même rang Mais il a dans son gain trouvé sa récompense, Je comprendrais alors que la publique estime Est de combler le fond d'un vaste coffre-fort, Et tous les tripoteurs, qui rêvent d'entreprises, N'ont dans leurs froids cerveaux que d'âpres convoitises. Vous avez pleinement la facile ressource ( Peut-être, dira-t-on, que le triomphateur Sans beaucoup de dangers, ne devient pas vainqueur, Et que, dévalisé dans la grande bataille, Il risque trop souvent de mourir sur la paille? » On rencontre parfois, j'en conviens avec vous, Et si, pour quelques jours, il obtient du report, Le renouvellement de l'année est venu fournir à votre président l'occasion de vous rappeler les acquisitions que vous aviez faites, depuis la reprise de vos travaux, MM. SaintOlive, Le Normand et Borin. Mais avant que de s'occuper des vivants, M. M.-A. Péricaud a voulu évoquer des souvenirs honorables pour notre cité. Il a voulu montrer que, dans nos murs, les aptitudes les plus diverses s'étaient toujours trouvées réunies chez les mêmes hommes, et que la pensée de La Bruyère, d'après laquelle le soldat est brave, l'homme de robe savant, tandis que chez les Romains, l'homme de robe était brave, et le soldat savant, que cette pensée n'était pas vraie d'une manière absolué. La prétendue infériorité procède des institutions et non des hommes. C'est parce qu'il n'y eut plus de tribune pour le soldat, ni de champ de bataille pour l'homme de robe, qu'un jour vint où l'homme de robe fut réduit à la science et le soldat à la bravoure. « Si, en France, dit M. Péricaud, sous Philippe-le-Bel et sous Charles VII, il eût existé une juridic-tion qui rendit ses arrêts sur la place publique, il se serait trouvé aussi quelque orateur, soldat ou homme de robe, tel que Foy, Berryer ou Paul Sauzet, qui aurait vengé l'honneur des Chevaliers du Temple, dévoilé les forfaits du maréchal Laval de Retz, et qui, au lieu d'un bûcher, eût fait élever un autel à la vierge de Domremy. Et lorsque, plus tard, un ordre de choses nouveau eùt appelé tous les Français indistinctement à tous les emplois civils ou militaires, les talents se déclassant aussitôt, on vit se révéler de grands capitaines dans les rangs des hommes d'étude. C'est ainsi qu'un professeur de mathématiques et un docteur en droit ne tardent pas à se faire connaître parmi les plus grands capitaines de l'Europe. Et, pour ne pas sortir de l'enceinte de notre cité, nous voyons parmi nous deux jeunes hommes s'élever aux plus hautes dignités militaires, sans traditions et sans études préparatoires : l'un est le major-général Martin, fils d'artisan, élève des frères de la Doctrine chrétienne; l'autre, le maréchal Suchet, qui apportera, dans l'exercice du commandement militaire, l'esprit de calcul et les habitudes d'ordre qu'il a vu pratiquer dans les opérations du négoce de son père. » A cette même séance du 13 janvier, pour faire diversion à des considérations d'un ordre supérieur, M. de Jacob de la Cottière vous a communiqué le premier chapitre de ses Montagnes et Cathédrales, œuvre de fantaisie humouristique. Dans cette introduction, à l'exemple de l'oiseau qui essaie ses ailes, avant que de prendre son essor, le voyageur se livre à quelques réflexions originales sur le tourisme et sur les types plus ou moins grotesques dont les grands chemins sont émaillés. Il nous fait assister ensuite à un lever de soleil à travers les vasistas d'une diligence jonquille, et passe la frontière entre Fernex et Coppet, au milieu de ces rêveries drôlatiques. A la fin de la séance, M. Le Normand, nouvellement admis parmi vous, et à qui vous avez été heureux d'offrir l'hospitalité de vos réunions, vous a parlé de l'utilité des corps savants, centres d'activité intellectuelle que l'autorité supérieure se plait à couvrir d'une protection spéciale. Les hommes d'étude ont besoin, de même que les hommes d'affaires, d'agrandir leur action en empruntant à l'association le supplément de force qu'elle donne, et de féconder leur pensée par des contacts pleins de charme et de variété. Ces vérités, dont vous aviez reconnu déjà, par votre expérience personnelle, toute l'importance, recevaient une autorité nouvelle dans la bouche de l'ancien secrétaire perpétuel de l'Académie de Mâcon, qui a eu l'honneur d'y siéger, durant plusieurs années, à côté du vénérable Lacretelle, dont il a prononcé, dans une séance solennelle, l'éloge historique. En quittant, par suite d'un changement de résidence, ce poste éminent, M. Le Normand devait trouver tout naturellement une place distinguée parmi nous. Si la centralisation académique contribue à la prospérité des études individuelles, la variété dans les communications n'exerce pas une moins salutaire influence, parce qu'elle ranime l'attention et permet de l'étendre indéfiniment. Cet élément de succès n'a jamais fait défaut à nos séances, et, sans sortir de la période que nous analysons, à une lecture sérieuse succède toujours une lecture d'un genre plus léger. M. de la Cottière a donc repris les notes de ses souvenirs de voyage, et nous l'avons suivi au bourg de Chillon, célèbre par deux grandes infortunes, le comte Vala, victime de la cour indécise et dissolue du successeur débonnaire de Charlemagne; l'autre, beaucoup plus célèbre, Bonnivard, martyr de la liberté, enseveli dans un noir |