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Nous ne pouvons rien ajouter à un pareil éloge, sinon que le travail de M. Julien fut accueilli avec empressement par le Conseil de la société asiatique. Pour rendre cet ouvrage encore plus utile, l'auteur désirait de le compléter en y joignant le texte chinois; M. le comte de Lasteyrie voulut bien alors se charger de le faire lithographier à ses frais, et cette louable résolution doit exciter la reconnaissance de tous les Sinologues et des personnes qui prennent intérêt aux progrès de l'étude des langues asiatiques; car, parmi les obstacles qui se sont opposés jusqu'ici à l'avancement des connaissances de ce genre, l'on doit compter pour beaucoup la rareté des livres, et la difficulté de se procurer des textes à étudier.

Presque tous les livres classiques chinois du premier ordre sont connus en Europe, soit par des extraits, soit par des versions plus ou moins fidèles. Les SSe-Chou, qui forment la seconde classe des livres classiques, ont également été tous traduits; Mencius entre autres a été mis en latin par le P. Noël; mais cette traduction, ou plutôt cette verbeuse paraphrase, ne saurait donner une idée, même imparfaite, de l'auteur qu'elle devait reproduire, et dont le style est, au contraire, d'une simplicité et d'une concision remarquables. Nous allons en donner un exemple, en comparant la traduction de M. Julien avec celle du P. Noël.

Ouang tsaï ling yeou,

Rege stante-in Spiritûs septo,

Yeou lou yeou fo,

Cervæ, cervi quiete recumbebant,

Yeou lou tcho tcho,

Cervæ, cervi pinguedine-nitebant,
Pe niao ho ho.

Candide aves pennis-splendebant.

Voyons la traduction du P. Noël. « Toto opere sic celerrimè confecto, postea princeps Wen wain (Ouang) in septo, quod spirituale etiam vocatum fuit, circumquaque ad turritam speculam sito, sæpius animi relaxandi causâ exspatiabatur; et modo cervos cicures placidè et absque ullo metu quiescentes, formosâque pinguedine spectabiles; modo volitantes ciconias, miro plumarum candore collucentes, non sine magnâ animi sui voluptate aspiciebat. »>

On conviendra qu'une phrase comme celle que nous venons

de citer, est faite pour donner une idée défavorable de l'auteur chinois, plutôt que pour le faire juger et apprécier selon son mérite; et Mencius est sans contredit, de tous les philosophes chinois, le plus capable de plaire à des lecteurs européens. Son style est à la fois simple et élevé, concis et élégant. La forme du dialogue, qu'il a conservée à ses entretiens philosophiques, jette dans son ouvrage une variété qui plaît d'autant plus, qu'on est moins accoutumé à la rencontrer, même chez les meilleurs auteurs chinois. Sa philosophie est peut-être moins grave et moins austère que celle de Confucius; mais, par cela même, elle semble devoir plaire davantage. Il sait manier avec une adresse admirable l'arme du ridicule et de l'ironie, plus terrible souvent que l'indignation et la critique la plus amère. Il semble, en un mot, avoir pour le vice plus de mépris que d'horreur.

Sa manière d'argumenter est singulière : il feint la plupart du temps d'être ignorant, de chercher à s'éclairer par les lumières de ceux avec lesquels il converse; ils parlent sans qu'il leur conteste rien; mais en leur accordant leurs principes, il s'attache à les détruire peu à peu, et à leur en faire reconnaître à eux-mêmes la fausseté; ou bien il en tire des conséquences absurdes qui les réduisent au silence. Ses réponses sont ordinairement pleines de vivacité et d'énergie; et il ne ménage pas les princes et les ministres de son temps, qui ne feignaient souvent de le consulter, que pour avoir une occasion de faire l'apologie de leur conduite.

Le roi de Wei, un de ces petits princes dont les dissensions désolaient la Chine à cette époque, exposait avec complaisance à Meng-tseu, les soins qu'il prenait pour rendre son peuple heureux, et lui témoignait son étonnement de ne voir son petit État ni plus florissant, ni plus peuplé que ceux de ses voisins. << Prince, lui répondit le philosophe, vous aimez la guerre, permettez-moi d'y puiser une comparaison. Deux armées sont en présence; on sonne la charge, la mêlée commence, un des partis est vaincu: la moitié des soldats s'enfuit à 100 pas, l'autre moitié s'arrête à 50. Ces derniers auraient-ils bonne grâce à se moquer des autres qui ont fui plus loin qu'eux?—Non, répondit le roi; pour s'être arrêtés à 50 pas, ils n'en ont pas moins pris la fuite : la même ignominie les attend. —Prince, reprit vivement Meng-tseu, cessez donc de vanter les soins que vous prenez de plus que vos voisins; vous avez tous encouru les mêmes repro

ches, et nul de vous n'est en droit de se moquer des autres. Trouvez-vous, dit-il plus loin au même prince, qu'il y ait quelque différence à tuer un homme avec un bâton ou avec une épée? Non, dit le roi. - Y en a-t-il, continue Meng-tseu,

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entre celui qui tue avec une épée ou par une administration inhumaine? Non, dit encore le roi. Eh bien! reprit le philosophe, vos cuisines regorgent de viandes, vos haras sont remplis de chevaux; et vos sujets, le visage hâve et décharné, sont accablés de misère et sont trouvés morts de faim au milieu des champs ou des déserts. N'est-ce pas là élever des animaux pour dévorer les hommes ? Et qu'importe que vous les fassiez périr par le glaive, ou par la dureté de votre cœur! Si nous haïssons ces animaux féroces qui se déchirent et se dévorent les uns les autres, combien plus devons-nous détester un prince qui, devant par sa douceur et sa bonté se montrer le père de son peuple, ne craint pas d'élever des animaux pour le leur donner à dévorer? Quel père du peuple que celui qui traite si impitoyablement ses enfans, et qui a moins de soins d'eux que des bêtes qu'il nourrit! »

L'ouvrage de M. S. Julien réunit le double mérite de faire connaître à l'Europe ce livre du premier des philosophes chinois après Confucius, en même temps qu'il offre aux étudians, auxquels il est particulièrement destiné, l'avantage inappréciable d'un texte sur la correction duquel on ne peut élever aucun doute, puisqu'il est fidèlement calqué sur une des meilleures éditions chinoises. Ce texte est accompagné d'une version littérale, faite avec un tel scrupule, que l'auteur a constamment rendu un mot chinois par un mot latin, ou par plusieurs mots réunis par un tiret, sans rien changer à la construction. Enfin, on peut dire que M. J. n'a rien négligé pour que son ouvrage offrît aux étudians tous les moyens de se perfectionner rapidement dans l'intelligence des livres de Confucius.

Au reste, ce n'est point à nous qu'il appartient de louer un travail qui fait autant d'honneur au savoir et à la patience de M. J. Les hommes savans sont seuls compétens pour juger comme il faut tout le mérite d'un ouvrage aussi important. Eux seuls pourront apprécier le temps immense que M. J. a dû consacrer à ce travail, et les difficultés qu'il offrait. Et puisque la Société asiatique, sur le rapport qui lui en a été fait par une commission composée de juges aussi impartiaux qu'éclairés, a ordonné que

cet ouvrage fût imprimé sous ses auspices et à ses frais, nous sommes portés à croire que M. Julien recueillera dans les témoignages d'estime, et dans les éloges de tous les hommes érudits le prix si justement dû à ses travaux désintéressés. C. LANDRESSE.

5. SUR LA Conformité de L'ARABE OCCIDENTAL OU DE BARBARIE AVEC L'ARABE ORIENTAL OU DE SYRIE, par M. James GREY JACKSON; in-8°. av. un tabl. Paris; 1824; Dondey Dupré. (Extrait du Journal asiat., août 1824.)

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Tel est le titre d'une dissertation par laquelle l'auteur a voulu prouver que la différence que les savans ont cru reconnaître jusqu'à présent entre l'arabe de Barbarie et celui de Syrie, n'existe pas. L'opinion de M. Jackson est que ces deux dialectes arabes sont parfaitement semblables. Pour mettre le lecteur à portée de juger de leur identité, il a fait lithographier denx lettres écrites, l'une par l'empereur de Maroc aux négocians d'Agadin, et l'autre par un frère de ce prince à un juif qui lui servait d'agent à Maroc. M. le baron de Sacy, dans une lettre insérée à la suite de cette petite notice, observe que les deux lettres citées par M. Jackson, ne prouvent pas invinciblement l'assertion de ce dernier. Sans aucun doute, l'arabe de Maroc est le même langage que l'arabe d'Égypte et de Syrie, dans les livres; et quoique l'on y reconnaisse quelques différences, elles n'altèrent en rien le fond de la langue. Dans les lettres missives il n'en est pas tout à fait de même; les formes grammaticales sont un peu altérées dans l'arabe de Maroc; on y remarque des mots employés dans des acceptions inconnues aux Arabes de l'orient, et d'autres qui ont une origine étrangère et ne seraient point entendus au Caire on à Alep. Mais c'est surtout dans le langage ordinaire que cette différence est encore bien plus grande. Il ne faut, pour s'en convaincre, que jeter les yeux sur la Grammatica linguæ Mauro-Arabicæ de M. de Dombay; Vienne, 1800.

M. Jackson termine sa notice par une réplique adressée au rédacteur du journal asiatique, en réponse aux observations de M. de Sacy; sans combattre l'opinion de ce célèbre orientaliste, ni celle de M. de Dombay, il se propose néanmoins de prouver que l'arabe oral ou ordinaire occidental, ressemble à l'arabe oriental, et que celui qui comprend l'un comprend l'autre sans difficulté. Pour atteindre ce but, M. Jackson cite une lettre qui lui a été adressée du Havre par M. Labarraque, négociant fran

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çais, qui a résidé plusieurs années à Mogador, et qui parle parfaitement l'arabe. Il résulte de plusieurs entretiens que ce dernier aurait eus avec un équipage composé de Bengalis, en grande partie d'origine musulmane, de Musulmans de Syrie et autres Asiatiques, qu'il n'a pas eu plus de peine à les comprendre que les étrangers n'en eurent à l'entendre lui-même. Ce fait prouverait seulement, comme l'a avancé plus haut M. de Sacy, que l'arabe de Maroc est, quant au fond, le même langage que l'arabe d'Égypte et de Syrie; mais ce n'est pas une preuve irrécusable qu'il n'existe aucune différence dans la conversation, entre ces deux dialectes. Cette différence n'est pas assez grande pour des interlocuteurs ne parviennent, avec un peu de persévérance, à s'entendre, surtout lorsqu'ils appartiennent l'un et l'autre au commerce, ou à la navigation; car, en supposant même que M. Labarraque n'eût jamais eu de rapports avec des Arabes d'Egypte ou de Syrie, il n'est pas prouvé que les marins dont il parle fussent tout-à-fait étrangers à l'arabe de Barbarie. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'il existe entre les deux dialectes, pour les lettres missives, une différence que confirment les observations mêmes de M. Jackson (1). Quant à celle de la langue parlée, elle a été depuis long-temps reconnue par les orientalistes et les voyageurs. Il était d'ailleurs impossible que la langue ‹ arabe, qui est répandue sur un espace immense, n'éprouvât pas de ces variations de dialectes que l'on remarque même dans nos contrées d'une province à l'autre. X. B.

6. DE SONIS LITterarum GræcaRUM, tum genuinis, tum adoptívis, libri duo, auctore Gust. SEYFFARTH. Accedunt commentatio de litteris Græcorum subinde usitatis, dissertationes, index et tabulæ duæ, cum epistolâ Godofr. HERMANNI. In-8. Lipsiæ; 1824; Vogel.

Cet ouvrage contient un nouveau système de prononciation grecque qui diffère essentiellement de ceux qui ont été publiés jusqu'aujourd'hui. Nous le ferons connaître à fond dès que l'ouvrage nous sera parvenu.

(1) Voy. les pag. 5 et 6 de sa notice.

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