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de 55000 hectares de superficie que naît un fleuve français, la Garonne. Dans les Pyrénées orientales, au contraire, le Sègre, le principal des affluents de l'Ebre, prend sa source dans la Cerdagne française, terre élevée et froide, qui fut sans doute un lac à l'origine, et encore, au milieu même de la Cerdagne, la ville et le territoire de Livia forment-ils une enclave espagnole. Malgré ces irréguiarités, les Pyrénées sont pourtant la meilleure de nos frontières, car elles séparent non seulement deux nations, mais aussi deux pays différents.

II. Dupont Saint-Louis au Donon. La seconde partie de notre frontière continentale est tantôt naturelle, tantôt artificielle. Elle commence entre Menton et Vintimiglia, mais, jusqu'au massif où le Var prend sa source, elle a été tracée à l'avantage de nos voisins, les Italiens. C'est ainsi qu'ils possèdent la source et l'embouchure de la Roya, ainsi que les sources de la Vésubie, affluent du Var. Depuis le col Long jusqu'au mont Blanc, en passant par le col de Balme, c'est-à-dire entre la Provence, le Dauphiné et la Savoie d'un côté, et l'ancienne province du Piémont de l'autre, la frontière est à peu près irréprochable, car elle se compose de hautes cimes séparant nettement deux climats, deux bassins, celui du Rhône et celui du Pô, et deux peuples différents. Du mont Blanc au lac Léman, la limite suit la crête des Alpes du Chablais, entre la Savoie et le Valais, elle arrive au lac Léman à Saint-Gingolf, le quitte pour entourer sinueusement le territoire de Genève, coupe le Rhône à Chancy et arrive au Jura. La France et la Suisse ne suivent pas exactement cette chaîne de montagnes, elles s'ajustent par des lignes brisées et conventionnelles, qui tantôt enjambent, tantôt sont enjambées par la chaîne principale. Ainsi la France possède les sources de l'Orbe, qui se jette dans le lac de Neufchâtel, mais le bassin du Doubs ne lui appartient pas en entier et la frontière quitte et rejoint à diverses reprises cette rivière. Elle contourne les territoires de Porrentruy et de Bâle, et, lorsque commence le territoire de Belfort, touche à l'Alsace-Lorraine par un bornage artificiel qui ne respecte ni montagnes, ni cours d'eau, ni langues, ni traditions. C'est la guerre qui a ainsi délimité la France. C'est la guerre qui seule peut modifier ce tracé conventionnel. Au ballon d'Alsace, commence la chaine des Vosges dont la crête nous appartient jusqu'au mont Donon, pendant 62 kilomètres, et encore la cime du Donon appartient-elle à l'Allemagne.

En résumé, sur toute la partie Est de nos frontières, celle qui sépare la France de l'Italie, de la Suisse et de l'empire allemand, la frontière n'est naturelle qu'avec les Alpes, le lac Léman, certaines parties du Jura ou des Vosges. Partout ailleurs sont béantes de larges ouvertures soigneusement ménagées par l'ennemi.

III. Du Donon à Zuydcoote. C'est surtout au nord-est de la France, dans la troisième partie de nos frontières continentales, celle qui s'étend du Donon à Zuydcoote et nous sépare de l'Allemagne, du Luxembourg et de la Belgique, que la limite est mal tracée, et que, par suite de cette infériorité, les dangers qui nous menacent sont immenses: aucun obstacle naturel en effet ne pourrait arrêter une armée d'invasion, et, comme les obstacles artificiels sont encore insuffisants, la France, en cas de défaite, devrait s'attendre à un nouveau démembrement.

Cette frontière nord-est a 790 kilomètres de longueur. On peut la diviser en trois sections: A, frontière lorraine; B, frontière ardennaise; C, frontière du Nord.

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A. Frontière Lorraine. Cette frontière nouvelle, imposée par d'impitoyables vainqueurs, n'a rien de normal. Elle ne respecte ni les langues, ni les habitudes plusieurs fois séculaires, ni de glorieux souvenirs: mais ce que l'épée a noué peut se dénouer par l'épée. Cette ligne de démarcation tracée, de l'aveu même des Allemands, contre le principe des nationalités, part du Donon, passe entre les sources de la Vezouze et celles de la Sarre, coupe le chemin de fer de Strasbourg à la station d'Avricourt, le canal de la Marne au Rhin, suit la Seille pendant 20 kilomètres environ, franchit la Moselle entre Pont-à-Mousson et Novéant, passe entre Briey et Thionville, traverse la forêt de Moyeuvre, et arrive à 6 kilomètres des sources de l'Alzette: c'est-à-dire que toutes les places fortes qui nous défendaient de ce côté ont été retournées contre nous et que, jusqu'à nouvel ordre, une armée d'invasion pénétrerait facilement jusqu'à Paris.

B. Frontière Ardennaise. Depuis l'Alzette, la frontière se dirige sur le Chiers qu'elle traverse, enveloppe le territoire de Longwy, atteint de nouveau le Chiers près de Montmédy, file au nord-ouest pendant environ 50 kilomètres, franchit la Semoy, passe à travers la forêt des Ardennes, parallèlement à la Meuse, franchit cette rivière à 2 kilomètres au nord de Givet, descend vers le sud, et rejoint à l'ouest, l'Oise, dont elle laisse la source à la Belgique.

C. Frontière du Nord. La frontière du Nord proprement dite comprend le département du Nord tout entier. Elle part de l'Oise, coupe la grande Helpe à l'est d'Avesnes, la Sambre à l'est de Maubeuge, franchit les collines de Belgique, coupe l'Escaut au nord de Saint-Amand-les-Eaux, suit la Lys de Menin à Armentières, coupe l'Yser, remonte à l'ouest de Hondschoote, et aboutit à la mer du Nord, à Zuydcoote, entre Dunkerque et Furnes.

Les frontières ardennaises et du Nord n'ont pas varié depuis 1815. La déclaration de neutralité de la Belgique et du Luxembourg les a même fortifiées, mais, avec un ennemi qui prévoit l'hypothèse d'une violation de cette neutralité, il faut s'attendre à une irruption sur un point quelconque de nos lignes aussi cette partie de nos frontières doit-elle être surveillée et défendue avec autant de soin que la frontière lorraine.

La France n'a donc pas de bonnes frontières. Il faut que l'art supplée à la nature, et que, à coups de millions, d'importantes fortifications sortent de terre, et nous rendent notre sécurité compromise. On a si bien compris la nécessité de cette œuvre de restauration nationale que, au lendemain de nos désastres, on a essayé de fermer ces portes déplorablement ouvertes et de compléter les travaux dont l'expérience avait démontré l'insuffisance. Sans doute, il ne faudrait pas exagérer l'importance des fortifications, ni surtout s'imaginer que des murailles suffisent pour arrêter un ennemi vainqueur. Les gigantesques constructions des Chinois n'ont pas empêché les Tartares de conquérir la Chine. Les citadelles romaines du Danube et du Rhin n'ont pas empêché la grande invasion. Il ne faudrait donc pas que la France se crut sauvée à partir du jour où des forts d'arrêt tiendraient l'ennemi en respect à l'entrée de chaque route, au débouché de chaque vallée; mais, comme l'écrivait Napoléon à Sainte-Hélène : « Les forteresses sont le seul moyen de retarder, entraver, affaiblir, inquiéter un ennemi vainqueur. Elles donnent à une armée inférieure un champ d'opérations plus favorable pour se maintenir et empêcher l'armée ennemie d'avancer, et des occasions de l'attaquer avec avantage, enfin les moyens de gagner du temps pour permettre à des secours d'arriver. » Il importe donc de construire des forteresses qui renforcent les frontières naturelles et couvrent les frontières artificielles. PAUL GAFFAREL.

(A suivre.)

Doyen de la Faculté des lettres de Dijon.

UN DESSEIN FRANÇAIS

SUR ALGER ET TUNIS

SOUS LOUIS XIII

La Revue de Géographie a publié récemment (livraison de janvier 1882, t. X, p. 80), un fragment de Malherbe, curieux au point de vue de la géographie, fragment que nous reproduisons pour le remettre en mémoire à nos lecteurs:

Tantôt nos navires, braves
De la dépouille d'Alger,
Viendront les Mores esclaves
A Marseille décharger;
Tantôt, riches de la perte
De Tunis et de Biserte,
Sur nos bords étaleront

Le coton pris en leurs rives,
Que leurs pucelles captives
En nos maisons fileront.

J'en rapprocherai une strophe de l'ode, très connue d'ailleurs, adressée par Malherbe au roi à propos de la rébellion des Rochelois, et par conséquent écrite en 1628. La voici :

Va ne diffère plus tes bonnes destinées;
Mon Apollon t'assure, et t'engage sa foi,
Qu'employant ce Tiphys, Syrtes et Cyanées'
Seront havres pour toi.

Il semble que ce ne soient pas là des mots en l'air et que ces deux passages, rapprochés l'un de l'autre, doivent être l'expression d'une idée qui avait alors cours en France, sans doute. Cette supposition devra se changer en certitude, lorsqu'on aura lu les quelques pages qui suivent, et qui, si courtes qu'elles soient,

1. Voir pour l'explication de ces mots l'article de M. Drapeyron (Revue des Deux-Mondes, 1 nov. 1876).

suffisent à prouver que le projet français sur Tunis ne date point du XIXe siècle.

L'indication s'en trouve dans la Bibliographie tunisienne de M. de Marsy (1869), et la publication en est faite d'après le manuscrit français 16167, de la Bibliothèque nationale1. Ce manuscrit n'est point daté, mais il ne renferme que des pièces historiques et diplomatiques du xvi et du XVIIe siècle, rangées par ordre chronologique. La pièce dont il s'agit se trouve entre une pièce de l'année 1623, et une autre du mois de mai 1628. Nous sommes donc portés à conjecturer qu'elle doit être de 1627 ou de 1628, et qu'il faut la rapprocher de l'idée exprimée à plusieurs reprises par le poète Malherbe2.

Le fragment est-il inédit? Nous avons tout lieu de le croire il sera de toute façon intéressant par cela même qu'il expose une question d'un intérêt actuel. Il occupe le feuillet 300-307 du dit manuscrit. C'est un rapport adressé par un Marseillais, Blaise Reimond Merigon, sur lequel nous n'avons nul renseignement 3. C'est vraisemblablement un important négociant de la cité s'intéressant particulièrement aux questions qui pouvaient favoriser le commerce de Marseille dans la Méditerranée, et sur la côte septentrionale de l'Afrique. Son rapport indique la possibilité, la nécessité même pour l'avenir de la France, d'établir un port sur la côte de l'Algérie actuelle, à peu près à l'endroit où s'élève Philippeville*.

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AU ROY.

Au pays d'Affrique y a un port de mer ou se peut dresser une forte grande armée navalle et se pourra dresser une forteresse qui subiugera les Royaumes d'Alger et de Thunis.

1. Un manuscrit de la bibliothèque de l'Arsenal, exactement semblable, et portant le n° 4742, contient le même document.

2. M. de Marsy, en 1869, a désigné ce fragment sous le titre de « Rapport adressé... au Roy Henry IV ou Louis XIII. » En fixant la date comme nous venons de le faire, on ne peut plus douter que ce rapport ait été adressé à Louis XIII.

3. Plusieurs lettres, écrites successivement à MM. les archivistes des Bouches-duRhône et de la ville de Marseille, n'ont abouti, après de bienveillantes recherches de leur part, à aucun résultat. Qu'ils reçoivent néanmoins nos remerciements.

4. Nous nous sommes d'autant plus décidés à publier cette pièce qu'il n'y est fait aucune allusion dans un travail intitulé « Relations entre la France et la régence d'Alger au XVIIe siecle » dont l'auteur, M. H.-D. de Grammont, aurait certainement tiré parti s'il l'eût connu : il est question de ce travail plus loin (voir la Bibliographiej. 5. Nous avons scrupuleusement conservé dans cette publication l'orthographe de ce manuscrit, comme il convient toujours en pareille matière: on ne s'étonnera donc pas de voir plusieurs fois un même mot avec une orthographe différente.

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