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années et reviendront de même pendant les cinquante dernières comme ils sont maintenant.

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11. Cette coupure faisant le lit du grand Rône plus court de plus de 400 toises que le lit du petit, les eaux iront bien plus vite dans le grand qu'elles ne vont maintenant dans le petit, d'où suivra nécessairement que le lit de ce petit ne recevant plus tant d'eau à beaucoup près, se rétressira, cela est indubitable : ce rétressissement pourra même devenir si considérable qu'il pourrait nuire un jour à la navigation en ce cas, on la rétablira en raccourcissant ce lit, de la manière que je propose de raccourcir celuy du grand.

12. La navigation du grand Rône presque perdue se rétablira par la grande quantité d'eau qu'il reprendra de plus et par l'abandonnement du contour du Bras-de-Fer, où l'attente des différents vents nécessaires pour le contourner a souvent arrêté les barques des trois mois entiers, ce qui a quelque fois causé des retardemens préjudiciables aux desseins des armées navales qui attendaient à Toulon, leurs munitions arrêtées en chemin par cet inconvénient; au lieu que ce bras étant coupé, telle barque pourra faire six voyages d'Arles à Toulon dans le tems qu'elle n'en fait qu'un à présent: avantage considérable pour le roy et pour ses sujets.

13. Ainsi le roy, les peuples de Provence et de Languedoc, les fermiers généraux, les propriétaires des salins de Peccais auront tous pour un tems ce qu'ils souhaitent. Je dis pour un tems, parce que les débordemens près de la mer rehaussant continuellement et promptement les terres où ils s'étendent, celles qui en sont garanties par des digues comme les salins de Peccais demeurent plus basses, et deviennent peu à peu marais ou étangs inépuisables, sans autre remède enfin que celui de les abandonner aux débordements1.

14. - Si immédiatement après la coupure du Bras-de-Fer la rapidité de l'eau se trouvait si grande que l'on ne pût naviguer commodément, il faudrait se servir quelque tems du petit Rône.

15. Les peuples du Languedoc qui habitent le long du petit Rône, les fermiers généraux et les propriétaires des salins de Peccais doutant de la promptitude des effets de la coupure du Bras-de-Fer, proposent de prolonger en même tems la haute digue jusqu'au lit des eaux ordinaires, prétendant par ce moyen rejeter d'abord une partie des grandes eaux dans le grand Rône; et leur entêtement lådessus est si grand, que si on ne fait pas ce prolongement, ils rejetteront tous les désordres que les grandes eaux pourront faire sur ceux qu'ils croiront avoir empêché l'exécution de ce projet. J'y aquiesse donc par cette raison, et parce que ne donnant pas aux grandes eaux une entrée plus étroite que celles qu'elles y ont depuis longtemps un peu au-dessous, à l'endroit où les digues sont aussi près l'une de l'autre, il ne produira aucun changement sensible ny du côté de Provence, ny du côté de Languedoc, d'autant plus que les eaux entrant avec plus de rapidité dans le petit Rône que dans le grand, elles reprendraient bientôt en profondeur ce que le prolongement de digue leur ôterait en largeur.

16. La coupure du Bras-de-Fer remédie bien aux premières et deuxièmes causes des débordemens, mais non à la troisième. Pour y remédier à l'avenir,

1. En marge Avis aux dessécheurs de marais près des embouchures de rivières à la mer.

il faudrait replanter ou resemmer des bois sur les montagnes, que l'on a dépeuplées, et où il y a encore de la terre: on n'y aurait pas manqué et on n'y manquerait pas chez les nations qui ont plus à cœur le bien de l'état, c'est-àdire l'honneur de leur réputation à la postérité, que la fortune présente.

17. Les causes des inondations subsistant à perpétuité, on doit avoir des vues perpétuelles dans les travaux que l'on fait pour s'en garantir; pour cet effet, les digues doivent être fort éloignées l'une de l'autre, plus vers la mer qu'ailleurs, et tellement larges ou épaisses qu'elles puissent être rehaussées au besoin; je ne prétends pas pour cela qu'on détruise les digues faites pour les refaire à neuf comme je les propose; je prétends seulement que lorsqu'il faudra réparer quelques parties, les réparations se fassent en vue de les éloigner l'une de l'autre, et de les aligner droitement autant que faire se pourra : ruinant peu à peu tous les contours qui sont sûrement cause de la plupart des désordres, et qui contribuent aux inondations: par exemple, lorsqu'il faudra réparer les digues des environs de Fourques, le bon parti à prendre serait de les transporter suivant les allignemens1..., observant de les épaissir assez pour recevoir les rehaussements nécessaires dans les suites.

18. De même pour maintenir la navigation en bon état durant les eaux ordinaires et les basses, il faut, en réparant les bords ordinaires, se proposer de les aligner peu à peu droitement, autant qu'il est possible, en vue de rapprocher ceux des endroits où le Rhône a trop de largeur, d'égale distance à ceux des endroits où l'eau s'entretient toujours d'une profondeur convenable2. 19. La règle que je propose ici détruit les épis ou billots..... si difficiles à bien placer qu'au lieu de bien faire, ils causent ordinairement du désordre audessous d'eux.

20. Les affaires de cette importance ne devraient pas dépendre des peuples qui, voulant conserver leurs terres par des travaux mal faits et mal situés, gâtent toutes les rivières navigables. Elles demandent une vue supérieure et générale qui établisse des lois, et pour les faire observer des directeurs capables de ce dont il s'agit, et assez désintéressés pour n'avoir jamais d'autre vue que celle du bien général.

Fait à Montpellier, le 1er janvier 1710.

NIQUET 3.

Ce projet fut modifié quelque peu dans l'exécution, mais conformément aux principes généraux si nettement établis, et dont, aujourd'hui mème, les ingénieurs de la navigation du Rhône peuvent encore faire leur profit. Toutes les prévisions de Niquet se trouvèrent réalisées dès 1712. Mais le lecteur aura remarqué qu'il ne prétendait pas faire un ouvrage éternel. Quels travaux

1. Des chiffres renvoient à un devis, qui n'est pas joint au mémoire.

2. C'est en abrégé le plan des travaux en cours d'exécution sur le Rhône. Niquet ne pouvait guère penser à un canal latéral de navigation.

3. Arch. Nat., etc. G7 310. Mémoire autographe.

humains peuvent triompher de l'action lente, mais toute-puissante des grandes lois naturelles qui régissent le cours des fleuves? Que la pente soit suffisamment modifiée par les alluvions, le petit Rhône tendra de nouveau, et rapidement, à s'accroître, et si cet accroissement, comme il est probable, est regardé encore comme un désastre, il n'y aura pas autre chose à faire qu'à reprendre le projet de Niquet, et à l'appliquer suivant les circonstances. Il fautbien se dire, en effet, que, si la science moderne a des moyens d'exécution incomparables, le génie des grands travaux publics est de tous les siècles : il dérive de ce bon sens géographique qui a fondé Marseille, Alexandrie, creusé la Fossa Mariana, tracé d'une main sûre le canal de jonction des deux mers. Si l'histoire géographique du Rhône était plus exactement connue, l'on éviterait bien des entreprises inutiles, on rejetterait bien des projets aventureux qui tant de fois ont échoué. Au reste, les vrais ingėnieurs ne négligent pas la lecture des anciens Mémoires, s'ils n'en citent pas toujours les auteurs. Je pense que, si jamais le canal maritime de Bordeaux à Cette était exécuté, Vauban pourrait réclamer quelque chose de la conception. Les idées de Niquet trouveront peut-être, elles aussi, de nouvelles applications il n'est qu'un élève de Vauban, mais un élève qui, sur un point du moins, a dépassé son maître, car il n'a pas cru que les embouchures du Rhône fussent << incorrigibles, » et il a su demander directement à la nature les moyens de vaincre la nature elle-même.

H. MONIN.

MOUVEMENT GÉOGRAPHIQUE'

Discussion au Sénat sur la colonisation et sur le Tongking.

chine. Brazza

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La Chine et la Russie. Les Français sur le Niger. - Départ de M. de
L'émigration allemande.

Occupation des Nouvelles-Hébrides.

la Société de Géographie de l'Est.

Madagascar.

L'Espagne en Océanie.

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I

Le 13 mars dernier, nos sénateurs ont assisté à une brillante. discussion sur la politique coloniale. M. de Saint-Vallier venait de rappeler, aux applaudissements de ses collègues, la colonisation par la France de la Louisiane, du Canada et de l'Inde; il avait montré que si notre pays est tenu en Europe de se recueillir, il a le droit et le devoir de se montrer en quelque sorte plus expansif en Afrique et dans l'Extrême-Orient. M. Challemel-Lacour, ministre des affaires étrangères, a répondu en excellents termes à son collègue. M. de Saint-Vallier, a-t-il dit, a signalé la nécessité d'une politique coloniale pour la France. Il a établi avec beaucoup de force qu'au point de vue de son autorité de grande puissance, comme au point de vue de ses intérêts commerciaux et maritimes, la France avait des obligations auxquelles elle ne saurait se dérober. La république hérite de traditions auxquelles il ne lui est point permis de faillir... Une nation telle que la France ne saurait, sans s'affaiblir, renoncer à exercer au dehors une influence que les peuples ont été si longtemps accoutumés à respecter. Il lui serait d'autant plus difficile, il serait d'autant plus dangereux pour elle de renoncer, à l'heure qu'il est, à cette influence, que le bruit de ses revers, aussi éclatant que l'avait été celui de sa gloire, a donné à ses adversaires de toute nature l'occasion de proclamer jusqu'aux antipodes que la France est déchue, affaiblie, presque sans remède, ou du moins pour longtemps amoindrie, et qu'elle serait désormais hors d'état de maintenir ou de reprendre au dehors l'action qu'elle avait exercée; et ce bruit a disposé les populations éloignées, perdues aux extrémités du monde, trop ignorantes pour avoir

1. Bien que remis de son indisposition, notre éminent collaborateur M. Richard Cortambert a encore besoin de repos et a prié M. L. Delavaud de le suppléer encore ce mois-ci ̧

REVUE DE GEOGR.

AVRIL 1883.

19

compris les efforts que nous avons faits pour découvrir et mettre en valeur les ressources de la France, ce bruit les a disposées, dis-je, à accueillir ces exagérations et à chercher ailleurs l'appui qu'elles étaient habituées à demander et à trouver chez nous. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de dire que la France n'a rien perdu de sa vitalité et qu'il ne tient qu'à elle de reprendre, par une conduite à la fois ferme et patiente, la place à laquelle elle a droit et qui n'a point cessé de lui appartenir. Il est très vrai que la France rencontre aujourd'hui sur tous les marchés des continents des rivalités qu'elle ne connaissait pas; il est très vrai qu'à mesure que les peuples développent leur industrie et étendent leur commerce, notre pays est obligé de chercher et de trouver au dehors de nouveaux débouchés. Nous nous associons aux observations que l'honorable M. de SaintVallier a présentées au Sénat, et nous avons l'espoir qu'en pratiquant la politique qu'il nous a recommandée, nous obtiendrons toujours le concours des pouvoirs publics.

Faisant quelques observations sur ce discours, le Temps, tout en en approuvant les tendances, se demande si la force d'expansion de notre pays est bien à la hauteur de la tâche qu'on lui indique. La première condition de la colonisation n'est-elle point un excédent de population? Enfin, si à l'étranger nous luttons avec peine contre la concurrence de nos rivaux, c'est que ceux-ci produisent à meilleur compte que chez nous, c'est qu'en France la main d'œuvre est trop chère. Nous ne nierons point la force de ces objections et la gravité du mal qu'il faut combattre; mais, sans vouloir examiner ici et résoudre en quelques lignes les questions si complexes de l'émigration, de la faible natalité, de la crise de l'industrie et du prix de la main d'œuvre, sans vouloir faire de la fondation des colonies une panacée universelle pour tous les maux dont souffre le corps social, c'est dans la colonisation que nous voyons le moyen d'augmenter la natalité, puisque un peuple qui a des possessions d'outre-mer sait où envoyer ses enfants et ne craint pas de les voir mourir de faim sur le continent où ils se partageront un maigre héritage. C'est la colonisation qui ouvrira à notre industrie de nouveaux débouchés et rétablira l'équilibre rompu entre l'offre et la demande, et par là empêchera, dans une certaine mesure, les grèves causées parfois par un excédent de production, et rendra nécessaire un large développement du travail national.

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C'est le Tongking qui avait motivé la question adressée par M. de

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