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LES FRONTIÈRES

ET

(BODLILIBR

PERIODICALS

LES NOUVELLES DÉFENSES DE LA FRANCE

PREMIÈRE PARTIE

Les frontières.

La France est petite. Elle n'occupe que la deux cent cinquantecinquième partie du globe, les mers non comprises. Depuis les désastres de 1870-1871, notre sol n'est plus que de 52 857 200 hectares, avec moins de 37 millions d'habitants. L'empire russe, comme superficie, vaut 41 fois la France, l'empire anglais 40, l'empire chinois 19 à 20, les États-Unis 17 à 18, le Brésil près de 16. La Scandinavie nous dépasse de 23 millions d'hectares, l'Autriche-Hongrie de 9 à 10 millions, l'Allemagne de 1 200000. La France n'est donc plus la Terre Major, que vantait l'auteur de la Chanson de Roland, mais l'Afrique septentrionale prolonge, au delà de la Méditerranée, le territoire national. L'Algérie a déjà 67 millions d'hectares, avec l'espoir de déborder au couchant sur le Maroc, au levant sur la Tunisie, au sud peut être jusque dans le Soudan. Ces deux Frances réunies comptent déjà 120 millions d'hectares, la 113me partie de la terre, et elles ne peuvent que grandir. Nous sommes toujours la doulce France; nous redeviendrons peut-être la Terre Major.

Si la France est petite, elle est admirablement située à l'occident de l'Europe, baignée à la fois par la Méditerranée et par l'Océan, entre les pays du nord et ceux du midi, en face de l'Afrique et de l'Amérique, elle est, en quelque sorte, le lien des nations opposées, et la principale voie du commerce général de l'humanité. Un des plus illustres géographes de l'antiquité, Strabon, avait déjà remarqué les avantages de cette situation, et pressenti la gran

REVUE DE GÉOGR. JANVIER 1883.

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deur future du pays qui s'appelait alors la Gaule: «Il existe une correspondance en quelque sorte symétrique entre les différents fleuves de la Gaule et par suite entre les deux mers intérieure et extérieure. Pour peu qu'on y réfléchisse, cette circonstance constitue le principal élément de prospérité du pays, car elle facilite entre les différents peuples qui l'habitent l'échange des denrées... On serait même tenté de croire ici à une action directe de la Providence, en voyant les lieux disposés non pas au hasard, mais d'après un plan en quelque sorte raisonné. »

Il est vrai que la France, qui touche à tant de peuples différents, a, de tout temps, excité les convoitises ou les jalousies de ses voisins, et que de grandes précautions sont indispensables pour assurer sa frontière.

Il existe plusieurs sortes de frontières, des naturelles et des artificielles. Les meilleures frontières naturelles sont la mer et la montagne. Or, trois mers, la mer du Nord, l'Atlantique et la Méditerranée séparent notre pays de l'Angleterre, de l'Amérique et de l'Algérie. La chaîne des Pyrénées se dresse comme un mur entre la France et l'Espagne. Les Alpes occidentales sont jetées entre l'Italie et notre patrie, le Jura trace la démarcation entre la Suisse et la France. Mais ces frontières ne sont pas exactement tracées, et il existe sur divers points des lacunes et des entraves regrettables. Quant aux frontières artificielles, tracées au hasard de la politique, et parfois d'une façon insensée, en dépit de la nature, malgré les convenances politiques et en désaccord avec les sentiments nationaux, nous en possédons également. Nous en possédons trop. Tout le nord-est de la France du côté de la Belgique, du Luxembourg et de l'Allemagne, est comme une porte ouverte à l'invasion. Nous n'avons plus entre les mains les clefs de notre maison. De là la nécessité de connaître et d'améliorer, ou tout au moins de défendre cette frontière.

On a comparé la France à un hexagone dont les six angles auraient pour sommet, celui du nord le village de Zuydcoote à treize kilomètres de Dunkerque; celui du nord-est, le mont Donon dans les Vosges; celui du sud-est, le pont Saint-Louis près de Menton; celui du sud, le cap Cerbère; celui du sud-ouest, l'embouchure de la Bidassoa et celui de l'ouest, le cap Corsen. De ces six fronts, trois appartiennent aux frontières maritimes et présentent une longueur totale de 2560 kilomètres, et trois aux frontières continentales avec un

développement de 2,520 kilomètres. Les frontières de mer et de terre se répartissent donc à peu près également. Nous les étudierons les unes après les autres.

Frontières maritimes.

I. De Zuydcoote à la pointe de Corsen. - La première partie des frontières maritimes de la France s'étend de Zuydcoote à la pointe de Corsen. Elle est baignée d'abord par la mer du Nord et ensuite par la Manche, on peut la diviser en six sections: A, côtes de la mer du Nord; B, côtes de la Manche jusqu'à la Somme; C, entre Somme et Seine; D, Calvados; E, Cotentin; F, còtes septentrionales de Bretagne.

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A. Côtes de la mer du Nord. Cette côte a 80 kilomètres de longueur. Elle est plate, basse, bordée d'une triple rangée de dunes. Comme la pente du sol est très faible, la mer en se retirant laisse à découvert un large espace, l'estran. Le sable fin, enlevé par le vent du large, marche à l'assaut des terres, et envahit la région cultivée, mais on a arrêté sa marche en semant un roseau, l'oyat (arundo arenaria), dont les longues racines retiennent les sables. Au delà de ces dunes s'étend un espace d'environ 40000 hectares, dont le niveau est inférieur à celui de la mer. Ces plaines furent jadis un golfe maritime, puis un marais; les habitants ont élevé tant de dunes et creusé tant de fossés ou watergands qu'ils ont arraché le pays des wateringues à l'eau croupissante. C'est à partir du vir siècle qu'on commença ces gigantesques travaux de défrichement. Saint-Omer, aujourd'hui à 33 kilomètres du rivage, était alors au bord d'un lac salé communiquant avec un golfe par le détroit de Watten. Le seul grand port de cette partie des côtes françaises est Dunkerque. Encore les vaisseaux de haut bord ne trouvent-ils un refuge que dans la rade, abritée contre les lames par le Brak, banc de sable marin parallèle au rivage. Gravelines et Calais sont menacés par l'invasion des sables, et seraient promptement comblés sans les écluses de chasse qu'il faut entretenir à grands frais. Au delà de Calais et à partir de Sangatte, la côte se relève et l'on voit se dresser des falaises crayeuses dont les plus importantes sont le Blanc-Nez (c'est-à-dire le Blak ness ou cap noir), et le GrisNez (Crag ness ou cap des Falaises). L'une et l'autre sont rongées par les flots. Aussi bien les côtes anglaises reculent également, et

c'est ainsi que s'est formé, dans la suite des siècles, le fameux Pas-deCalais. Ce détroit fut jadis un isthme qui se continue sous les flots et qui même dresse encore presque à fleur d'eau deux de ses collines, l'une, le banc de la Varne, à 20 kilomètres d'Angleterre, l'autre, le banc du Colbar, à 15 kilomètres de France. Aussi certains ingénieurs ont-ils formé le projet de profiter de ces deux bancs de craie pour jeter un pont colossal au-dessus de cette mer qui n'est plus qu'un fleuve immense. D'autres ont proposé d'aller chercher jusqu'à 125 mètres au-dessous du niveau des eaux un banc de craie grise, au travers duquel on forerait un souterrain de 48 kilomètres. Ces projets sont gigantesques, mais le XIX siècle ne s'achèvera sans doute pas avant qu'ils ne soient réalisés.

B. Côtes de la Manche jusqu'à la Somme. Au cap Gris-Nez le rivage tourne au sud, le détroit s'élargit et devient une mer, la Manche, mer sans profondeur et dangereuse par ses tempètes. Cette côte est d'abord bordée de falaises escarpées. Peu après Boulogne commence une longue dune qui ne s'achève qu'en Normandie. Elle est ébréchée par trois golfes sablonneux où tombent la Canche, l'Authie et la Somme. Le sable gagnait chaque année de 20 à 30 mètres sur le continent; mais l'humble oyat a arrêté ses progrès et une immense forêt de pins commence à grandir, qui sera la meilleure des défenses contre les empiètements de la mer. Entre l'Authie et la Somme s'ouvrait jadis un golfe, semé d'îles crayeuses, qui recevait ces deux fleuves. A force de canaux et de digues, les îlots se sont soudés aux îlots, la boue liquide s'est tassée en un sol ferme, et 20 000 hectares ont été gagnés sur la mer. C'est ce qu'on nomme le Marquenterre (mare in terra). Le meilleur port de la côte est Boulogne, protégé au large par un banc de sable, la Bassure de Baas, qui rompt la force des vagues, et pourrait, muni d'un brise-lames, abriter des flottes entières. Ambleteuse, Etaples, Berck. Le Crotoy et Saint-Valéry-sur-Somme n'ont qu'une importance secondaire.

C. Entre Somme et Seine. - Entre ces deux fleuves, la côte, dite du pays de Caux, se dirige du nord-est au sud-ouest en formant deux arcs de cercle dont l'un est concave et l'autre convexe. Elle est constituée par des falaises crayeuses, dont quelques-unes ont plus de cent mètres de hauteur. Attaquées par les vagues de la mer, minées en arrière par les cours d'eau venant de l'intérieur, ces falaises se désagrégent lentement, puis s'écroulent par grandes masses, sans

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