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L'ALGÉRIE

HISTOIRE, CONQUÊTE ET COLONISATION

PAR M. PAUL GAFFAREL

Nous ne nous compromettrons guère en disant que MM. Firmin Didot viennent de publier l'ouvrage le plus complet, le plus attrayant qui ait encore paru sur l'Algérie.

En s'adressant à M. Gaffarel, doyen de la faculté de Dijon, notre collaborateur assidu, un historien et un géographe qui a fait si souvent ses preuves en ces matières, un ami si chaleureux et si clairvoyant de l'Algérie, les éditeurs ont été bien inspirés, tout le monde en conviendra.

Ils voulaient nous donner un livre illustré. Là précisément pouvait être l'écueil. Ils étaient exposés à tomber dans la banalité. C'eût été, il est vrai, la première fois que les Didot auraient donné dans le piège. Ils nous disent fort justement:

« Fidèles à notre manière de faire, nous avons voulu que le sujet de l'ouvrage portât en lui-même le germe de son illustration, que de la combinaison des divers éléments de gravures, qui permettent maintenant de rendre le fait historique dans toute sa vérité, de représenter la nature dans tout son pittoresque et les productions de l'art et de l'industrie dans toute leur splendeur, il résultât comme un livre à côté du livre, l'un expliquant l'autre, et se contrôlant mutuellement. >

C'était beaucoup promettre. Mais ils ont tenu parole. Ils nous offrent bien, d'après des documents authentiques, les sites les plus caractéristiques de l'Algérie, les personnages les plus marquants du côté des vainqueurs et du côté des vaincus.

Signalons tout spécialement des cartes distinctes des provinces d'Alger, de Constantine et d'Oran, et quatre magnifiques chromolithographies, à savoir: 1° Types des costumes du littoral africain au xvre siècle, d'après Vermeyen, peinture de M. Legrand, dessin de M. Waret, lithographie de M. Nordmann; 2o Le Gourbi du Kabyle, par les mêmes.

3o La Tente de l'Arabe, par les mêmes;

4o Architecture mauresque, type algérien, dessin de M. Garcia.

Les gravures hors texte, très nombreuses, les gravures dans le texte, qui se rencontrent presque à chaque page, ne laissent rien à désirer pour le fini de l'exécution.

Revenons à l'œuvre personnelle de M. Gaffarel.

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L'Index bibliographique, qui ne comprend pas moins de quatorze pages in-4o, est le plus complet qui existe concernant l'Algérie; il permet aux lecteurs avides, à ceux que 700 pages de texte ne sauraient satisfaire, d'en apprendre encore plus long.

Une introduction substantielle nous retrace l'histoire de l'Algérie avant 1830, et l'histoire résumée des relations entre la France et l'Algérie avant l'expédition de 1830. Parmi les faits qui sont relevés, sinon révélés, mentionnons le projet de Charles IX sur Alger: ce roi voulait, paraît-il, installer sur la côte d'Afrique le duc d'Anjou, son frère, celui qui devait régner un instant en Pologne, puis nous revenir sous le nom de Henri III; c'était peu de mois avant la SaintBarthélemy. Que n'était-il à Alger ou à Varsovie, la veille de cet horrible coup d'État?

M. Gaffarel, arrivé au cœur de son sujet, nous retrace l'histoire de la conquête. Le demi-siècle qui s'est écoulé depuis le débarquement des Français à Sidi-Ferrück, se divise pour lui en trois périodes.

Dans la première, qu'il appelle la résistance turque, on voit succomber sous les coups des Français, l'état-major ottoman, mobile couronnement de l'Odjéac, qui, depuis le XVIe siècle, exploitait le pays : c'est le dey d'Alger qui, battu à Staoueli, forcé dans Alger même, son repaire, s'embarque et se retire à Naples; c'est le bey de Constantine, qui, vaincu après deux sièges mémorables, reste longtemps errant et finit par être interné à Alger même, où il est mort en 1850. A Alger, comme à Constantine, c'est l'antre de Cacus qui lâche sa proie :

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Vers 1837, cette dernière couche de la population algérienne, qu'on peut appeler la couche ottomane (mamelucke serait plus exact), la moins profonde, élément parasite, sorte de badigeon, a disparu. Une nouvelle période vient de s'ouvrir la résistance arabe. On sait que les Arabes, à la suite de la prédication de l'Islam, avaient envahi l'Afrique septentrionale. Ce fait datait de l'an 647 environ. On pouvait donc les considérer comme étant chez eux dans l'Algérie qu'ils occupaient depuis douze siècles. Nous verrons tout à l'heure les restrictions qu'il convient de faire à ce sujet. Abd-el-Kader, fils d'un marabout, se disant, sans trop de preuves, descendant de Fatime et de Mahomet, personnifie au plus haut point cette phase. C'est l'ère des croisades qu'il semble rouvrir. Or, il faut observer qu'Abd-el-Kader, qui trouva assistance auprès de l'empereur du Maroc (bataille d'Isly, bombardement de Tanger et de Mogador), ne put rien obtenir des Kabyles il se mit vainement en rapport avec eux; leur organisation sociale et politique le surprit et il resta lui-même pour eux une sorte d'énigme. La guerre de la France contre Abd-el-Kader est le point culminant de la lutte : c'est le temps des grandes opérations, des combinaisons stratégiques étendues. Nous avons enfin rencontré un adversaire digne de nous, qui sait profiter de ses avantages topographiques, et qui l'emporte d'ailleurs sur nous en légèreté, sinon en solidité. De notre côté, un chef qui, par sa ténacité, son esprit d'observation, sa longue expérience, finit par devenir le maître de la fortune. Autour de Bugeaud se groupent les vaillants fils du roi Louis-Philippe, les généraux les plus brillants de la monarchie de Juillet (Changarnier, Lamoricière, Bedeau, Cavai

gnac, etc.,) et les maréchaux les plus vigoureux du second empire (Pélissier, Canrobert, Mac-Mahon). C'est en Algérie, et en ce temps là, que, par les habitudes militaires contractées, par la tactique et la stratégie adoptées en face d'Abd-el-Kader, se préparent nos succès et nos revers ultérieurs en Europe.

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lei il ne s'agit plus d'un simple badigeon. La résistance arabe ne cesse pas absolument avec la reddition de l'émir. L'émir lui-même a pu reconnaître, dans la défaite de l'Isly, le doigt de Dieu, la condamnation de sa propre cause; il a pu se retirer dans cette Syrie, ce paradis que ses ancêtres avaient envahi avant de pénétrer en Afrique. La race arabe résista encore en Algérie, là où la résis

tance était possible. Après Abd-el-Kader, le représentant de l'aristocratie arabe, était venu Bou-Maza, le représentant de la démocratie arabe, moins brillante. Il se soumit à son tour. Mais l'histoire doit enregistrer encore l'insurrection du Sud-Oranais (1864), les tentatives de Si-Lala, l'expédition d'Aïn-Chaïr, les entreprises toutes récentes des Ouled-Sidi-Cheik.

M. Gaffarel donne à la troisième période l'appellation de résistance nationale. Ce sont en effet les autochthones de l'Algérie, les anciens Numides, les véritables Barbaresques qui entrent en ligne. Cette race, on le sait, par suite de la conquête romaine et de la conquête arabe, avait été refoulée sur les crêtes du petit Atlas en Algérie et en Tunisie, comme dans des îlots aériens. Ils n'attaquaient pas les envahisseurs qui avaient occupé le Tell; mais ils restaient inexpugnables dans leurs montagnes. Nous fimes mieux que les Arabes et les Romains, nous escaladâmes le Jurjura. La campagne de l'année 1857, sous le maréchal Randon, fut décisive.

Nous construisîmes des routes et ce Fort-National qui fut notre meilleure garantie. Une insurrection s'est produite en 1871. Et puis ces Kroumirs, dont la Revue de Géographie avait révélé ou rappelé l'existence en 1879, et que nous avons chassés devant nous deux ans plus tard, ces Kroumirs, dis-je, sont des Kabyles.

En somme, ce fut une résistance nationale sui generis, que celle que retrace ici notre collaborateur; elle fut toujours restreinte à une faible partie de l'Algérie; le groupement ethnographique des habitants le voulait ainsi. N'oublions pas toutefois que dans le Sahara algérien, c'est encore à des Berbers que nous avons affaire contentons-nous de mentionner la prise de Zaatcha, de Laghouat, l'occupation d'Ouargla, d'El-Goleah, et, tout récemment, de Gardaïa (le Mzâb). Dans la seconde partie de son livre, M. Gaffarel traite à fond de la géographie de l'Algérie au premier plan, il met la géographie physique (pages 371-431); au second, la géographie économique (431-549); au troisième, la géographie politique (549-639); au quatrième, la géographie descriptive (639-687). On pourrait trouver la géographie physique un peu écourtée, si la géographie descriptive ne venait sub finem lui prêter un notable renfort. Dans son ensemble, c'est un traité complet sur la matière, et, nous le répétons, l'auteur s'appuie constamment sur les documents les plus authentiques et les plus récents.

Les détails ethnographiques abondent. Nous relevons avec intérêt ceux qui concernent les Kabyles, ces nationaux de l'Algérie :

< Ils représentent, nous dit M. Gaffarel, dans l'état actuel de nos connaissances, la couche humaine primitive, celle qui a précédé toutes les autres en Algérie. Ce n'est pas que les Kabyles se soient gardés purs de tout mélange avec les races conquérantes. Il n'y a pas au contraire de type kabyle spécial, qui se soit perpétué fidèlement à travers les siècles tantôt ce sont des colons romains qui s'acclimatent dans le Jurjura, tantôt des Vandales qui laissent des traces de leur passage et peut-être leur nom dans les villages de Vandelest et de Ouandelou, ou bien encore des Arabes qui mêlent leur sang au sang kabyle; mais tous ces éléments étrangers se sont absorbés dans une race primitive et vivace, dont la fixité est presque restée sans atteinte, et dont la langue, le caractère et la nationalité se sont transmis sans altération jusqu'à nous. En voici d'abord la preuve géographique : Ammien Marcellin, le premier des historiens anciens qui ait énuméré les tribus kabyles, en comptait cinq principales :

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