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traverse la province dans toute sa longueur, la Bosnie ne possédait pas à vrai dire de voie carrossable. La route de Serajevo à Mostar était accessible aux voitures pendant la moitié seulement de son parcours. De Travnik à la frontière dalmate par Livno, les transports ne pouvaient s'effectuer en toute saison qu'à dos de cheval ou de mulet. Aucune route n'était entretenue. A chaque pas, à l'entrée des défilés, au passage des rivières, le voyageur se trouvait arrêté. La crue subite d'une rivière, un rocher qui avait roulé de la montagne, interrompait les communications durant des mois. On conçoit ce qu'un pareil état de choses ajoutait à la difficulté et à la cherté des transports. Au début de l'occupation, en plein mois d'août, les chariots réquisitionnés par l'intendance pour les besoins de l'armée ne mettaient pas moins de dix jours pour franchir les 150 à 160 kilomètres qui séparent Brod de Serajevo. La miche de pain de munition, payée à Brod douze kreutzers, revenait, emmagasinée à Serajevo, à soixante kreutzers, cinq fois le prix d'achat. Grâce aux travaux exécutés par le génie militaire', cette route d'une importance capitale pour les Autrichiens qui avaient. fait de Brod leur principale base d'opérations, et la route de Serajevo à Metcovitch (Dalmatie) par Mostar, furent entièrement remises en état et rendues carrossables sur tout leur parcours. Des routes nouvelles furent ouvertes au service postal, qui comprend actuellement environ 2000 kilomètres, outre 1870 kilomètres de chemins de montagne, desservis par des courriers à cheval.

La Bosnie, avant l'occupation, ne possédait qu'un seul chemin de fer, ou plutôt un tronçon de chemin de fer entre Banialuka et Doberlin (frontière croate). Séparée de ses deux extrémités, en l'air, comme disent les ingénieurs militaires, complètement négligée par suite de son isolement, cette petite ligne, d'une longueur de 101 kilomètres, s'était peu à peu détériorée. Elle a été restaurée par les Autrichiens qui l'ont utilisée pour le service de leur armée pendant toute la durée de la campagne. Encore aujourd'hui elle est restée une voie exclusivement militaire (K. R. Militärbahn Banjaluka-Doberlin); et il en sera ainsi jusqu'au jour où son pro

1. Pour montrer l'importance de ces travaux et en même temps pour donner une idée de l'état des routes à cette époque, il suffira de dire que, sur la seule chaussée de Brod à Serajevo, le génie dut édifier ou réparer 49 ponts, 130 passerelles, construire un nombre infini de chemins de rondins et de fascines, élargir çà et là la voie à l'aide de la dynamite, la garantir au moyen de garde-fous. La dépense totale ne s'éleva pas à moins de 6 millions de florins.

longement jusqu'à Sissek d'une part, de l'autre jusqu'à Metrovitza, la mettant en communication avec le réseau austro-hongrois et le réseau ottoman, lui aura restitué son véritable caractère en faisant d'elle la voie la plus directe entre la haute Adriatique (Trieste, Venise) et l'Archipel (Salonique)'.

Une ligne nouvelle à voie étroite, le Bosna Bahn, conduisant de Serajevo, par Mostar et Sénitza, à Brod, où elle se soude à la ligne de Brod-Essek, a été ouverte sur tout son parcours (250 kilom.)", le 4 octobre de l'année dernière, et met Serajevo en communication directe avec Vienne.

Les forêts et les mines ont été l'objet d'études spéciales confiées à des agents forestiers et à des ingénieurs des mines qui ont exploré à fond le pays. Il résulte de leurs rapports que la Bosnie abonde en mines de toute espèce, principalement en mines de fer et de charbon de terre, qui sont restées jusqu'ici improductives par suite des obstacles que le manque de routes charretières crée à l'exploitation. Les forêts, qui pourraient fournir une source abondante de revenus, demeurent également, par le même motif, à l'état de non-valeurs. L'ingénieur Preczel parle, avec une sorte de désespoir de ces chênes et de ces hêtres centenaires, véritables géants de la forêt, de ces pins et de ces sapins, droits comme des aiguilles et dont quelques-uns atteignent jusqu'à quarante mètres de hauteur, et qui pourrissent sur place, faute de moyens de transport. » Une société s'est fondée l'année dernière à Vienne, en vue de l'exploitation en grand des mines et des forêts de la Bosnie; mais la première question à résoudre est celle-ci : créer des routes. Une nouvelle insurrection qui éclata tout à coup vers la même époque interrompit brusquemment ce travail de réorganisation. (A suivre.)

1. Trieste-Serajevo, 742 kilom.; Serajevo-Salonique, 706.

A. UBICINI

2. Le même système a été adopté pour tous les chemins de fer bosniaques, à raison de son économie: 142500 fr. le kilom., au lieu de 237 500 à 265 000 fr., prix de revient des chemins de fer ordinaires.

3. La voie ferrée, qui suit le cours de la Bosna, compte environ 60 kilom. de plus que la route de terre.

4. Le lignite abonde à ce point que, si la qualité égalait la quantité, nulle contrée au monde, disent les rapports des consuls anglais, ne pourrait être comparée sous ce rapport avec la Bosnie. L'étain, le plomb, le cuivre, le nickel, le cobalt, l'antimoine, le sel existent également en grande quantité. Je ne parle que pour mémoire des mines d'or et d'argent, connues déjà du temps des Romains, et qui firent donner à la Bosnie, au moyen-âge, l'épithète d'Argentina.

ANNAMITES ET CHINOIS

AU TONG-KING

Quand, au détour du Cap Saint-Jacques, on suit dans la direction du nord les côtes de l'Annam, on n'aperçoit pendant longtemps que des montagnes abruptes qui bordent la mer. Nulle part, sur le flanc de ces montagnes ou dans leurs gorges profondes, quand de la haute mer on les fouille du regard, on ne trouve une trace de vie ou un indice du passage de l'homme. Les habitants des provinces du milieu de l'Annam s'agitent derrière ce rempart sans rien laisser deviner au dehors. A l'extrémité nord de la province de Quang-Binh, cette chaîne s'avance assez profondément dans la mer et forme le cap Boung-Ki-Hoa. C'est au delà ce cap que commence le Tong-King avec ses terres basses.

Dès lors l'horizon s'ouvre du côté du continent, tantôt ce sont de vastes bancs de sable, tantôt d'immenses palétuviers, et les uns et les autres protègent suffisamment la côte pour la mettre à l'abri de toute surprise. De larges artères fluviales débouchent de toutes parts. Malheureusement des bancs de sable obstruent l'entrée de la plupart d'entre elles. Le Tong-King sert, en effet, d'écoulement à toutes les eaux des hauts plateaux du Yun-Nan, et c'est à la terre apportée par le fleuve Rouge des provinces du milieu de la Chine qu'il doit la formation et l'accroissement annuel de son delta. La tradition veut que la ville d'Ha-Noï, située aujourd'hui à plus de 20 lieues à l'intérieur des terres et qui occupe le sommet du delta, ait été construite 600 ou 800 ans avant J. C. Chaque année, vers le mois de mai ou de juin les eaux du fleuve et de ses affluents grossisent; elles sont pendant un semestre d'un jaune sale et charrient un limon épais mêlé à toutes sortes de détritus organiques qui vont se déposer à la mer ou qui s'arrêtent, quand leur marche est entravée, pour former des îlots dans les bras du fleuve. Le mois de décembre est l'époque des plus basses eaux. Les rapides deviennent alors

dangereux; ils sont formés par de brusques dénivellations de terrain qui se produisent çà et là, de la côte à Ha-Noï, mais que l'on rencontre à chaque pas d'Ha-Noï à la frontière chinoise.

Le territoire tong-kinois présente deux aspects bien différents selon que l'on envisage le delta ou les terres hautes. Le delta proprement dit se compose de ce triangle qui a pour sommet Ha-Noï et qui s'étend au nord jusqu'au pied de la citadelle de Quang Yen et au sud jusqu'à l'embouchure du Cuâ-Day. Mais il faut y joindre au point de vue de la nature et des productions du sol et de l'intérêt politique les trois provinces maritimes du sud : Thanh-hoa, Nghẻan et Ha-tinh. Là le premier aspect est un peu monotone. Il y a bien quelques palétuviers, mais ils n'atteignent pas la hauteur de ceux de Cochinchine et ne forment point, comme sur les bords du Donaï, un rideau de verdure. La terre semble fuir devant les yeux, tant elle est basse et jaune. Elle est presque de niveau avec les eaux de la mer, et le lit des rivières qui la traversent est en certains endroits beaucoup au-dessus d'elle. Elle n'est protégée contre l'envahissement de leurs eaux que par de longues digues interminables de la solidité desquelles dépend la sécurité de tous. Les rizières occupent toute l'étendue de terrain comprise entre ces digues, et de proche en proche on aperçoit de petits bois d'aréquiers sous lesquels se cachent les cases annamites. Il y a un moment de l'année où le spectacle est charmant, c'est lorsque les rivières sont inondées. La plaine immense disparaît alors sous l'eau sillonnée par la digue-sentier dont les sinuosités vont se confondre avec l'horizon. Le port gracieux des aréquiers se reflète dans l'eau où viennent se poser tour à tour les aigrettes blanches, les poules d'eau, les canards sauvages, les martins-pêcheurs, tandis que les buffles pateaugeant dans les rivières s'y plongent jusqu'au dos, puis se relèvent en reniflant bruyamment quand ils vous regardent avec leur petits yeux ronds. Le matin et le soir, aux heures où la chaleur n'est point trop grande, on voyagerait volontiers sur ces digues en longeant les bois d'aréquiers au seuil desquels on entend le bourdonnement du hameau qui s'y cache et au détour desquels on aperçoit toujours quelques coin d'horizon nouveau ou quelque perspective inattendue. On rencontre souvent des pagodes aux toits verdis par le temps qui s'élèvent sous les ombrages silencieux des magnifiques banians plusieurs fois séculaires au pied desquels on peut se réposer. Le banian et l'aréquier sont les seuls arbres de presque tout le

delta, encore le banian n'est-il point commun; un ou deux auprès de chaque pagode, et c'est tout.

Les végétaux de haute futaie sont bien autrement nombreux dans toute la partie du Tong-King placée en dehors du delta et des provinces maritimes. Le pays est montagneux et les rizières y sont rares; il faut pour qu'elles réussissent une disposition particulière du terrain. Les forêts y sont composées des bois de construction les plus variés et des essences les plus précieuses, mais bien des obstacles sérieux y arrêtent l'explorateur. Il est difficile de s'y procurer une nourriture suffisante, les eaux des sources y sont souvent empoisonnées naturellement, et, plus sûrement que tout cela, la fièvre des bois, mal terrible, peu connu encore, en parlysant à la fois les membres et le cerveau, met un terme rapide aux investigations les plus courageusement entreprises'.

Dans ces pays de l'Extrême-Orient où la statistique est absolument inconnue, la population ne peut être que très approximativement estimée. Nos observations nous permettent cependant de porter à douze millions d'habitants la population du Tong-King. Ce chiffre ne s'éloigne guère des appréciations les plus pessimistes, il est inférieur au chiffre que donnaient autrefois les missionnaires, et que nous croyons exagéré. La population par kilomètre carré est donc supérieure à celle que nous offre la France. Si l'on considère de plus que l'intérieur du pays n'est pas peuplé et que les frontières de l'ouest, en butte aux guerres civiles, ne reçoivent que des tribus nomades, étrangères souvent, qui ne figurent point dans le chiffre donné plus haut, on comprendra quelle densité de population nous offrent les provinces de l'est, dites provinces maritimes. Dans ces provinces, celles de Haï-Duong, de Ha-Noï, de Hung-Hien, de Ninh-binh, de Thanh-hoa, etc., les évaluations les plus raisonnables nous donnent trois cents habitants par kilomètre carré. Il faut que la fertilité du sol tong-kinois soit bien grande, pour fournir annuellement du riz à ses habitants, aux provinces du milieu de l'Annam dont elle est le grenier et une grande quantité encore à la Chine. Le seul port de Hong-Kong reçoit chaque année

1. Ce n'est que dans les régions inexplorées de l'ouest et habitées par les Muongs, que la santé de l'Européen se trouve sérieusement ébranlée. La santé se maintient admirablement dans tout le delta où séjournent actuellement nos troupes, et tout le monde convient, à Saïgon et à Hong-Kong, qu'il suffit d'un séjour de quelques mois au Tong-King, pour guérir ou modifier heureusement les maladies contractées dans les pays tropicaux.

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