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de M. Francis Galton était trop ambitieuse. Au moyen de cinq couleurs il indiquait des intervalles de dix, vingt, trente, quarante jours et au delà. Il ajoutait prudemment dans son avis au lecteur: It is supposed that local preparations have been made and that other circumstances are favourable. Dans un ou deux siècles, quand des milliers de routes de toute sorte, qui font actuellement défaut, auront été exécutées, l'essai du savant géographe anglais pourra être repris avec succès. Il était plus modeste, mais aussi plus scientifique, de procéder comme M. le capitaine Martin, de se tenir dans les limites de la France, après avoir contrôlé d'une manière sévère l'existence et la périodicité des moyens de transport. On comprend l'intérêt qui s'attache à sa carte, ayant pour titre : A combien de Paris en chemin de fer? La question qu'elle pose doit se représenter souvent dans un pays aussi centralisé que le nôtre. Les réponses qu'elle donne permettront d'apprécier pour chaque département, pour chaque ville, la force administrative dont Paris, et conséquemment l'État, dispose.

L'ethnographie ne peut un seul instant songer à se passer du concours de la géographie. En effet, le climat, la nature et les produits du sol causent à la longue, au sein d'une même race, de profondes modifications. C'est de cette pensée que s'est constamment inspiré notre collaborateur M. de Crozals, dans sa monographie des Peulhs et Foulahs. Il ne dépendra pas de nous que de fréquents exemples ne viennent prouver l'excellence de la méthode suivie par lui. Les Juifs de Vilna, de M. le rabbin Rülf, traduction de M. Th. Lindenlaub, forment aussi une étude ethnographique. des plus curieuses, que les Archives israélites (n° du 26 octobre 1882), dirigées par M. Isidore Cahen, ancien élève de l'Ecole normale supérieure, se sont empressées de signaler à leurs coreligionnaires.

Par des sujets tels que celui qu'ont traités ici M. L. Wouters, à la suite de M. de Luze (une Réforme dans l'enseignement de la géographie) et M. M. Jametel (l'Orthographe des noms chinois), nous touchons à la linguistique. Nous nous sommes proposé, avant tout, de faire disparaître de nos livres et de nos cartes, qu'ils déshonorent, les témoignages trop nombreux, hélas ! de notre ignorance des langues étrangères. M. Guillaume Depping, dans un de ses comptes rendus géographiques de l'Officiel, si recherchés de tous, a résumé les propositions de M. Wouters.

que de

On sait la large part que nous avons toujours faite à l'histoire. dans notre recueil. La chose a été constatée avec bienveillance de l'autre côté du Rhin, avec une certaine acrimonie dans notre propre pays. Il nous est bien facile de nous justifier sur ce point'. Peu importe à nos lecteurs que nous soyons venus de l'histoire å la géographie, ou de la géographie à l'histoire. L'essentiel est de constater que la géographie ayant pour programme exprès « La Terre et l'homme » ne saurait pas plus s'isoler de l'histoire que de la géologie. Il s'agit ici beaucoup moins de la géographie historique, qui est plutôt une dépendance de l'histoire l'histoire géographique, branche légitime de la géographie, qu'un savant professeur de Munich, M. Ratzel, a récemment appelée anthropogéographie. Les essais de M. Berlioux, professeur à la faculté des lettres de Lyon, notre éminent collaborateur, sur le Jura, sur les Atlantes, nous semblent assurer le triomphe de la nouvelle méthode historique, méthode qui s'appuie constamment sur la géographie, et qui, à l'aide de la géographie, précise, rectifie, supplée souvent la pure érudition, qu'une grande école historique ou archéologique, présentement au pouvoir, invoque d'une façon exclusive. Or, nous l'avons dit récemment, d'accord avec les Humboldt, les Ritter: « L'érudition ne suffit pas en histoire. Il faut qu'à l'érudition, dont on ne saurait se passer impunément, vienne s'ajouter la science précise de la nature, que la géographie armée de toutes pièces peut seule donner. » Et nous avons entrepris de constituer l'École géographique en histoire. Au mois d'avril 1882, nous avions publié la Constitution de Carthage d'après Aristote el Polybe. Au mois d'août de la même année a paru l'Égypte, l'Islamisme et les puissances européennes, les solutions. Ces deux importantes applications de la géographie à l'étude de l'histoire et de la politique ne sont point passées inaperçues. M. E. Bourgeois,

1. Docteur H. Wagner, Geographiches Jahrbuch (1881): Drapeyron ist Historiker von Fach; es liegt ihm also weniger daran, der Geographie neue Gebiete zu erschliesals seinen Landsleuten die Bedeutung derselben für historische Forschungen klar zu machen.

sen,

2. Dans une Revue géographique, internationale et intermittente (janvier 1883), et du fait d'un économiste dont nous ne méconnaissons pas le mérite et le talent de parole, mais qui nous semble bien peu au courant du mouvement historique et du mouvement géographique dans notre pays.

3. Nous l'avons nous même nommée Géographie appliquée à l'étude de l'histoire, Une des sections de la Société de topographie est désignée sous ce nom.

4. Chez Dumaine, 1880.

5. Chez Leroux, 1883.

maître de conférences à la faculté de Caen, a repris dans la Revue historique1 la Constitution carthaginoise. Négligeant systématiquement la géographie et l'ethnographie, sans laquelle, suivant nous, il n'y a rien à faire en une telle question, il a voulu nous expliquer Carthage avec les ressources, si insuffisantes, de l'érudition. Au lieu d'avoir recours à l'aide puissante des sciences géographiques, il a préféré faire reposer toute son argumentation sur l'inscription de la Major, trouvée à Marseille, qui est, « à ce qu'on croit, une formule du rituel phénicien. Nous recommandons à ceux qui veulent nous suivre dans ces études le savant article de M. Bourgeois, et parce qu'il est consciencieux et logiquement fort bien déduit, et parce qu'il permet de prendre une idée exacte de l'école purement érudite en histoire. Nous ne croyons pas de notre côté avoir manqué de logique, lorsque, nous fondant sur ses origines sémitiques, nous avons essayé de retracer l'ancienne Égypte. C'est également au nom de la méthode rittérienne, que nous avons exprimé nos critiques respectueuses au sujet de plusieurs conférences données par M. Renan: Qu'est-ce qu'une nation? - Le judaïsme considéré comme religion et comme race. L'Islamisme et la science. Nous croyons que l'éminent érudit, l'écrivain incomparable, modifierait certainement quelques-unes de ses conclusions, s'il consentait à faire de la géographie scientifique 3.

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Nos érudits ne tarderont pas à reconnaître, nous aimons à le croire, que l'histoire non écrite ne saurait nous être révélée dans ses grandes lignes que par la géographie. Ce sera lå dejà un succès de quelque valeur.

Que la science politique ne puisse se constituer tant que la géographie ne sera pas devenue son principium et fons, cela nous paraît de toute évidence. Nous avons montré antérieurement (la Géographie et la politique) l'avantage incontestable qu'en cette matière

1. Livraison de novembre-décembre 1882.

2. On verra plus loin qu'il ne les a négligées qu'accidentellement.

3. Il fait parfois de la géographie poétique. Voir ses belles pages sur ce qu'il appelle l'horizon de Jésus.

4. Expression de M. Ratzel (Anthropogeographie): Die ungeschriebene Geschichte... besteht meist nur in Thatsachen geographischer Art, die ihr Verweilen an diesem oder jenem Orte der Erde bezeugen. »>

5. Quelques-uns de nos jeunes et vaillants confrères vont bien au delà. Dans la livraison du 1er juin de la Revue de la Jeune France, un sinologue, M. M. Jametel, applique à la Chine« notre système.» Voir, pour la Chine, elle-même notre appréciation de l'ouvrage de Piassetzky (livraison d'octobre 1882).

la géographie a sur l'économie politique et sur l'histoire. Les plus notables adhésions ne nous ont pas fait défaut : le nombre s'en accroît tous les jours 1.

Si la géographie touche à tant d'objets et d'intérêts, si elle est le plus sûr lien des sciences, s'il n'en est presque aucune dont elle ne double le prix et la portée, on ne saurait considérer comme négligeables son mode d'enseignement et les institutions qui doivent en favoriser le perfectionnement et la vulgarisation. L'Allemagne savante, par la plume de l'éminent M. Hermann Wagner, professeur à l'université de Goettingue, consacre tous les deux ans, dans le Geographisches Jahrbuch, un Rapport sur le développement de l'étude et de la méthode géographiques, travail qui n'a pas d'analogue dans les autres pays. C'est qu'elle a au plus haut degré conscience des vérités formulées plus haut. Ce sont là pour elle, au sens rigoureux du mot, des affaires d'État 2. Il ne lui est pas indifférent de savoir si, en France, la méthode topographique finira par l'emporter, si une section de géographie sera constituée dans le comité des sociétés savantes, si notre Académie des sciences Morales et Politiques ouvrira ses portes aux géographes3, si notre licence d'histoire et de géographie cessera de réduire la géographie à la portion congrue, si une agrégation d'histoire sera constituée chez nous. L'Allemagne est bien près de juger les nations étrangères d'après leur concept de la géographie. En y bien réfléchissant, on ne sera pas tenté de dire qu'elle fait là acte de pédantisme.

1. Voir Götz, op. cit., in Zeitschrift der Gesellschaft für Erdkunde zu Berlin; après avoir rappelé l'Essai politique de Humboldt sur la Nouvelle-Espagne, il écrit: Ebenso freut sich doctor Peschel, dass die Geographie in staatswirtschaftliche Disciplin eingetreten sei. Unser Zeitgenosse Drapeyron ruft sogar : « Nur ein vertieftes und verständiges Studium der Geographie kann uns tüchtige Staatsmänner geben. ■ 2. De là l'attention presque exclusive que le Geographisches Jahrbuch prête à la Revue de Géographie, nos autres revues ou bulletins ne s'occupant guère que de procèsverbaux et de relations de voyages. Nous avons à ses yeux le mérite de ne pas négliger la théorie. « Drapeyron's Revue de Géographie welche am besten über alle diese Bestrebungen orientiert », dit M. Wagner (Geog.Jahrbuch, 1883, page 655), et il rappelle l'excellente étude de M. Ristelhüber sur Karl Ritter (avril 1881).

3. Après avoir constaté l'insuccès de quelques-unes de nos propositions, M. Wagner (p. 656) s'étonne que nos plus grands géographes, MM. El. Reclus et Vivien de SaintMartin, ne soient pas membres de l'Institut de France.

4. M. Wagner analyse la lettre qu'un savant hollandais, M. le docteur G. J. Dozy, a adressée à M. Drapeyron sur la Geographie et la politique aux Pays-Bas (Revue de Géogr., liv. de mars 1881).

II

La connaissance et la défense du territoire.

Il est difficile d'amener le peuple français à rompre avec des habitudes invétérées. Lui demander de faire du globe entier «< sa chambre », de s'intéresser également et simultanément à tous les peuples du globe, c'est se montrer trop exigeant. C'est bien là pourlant le but vers lequel nous tendons.

Pour le moment, nous croirions mériter suffisamment de nos concitoyens, si nous les convainquions de la nécessité de ne plus ignorer la France elle-même. N'avons-nous pas maintes fois répété à cette place que ce que nous obtenions le plus difficilement de nos collaborateurs, c'étaient des travaux sur notre propre sol1? Pendant cinq ans, nous avons lutté, et nous venons de triompher dans une certaine mesure. M. Jules Levallois a écrit quelques pages piquantes sur un voyageur français en France au XVII° siècle. M. Monin nous a communiqué, en les commentant d'une manière savante, des documents inédits d'hydrographie historique concernant le Bas-Rhône; M. de Crozals, fort de la connaissance positive des lieux qu'il a souvent l'occasion de visiter, a publié dans nos colonnes : Un projet de Canal océanique il y a un demi-siècle (le canal Galabert); et la Montagne Noire et le Canal du Midi.

Par ces trois exemples, on peut voir à quel point l'exécution des travaux publics requiert de connaissances géographiques exactes. Ici la méthode topographique doit être appliquée dans toute sa rigueur. Point d'ingénieur qui ne soit en même temps un topographe consommé.

S'il s'agit, non plus de sillonner de routes le sol, mais de le protéger, rien de changé au fond. La topographie est de mise dans ce second cas aussi bien que dans le premier.

Pendant quatre mois consécutifs, M. P. Gaffarel, doyen de la faculté de Dijon, a retracé ici les Frontières et les nouvelles défenses de la France. Les spécialistes ont loué d'une façon unanime l'exactitude

1. Les bulletins des Sociétés de géographie offrent pour la plupart la même inconcevable lacune. Dans une étude spéciale, nous avons signalé quelques honorables exceptions Ajoutons que nous avons en ce moment sous les yeux deux études considérables: les Gorges du Tarn entre les grands causses, par L. de Malafosse (Société de géographie de Toulouse), et la géographie de l'Ain (Société de géographie de Bourg).

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