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lui en Bulgarie, aurait mieux aimé, je m'imagine, avoir les Turcs que les Autrichiens pour voisins à Sérajevo et à Novi-Bazar. L'Autriche établie en Bosnie lui barre la route des Balkans. Pour oser désormais s'aventurer en Bulgarie ayant en face d'elle les Turcs, menacée sur ses derrières par une armée austro-hongroise venant de la Transylvanie et sur son flanc droit par une seconde armée débouchant des montagnes de la Bosnie, une armée russe, fùt-elle aux mains d'un Gourko ou d'un Skobelef, devra y regarder à deux fois. Ce n'est peut-être pas un obstacle; c'est à coup sûr une gêne. La Russie le sait. Elle cédera néanmoins, ne pouvant faire autrement et se trouvant seule dans cette question en face de l'Europe. Elle cédera, quitte à chercher, en vertu du principe des compensations qui tend de plus en plus à s'acclimater dans la politique européenne, un dédommagement quelque part ailleurs, du côté de l'Arménie, par exemple.

Seule, la Turquie protestera pour la forme et non, peut-être, sans quelque arrière pensée de revanche.

Quant aux Bosniaques, il est plus que probable qu'on ne leur demandera pas leur avis. Si on les interrogeait, comme on fit les Roumains en 1857, ils répondraient sans doute qu'ils n'ont nulle envie d'être incorporés à l'Autriche-Hongrie, qu'ils préfèrent rester Bosniaques, même sous la suzeraineté du sultan, avec le droit de se gouverner et de s'administrer eux-mêmes, comme autrefois les Principautés-Unies et la Serbie; et que même, ils s'accommoderaient, pour le moment, d'un régime analogue à celui dont les Puissances ont doté le Liban, ou la Crète, ou la Roumélie-Orientale. Sed Dis aliter visum!

Une question demeure pourtant. Si la Bosnie doit être considérée comme perdue pour la Turquie, à qui ira-t-elle en fin de compte? A l'Autriche-Hongrie, cela est entendu. Mais quelle sera sa place dans le consortium austro-hongrois? A Pesth, la question ne fait pas doute. On n'admet pas même l'idée d'un partage à l'amiable qui donnerait la Bosnie à la Transleithanie, l'Herzégovine à la Cisleithanie, c'est-à-dire à la Dalmatie laquelle acquerrait ainsi le domaine intérieur » (Hinterland) qu'elle réclame depuis si longtemps. Les deux provinces dans leur ensemble doivent composer un Kronland « pays de la couronne » hongrois. Les Hongrois invoquent le droit, ou plutôt la tradition historique. A une certaine époque très éloignée, antérieure à la conquête otto

mane, la Bosnie, à un titre et dans des conditions assez difficiles à déterminer, faisait en effet partie de la Hongrie. Les rois apostoliques, aujourd'hui encore, ajoutent à leurs titres celui de « roi de Bosnie », et l'étendard bosniaque à deux clés croisées surmontées d'une tête de nègre, continue de figurer à son rang dans la cérémonie du sacre, à Buda-Pesth, parmi les emblèmes des pays dépendant de la couronne de Saint-Étienne1. Il y a aussi un vieux dicton hongrois qui dit : « Tout le pays jusqu'aux bouches (du Danube) appartient aux Magyars. » Les docteurs en droit politique, les politiciens viennois, allèguent des titres non moins sérieux, d'après lesquels les deux provinces, si elles font retour à la monarchie, ne sauraient appartenir qu'à l'Autriche. Premier point à résoudre. Il y en a un autre qui, même l'accord établi, peut retarder la solution. L'occupation a été faite par l'armée commune, à frais communs, dans la proportion déterminée par la Constitution. Or, nous savons que déjà, à la fin de l'année dernière, la dépense s'élevait à 382 millions de florins, soit 120 millions fournis par la Hongrie, 262 par l'Autriche. Ainsi celui des deux États à qui écherra le gâteau devra, avant tout, rembourser à l'autre sa quotepart dans le montant des frais, sans préjudice des dépenses à venir dont il aura seul à supporter la charge. Or, à Vienne comme à Pesth, la situation financière n'est pas telle que M. Dunajewski et le comte Szapary ne doivent y regarder à deux fois avant de grever leurs budgets respectifs d'une aussi grosse dépense.

J'ai exposé les principales données du problème sans prétendre indiquer ni même prévoir la solution. L'Autriche, au reste, n'éprouve, en apparence, aucun désir de hàter cette solution, et il semble, au contraire que tous ses efforts tendent à une prolongation indéfinie du statu quo. « Attendons ; le moment n'est pas venu; nous n'avons aucune raison à cette heure de vouloir sortir des limites tracées par le traité de Berlin; ce qui importe c'est de rétablir, le plus vite et le plus complètement possible, l'ordre et la tranquillité dans les Provinces, de les doter d'une bonne administration; le reste viendra de soi» tel est le sens constant, nniforme, de toutes les décla

:

1. Hongrie, Transylvanie, Croatie, Slavonie, Dalmatie, Bosnie, Servie, Roumanie, (Valachie), Cumanie (Moldavie), Galicie, Lodomirie. De ces onze territoires, les quatre premiers seuls font partie actuellement de la Transleithanie. La Lodomirie réunie à la Galicie est comprise, ainsi que la Dalmatie, dans les possessions autrichiennes. La Valachie, la Cumanie, la Servic ont formé les royaumes indépendants de Roumanie et de

Serbie.

rations faites depuis dix-huit mois à la tribune par M. Kalnoki et M. de Kallay. Dans le fond, tous les deux veulent l'annexion; et s'il dépendait d'eux de le faire immédiatement, ils n'hésiteraient pas ; mais j'imagine que quelques-uns de leurs collègues dans le parlement, dans le gouvernement même, la renverraient volontiers aux calendes grecques. Un diplomate autrichien, le baron de Kosjeck, disait, il n'y a pas longtemps: «Annexer la Bosnie et l'Herzégovine, en faire une province de l'Empire! A quoi bon ! Nous n'en avons que la possession nominale, il est vrai, mais nous l'avons pour un temps indéterminé, dans des conditions qui nous permettent d'organiser le pays à notre gré. Pourquoi changerions-nous cette situation? Quel bénéfice en retirerions-nous? ». Le comte de Nesselrode faisait un raisonnement analogue quand il écrivait, après la paix d'Andrinople, « que la Russie aurait pu s'annexer la Moldo-Valachie, qu'elle ne l'avait pas voulu, parce que les deux provinces réduites à n'exister que sous son protectorat servaient mieux ses intérêts qu'une possession directe qui pouvait lui créer des difficultés avec l'Europe. » Le comte de Nesselrode et M. le baron de Rosjek oubliaient la maxime du prince Bismarck : « Beati possidentes! » La Moldo-Valachie, affranchie du protectorat moscovite, puis de la suzeraineté ottomane, est devenue le royaume souverain de Roumanie. Quant à la Bosnie, nul ne peut dire au juste quand et de quelle manière elle sera incorporée à l'Autriche-Hongrie. Un seul fait parait certain, c'est qu'elle est perdue pour la Turquie.

A. UBICINI.

MOUVEMENT GÉOGRAPHIQUE

Le roi Makoko déposé.

- M. de

Les questions coloniales et les Sociétés de Géographie. — Les frontières du Sénégal.
La Grande-Bretagne et le roi de Dahomey.
Brazza et M. Stanley. Opinion de M. Schweinfurth sur la route par laquelle
a civilisation doit entrer en Afrique. La Grande-Bretagne et l'avenir du monde
Soudan. Projets d'exploration. M. So-

africain.

Récents voyages au cœur du

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leillet dans le Kaffa, M. Aubry à Obock. Voyage de M. Thomson chez les Masaï. - Nouveau gouvernement dans l'Asie centrale. Opinion de M. Rheinart sur la question du Tong-King. Succès de Nam-Dinh. Les Aïnos. Voyage de M. le chevalier de Hesse-Wartegg dans l'Amérique du Nord. Prochaine exploration de l'Alaska par le lieutenant Schwatka. L'Araucanie et les Araucans. Nouvelle-Calédonie. La Papouasie.

Talisman.

Explorations polaires.

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La

Campagne du Nécrologie.

I

En présence des questions coloniales qui deviennent d'importantes actualités politiques, quel est le devoir des géographes et de nos comités géographiques? Doivent-ils uniquement se borner à enregistrer les faits, à fournir au besoin des renseignements, sans se permettre de manifester leur opinion? Doivent-ils, oui ou non, laisser toujours parler les journalistes et les orateurs politiques, garder le plus profond silence, alors qu'avec les marins, ils sont à peu près seuls à connaître à fond les sujets sur lesquels on discute et l'on tranche dans nos assemblées? Évidemment, non! Mille fois non! notre devoir est nettement indiqué, car il y va, en somme, de l'avenir du pays, et de son honneur.

Comment! nous verrions à côté de nous se noyer une troupe d'enfants et nous passerions sans chercher à leur tendre la main. pour gagner la rive? C'est un peu là la situation dans laquelle nost Sociétés de Géographie se trouvent lorsque de grosses questions coloniales viennent à se produire. On nous oppose une sorte de veto: « Vous n'avez pas le droit de vous occuper de politique! » s'écriet-on, et, comme d'ordinaire, nous ne sommes pas des gens de combat, par esprit de prudence, nous nous taisons, et, pendant ce temps, un peu plus loin, la question brûlante s'agite et se traite. On ne songe guère, dans la fièvre de la discussion, à faire appel aux

rations faites depuis dix-huit mois à la tribune par M. Kalnoki et M. de Kallay. Dans le fond, tous les deux veulent l'annexion; et s'il dépendait d'eux de le faire immédiatement, ils n'hésiteraient pas ; mais j'imagine que quelques-uns de leurs collègues dans le parlement, dans le gouvernement même, la renverraient volontiers aux calendes grecques. Un diplomate autrichien, le baron de Kosjeck, disait, il n'y a pas longtemps : « Annexer la Bosnie et l'Herzégovine, en faire une province de l'Empire! A quoi bon ! Nous n'en avons que la possession nominale, il est vrai, mais nous l'avons pour un temps indéterminé, dans des conditions qui nous permettent d'organiser le pays à notre gré. Pourquoi changerions-nous cette situation? Quel bénéfice en retirerions-nous?». Le comte de Nesselrode faisait un raisonnement analogue quand il écrivait, après la paix d'Andrinople, « que la Russie aurait pu s'annexer la Moldo-Valachie, qu'elle ne l'avait pas voulu, parce que les deux provinces réduites à n'exister que sous son protectorat servaient mieux ses intérêts qu'une possession directe qui pouvait lui créer des difficultés avec l'Europe. » Le comte de Nesselrode et M. le baron de Rosjek oubliaient la maxime du prince Bismarck : « Beati possidentes! » La Moldo-Valachie, affranchie du protectorat moscovite, puis de la suzeraineté ottomane, est devenue le royaume souverain de Roumanie. Quant à la Bosnie, nul ne peut dire au juste quand et de quelle manière elle sera incorporée à l'Autriche-Hongrie. Un seul fait parait certain, c'est qu'elle est perdue pour la Turquie.

A. UBICINI.

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