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pour les cartes locales. De même sur ce qui concerne les heures, tous les peuples pourraient avoir un jour uniforme et rapporter les dates à une même origine; il n'y aurait plus de distinction à faire entre l'heure sidérale et l'heure civile; mais, d'un autre côté, l'heure étant donnée par un phénomène naturel, le midi arriverait dans certains cas aux heures de la nuit; il faut donc que le temps local soit conservé, pour que la distribution des divisions de la journée civile ne soit pas bouleversée.

Les géodésiens et les astronomes, plus intéressés à la question que les auteurs d'unification, ont accueilli froidement la transformation projetée. Habitués aux calculs, relativement simples du passage d'un méridien à un autre, ils envisagent avec plus d'inquiétude les perturbations qui en seraient la conséquence. Les marins se sont encore tenus plus en dehors du mouvement; on a voulu démontrer que les erreurs de méridien dans les échanges de longitude à la mer, pouvaient être une cause d'accidents. Mais, dans cet échange, les réglements les obligent à compter sur leur méridien national; le pavillon est de plus une indication suffisante, et, si quelque doute s'élevait, les signaux du code international peuvent facilement l'éclaicir.

L'unification de méridien entraînerait avec elle l'adoption du système décimal pour la division de la conférence du globe, puisqu'en astronomie et dans l'art nautique, la mesure du temps équivaut à celle de la longitude, et la double réforme rencontrerait bien des difficultés, dont la réfection des tables ne serait peut-être pas la moindre. « Mais, dit M. B. de Chancourtois, les peines en seraient rapidement payées par les simplifications qui en résulteraient pour les calculs trigonométriques que comportent les études astronomiques et leurs applications, non-seulement à la navigation, mais à tous les travaux de la géographie mathématique. >>

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Quoi qu'il en soit, le système décimal, introduit depuis déjà longtemps dans la géodésie, n'a pu encore être appliqué aux cartes marines à cause des modifications complexes qu'il faudrait introduire. D'un autre côté, il a été mis en usage concurremment avec l'ancien système, avec succès depuis Delambre et Méchain, par Dépôt de la Guerre. Il donne des lectures plus faciles. La carte d'État-Major au 80,000 est dressée suivant les grades décimaux, à côté desquels figurent les longitudes et latitudes duodécimales. On peut dire que, depuis le siècle dernier, la géodésie toute entière

est basée sur le système décimal; les instruments du génie militaire sont divisés en 400 grades.

La question controversée de l'unification doit être étudiée par les savants les plus autorisés au futur congrès de Washington, où l'Amérique convie ceux qui ont qualité de résoudre le problème. Le congrès géodésique qui se tient à Rome (25 octobre), est aussi saisi de la question.

Mais, au point de vue national, pouvons-nous abandonner le méridien de Paris, base fondamentale de notre système métrique? Le méridien ou l'arc du méridien de Paris, compris entre les limites nord et sud du territoire français, forme une chaîne principale, une sorte d'ossature du réseau géodésique français. C'est de cette méridienne qu'est née la carte d'État-Major au 80,000. C'est d'elle que dérivent les chaînes principales méridiennes et parallèles, les réseaux continus des divers ordres qui couvrent notre pays et enfin les points servant de jalons aux levés et aux nivellements topographiques de la carte de France. Telle est l'opinion du colonel F. Perrier, auteur des plus importants travaux géodésiques contemporains et de la détermination des longitudes par le télégraphe.

Au lieu d'emprunter à l'étranger nos coordonnées, dit M. A. Germain, ingénieur hydrographe, nous devons les déterminer nous-mêmes avec une précison telle qu'elles soient acceptées sans contestation par les observatoires du monde entier, y compris celui de Greenwich, qui est moins bien placé que celui de Paris pour se relier aux autres. »

La conservation du méridien de Paris intéresse directement notre gloire scientifique; il a servi d'origine aux Laplace, aux Biot, aux Arago, et à tant d'autres, pour leurs observations et leurs calculs. Abandonner notre méridien national, serait abdiquer notre indépendance scientifique. Si on ne conserve pas les observations établies, si on rapporte les cartes à un nouveau méridien, c'est s'exposer à doubler les causes d'erreurs. Le mieux qu'on rechercherait pourrait être l'ennemi du bien.

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MÉMOIRE INÉDIT DE GROSSIN

SUR MADAGASCAR

Au mois d'avril dernier, j'ai publié sur Madagascar un article auquel j'avais joint la reproduction d'une carte manuscrite que j'avais découverte à la section géographique de la Bibliothèque nationale. Ce curieux document indiquait par une ligne ponctuée l'étendue des territoires soumis à nos armes ou à notre influence sous les règnes de Louis XIII et de Louis XIV. Cette carte ne portait que la date 1731 et n'avait pas de nom d'auteur, elle n'était entrée à la Bibliothèque qu'en 1840 au milieu de la collection d'un certain général Morin, que nous avions achetée en bloc. Je n'avais aucune donnée pour l'identifier.

Or, au cours de recherches dans les Archives du ministère des Affaires étrangères, si riches en documents relatifs à notre histoire coloniale et notamment à Madagascar, mon attention fut tout à coup attirée par une lettre suivie d'un long mémoire, dont l'écriturer appelait singulièrement celle de la carte manuscrite que j'avais publiée. J'examinai de plus près et, bientôt, je ne conservai plus aucun doute. La carte, comme le mémoire en fait foi, accompagnait originairement ce document, elle en avait été séparée par suite de je ne sais quelles péripéties et était finalement venue s'échouer à la Bibliothèque nationale.

Voilà donc rapprochés, réunis, deux documents séparés depuis cent cinquante ans; de plus, la lettre qui accompagnait le mémoire en question était signée, je tenais le nom de l'auteur de ma carte. Mais, il faut bien l'avouer, je ne suis pas, aujourd'hui, beaucoup plus avancé pour cela.

Quel est ce Grossin, qui connaît si bien l'histoire des tentatives des colonisations faites à Madagascar jusqu'à son époque, qui donne

une description minutieuse des côtes, des ports, de leur sûreté, de leur salubrité?

Mon premier mouvement fut de sauter au ministère de la marine et de voir si mon Grossin ne figurerait pas au milieu des innombrables renseignements biographiques de l'alphabet Laffilard.

Mais, on n'entre pas aux Archives de la marine comme un âne au moulin, j'ai fait au commencement de septembre une demande qui n'a encore reçu qu'une moitié de satisfaction. Les Archives de la marine sont aujourd'hui sous la coupe d'une commission sous la présidence du savant M. de Rozières. Mais, pendant trois ou quatre mois, les membres de cette commission sont dispersés au gré de leurs fantaisies de villégiature et l'on doit attendre le retour de ces messieurs. Nous comprenons très bien le motif qui a présidé à l'organisation de la commission susdite, mais il n'en est pas moins vrai que les Archives de la marine, pendant un tiers de l'année, ne sont plus publiques.

Fort heureusement, l'archiviste, M. Neuville, est l'obligeance même et il a fait pour moi la recherche en question. Pas le moindre détail sur Grossin. Il reste à supposer que si Grossin n'a été ni officier de la marine royale, ni officier d'administration, il a du moins appartenu à la marine du commerce. Nous n'avons rien trouvé dans son mémoire qui nous ait permis de l'affirmer. Du moins, il est intimement connu des marins qui ont fréquenté Madagascar, ainsi qu'en témoignent plusieurs anecdotes portées à la date de 1721.

Il faut également remarquer que Grossin, comme tous nos compatriotes, connaît beaucoup mieux la côte orientale de Madagascar que l'occidentale. Il y a sur cette dernière un certain nombre de havres et d'abris excessivement sûrs, qu'il passe ou sur lesquels il n'appuie pas.

Le plus grand nombre des renseignements qu'il nous donne, il les doit vraisemblablement à Flacourt, bien qu'il y ait dans son mémoire une part d'originalité facilement reconnaissable. C'est ainsi qu'elles lui sont bien personnelles, ses idées économiques, qu'ils lui appartiennent en propre, ses plans d'établissement et de colonisation.

Les critiques de Grossin au sujet des mesures inaugurées par Colbert sont fort justes, il se rencontre avec la plupart des économistes contemporains quand il se refuse à voir la nécessité d'une

compagnie, et il est bien inspiré quand il attribue au désir qu'avaient les colons de rentrer en France, leur fortune faite, l'échec de la tentative officielle de Colbert.

Excellentes sont ses idées au sujet du personnel à envoyer dans une colonie. Il ne voudrait y voir que des agriculteurs et des artisans, il se montre invinciblement opposé à l'envoi des vagabonds, nous dirions des récidivistes, aujourd'hui, et comme femmes, il n'y voudrait que des enfants trouvées, sachant un métier et non le rebut de la Salpêtrière et de l'Hôpital général.

Notre auteur ne voudrait pas non plus de missionnaires, gens « qui forment un corps séparé et ne pensent qu'à l'agrandissement de leur communauté. »

Enfin, admirablement instruit des productions et des richesses naturelles de Madagascar, il trouverait un avantage considérable à se servir des productions indigènes pour faire le commerce de l'Extrême-Orient, au lieu de tirer de France des sommes considérables qui n'y rentrent jamais.

Grossin devait occuper une certaine position sociale, il avait de hautes connaissances, puisqu'il adressait au Garde des sceaux Chauvelin, qui occupa ce poste de 1727 à 1737, le mémoire en question. On voit aussi par la fin de la lettre que nous reproduisons, qu'il était sur un pied d'intimité avec ce correspondant auquel Chauvelin lui avait recommandé d'envoyer son travail. Par malheur, le nom du destinataire ne se trouve pas sur la moitié de la lettre qui est reliée au milieu d'un volume. Ce devait être vraisemblablement quelque haut fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères.

Nous n'avons donc aucun renseignement certain sur notre auteur, c'est là ce qu'il importait d'établir et nous serions reconnaissants à ceux de nos lecteurs qui pourraient nous indiquer une piste sur laquelle continuer nos recherches.

Nous devons en terminant cette courte note adresser nos plus vifs remerciements à M. Girard de Rialle, directeur des Archives des Affaires étrangères; connaissant admirablement son département, il a pu nous indiquer de suite les dossiers au milieu desquels nous avions chance de rencontrer quelque document, et c'est grâce à la libéralité de ses communications que nous avons pu découvrir le mémoire que nous publions aujourd'hui.

GABRIEL MARCEL.

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