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ARTICLE VII.

EXPLICATION

De ces paroles du Deuteronome, Les chofes cachées apartiennent à Dieu, mais les révélées font pour nous, & pour nos Enfans. Chap. XXIX. f. 29.

N ne manque guère de citer ce Paffa

ON

ge toutes les fois que l'on traite la Question des Miftères de la Religion. On l'alègue pour prouver que nous ne devons pas chercher à pénétrer les fecrets que Dieu a voulu nous cacher, & l'on met dans ce rang quelques Dogmes profonds & abftraits qui font trop au deffus de notre portée pour entreprendre de les fonder. D'autres difent que ces Articles fi fort au deffus de nos lumières, ne doivent pas être regardez comme des Articles de Foi, & prétendent fe fervir de ces paroles mêmes de Moile pour le prouver. Il eft trifte de voit ce fujet devenir une fource de difputes & de divifions parmi les Chrétiens. Les uns voudroient bannir entièrement les Miftères, & les autres non contens de ceux qui apartiennent éfectivement à la Religion, fe font un plaifir d'en augmenter le nombre, & ne penfent qu'à les multiplier. Il y a des Théologiens qui ont presque

tout

tout changé en Mistère, jusqu'aux Dogmes les plus fimples de la Religion. Les Sacremens dont le but & la nature font fi fenfibles, font devenus entre leurs mains, les Miftères les plus incompréhensibles. C'est là le grand défaut des Catholiques Romains. Les Véritez les plus claires fe métamorphofent en énigmes, dès qu'ils les manient. Ils ne parlent que de ténèbres, que de Foi aveugle, que de foumiffion aux Miftèrès qu'on ne comprend point. Ils ont même ofé foutenir qu'en matière de Religion, le miftérieux eft un caractère de vérité. Qu'on ne nous reproche donc plus te manque de clarté, dit Pascal, puis que nous en faifons profeffion, mais que l'on reconnoille la vérité de la Religion à fon obfcurité même. C'est donner d'étranges marques de la Vérité, & bien propres à faire prendre le Menfonge pour elle. Ce n'eft pas parce qu'un Dogme eft obfcur & inacceffible à la raifon que je dois le recevoir. Je regarderai toujours ces Lettres de créance comme fort fufpectes.

Tertullien eft allé encore plus loin. Il ne s'eft pas contenté de dire qu'il falloit recevoir un Dogme parce qu'il étoit inintel ligible, il a ofe avancer qu'il falloit l'admettre parce qu'il choquoit la ráifon. Mor tuus eft Dei Filius, dit-il, credibile eft quia ineptum eft. Sepultus revixit, certum eft quia impoffibile. On voit bien que c'est là une faillie qui ne peut être entendite que des aparences d'abfurdité; mais plaider de cette manière pour la Foi aveugle, ce n'est

plus

plus débiter une abfurdité aparente, cela aproche fort d'une abfurdité réelle.

De fages Théologiens qui ont traité cette matière, ont dit que fi par le mot de Miftères, on entend des Dogmés incompréhenfibles, on peut avancer qu'il n'y en a point de cet ordre dans la Religion. Dire qu'un Dogmé eft révélé, & dire qu'il eft incompréhensible, font des propofitions qui ne fauroient s'allier. Nous révéler un Dogme, c'eft nous en donner des idées. La Sageffe de Dieu ne lui permet pas de propofer à notre Foi des Véritez que nous ne pouvons pas concevoir. Il nous feroit même impoffible de les croire. Croire uh Dogme c'eft lier les idées qu'on peut s'en former, & l'on n'en a aucune d'un Dogme incompréhensible. On doit faire le même jugement, à plus forte raifon, des Dogmes contradictoires. Ce font là de prétendus Mistères qui ne fauroient avoir lieu dans la Révélation divine. Il eft impoffible que Dieu qui eft l'Auteur de notre Raifon, nous enfeigne dans fa Parole des chofes directement contraires à celles qu'il nous dicte d'un autre coté, par des raisonnemens clairs & évidens que forme notre esprit fur quelque matière. Les idées que l'on prétend unir dans un Dogme contradictoire, ne fauroient être jointes. Elles fe détruifent réciproquement. Il est donc impoffible det les croire, puis que croire c'eft joindre enfemble certaines idées.

Si quelque Communion Chrétienne a

trop

it

trop chargé de Miftères la Religion, y en a d'autres qui donnent dans l'extrémité opofée, & qui voudroient les retrancher entièrement. Ils difent que l'on ne fauroit faire une plus grande injure au Chriftianifme qu'en donnant pour des Articles effenciels ces Dogmes obfcurs & qui paffent notre capacité. Si les Véritez Chrétiennes font inacceffibles, difent ils, l'Evangile nous exhorte inutilement, ou plutot ils fe joue de notre foibleffe, quand il nous exhorte à fonder les Ecritures, & à en rechercher les fecrets.

Ils ajoutent que la plupart des Mistères dont on a fait dans la fuite des Articles de Foi, n'ont été d'abord que des Expreffions Oratoires ou Figurées qu'on emploioit pour embellir les Difcours de Religion, & pour lui attirer plus de refpect, & qui dans la fuite ont été prifes à la lettre, ou par préjugé ou par erreur.

En introduifant dans la Religion ces Dogmes obfcurs, on a voulu exciter l'admiration de la multitude, qui manquant de lumières & de gout, a acoutumé de trouver beau ce qu'elle n'entend pas. Les Mistères, ou plutot les Expreffions Miftérieufes, plaifent toujours au Peuple, parce qu'elles femblent renfermer quelque chofe de grand & de fublime. Elles plaifent aux Savans, parce qu'elles flatent leur vanité. Les Théologiens, dans la vue de s'ériger en Docteurs, ont fu réduire la fimplicité de la Religion én Art dificile & en Science épineufe. Les Prédicateurs

Prédicateurs fur tout trouvent leur compte dans les Miftères, parce qu'ils donnent beau champ à l'éloquence & fouvent à la déclamation.

L'Auteur de la Religion effencielle à l'Homme, Ouvrage des plus hardis qui aïent paru de longtems, eft un de ceux qui s'eft le plus hautement déclaré contre les Mistères. Il les regarde comme des inutilitez & des fources de difputes. Dans le deffein de fimplifier tout à fait notre créance, il n'a pas manqué d'écarter tout ce qui eft au deffus de l'intelligence humaine. Il veut une Religion de plain-pié, & dégagée dé tout Dogme trop abftrait. Il commence par définir les termes. Un Miftère, dit-il, eft quelque chofe de caché, d'impénétrable, & que Dieu s'eft réfervé par devers foi.

Monfr. de Roches, dans fa Lettre XXÍ. lui répond que perfonne ne fe fait cette idée des Miftères. On dit à la vérité que ce font des chofes qui furpaffent à plufieurs égards, l'intelligence bumaine, & qui ont encore divers cotez cachez pour nous mais les Théologiens n'ont jamais dit que ce font des chofes cachées, abfolument parlant, & impénétrables; moins encore des chofes non révélées, & que Dieu réferve par devers foi. Une chofe peut être révélée, quoiqu'elle ne le foit pas de manière à n'avoir rien de caché pour nous. On en alègue pour exemple le Dogme de la Réfurrection.

Pour s'autorifer à ne rien recevoir comme révélé, qui ne foit parfaitement clair, Tome XXIII. Part. I. I l'Auteur

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