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Au cours de la terrible crise économique que nous venons de traverser, l'attention de nos grands organismes économiques s'est enfin fixée sur nos territoires extra-européens; elle s'est préoccupée de tout ce que nos colonies pouvaient fournir comme matière première à la métropole. Demain sans doute nos industries textiles triompheront des graves obstacles qui s'opposent à leur développement normal à la faveur du coton et de la laine qu'elles tireront de nos possessions lointaines.

L'Angleterre, grâce à ses importantes mines de houille, grâce à ses innombrables dépôts de charbon, a, par le passé, pu assurer à son commerce un caractère mondial. Une révolution profonde est en train de se produire dans l'évolution de la marine marchande; dans peu d'années le mazout, combustible liquide qui remplit tous les vides des soutes, remplacera le charbon. Avec une remarquable constance de vues, les dirigeants de la politique britannique ont travaillé de toute leur énergie à assurer à leur pays, dans la lutte économique de demain, des conditions de transport aussi avantageuse que celles de jadis. Si l'Angleterre ne recèle vraisemblablement pas de pétrole dans son sous-sol métropolitain, si parmi ses colonies quelques-unes seulement possèdent de grands gîtes de naphte, ses ministres ont su, en complète union avec de grands trusts pétroliers administrés par des sujets du Royaume-Uni, s'assurer une action prépondérante dans

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plusieurs pays indirectement aujourd'hui soumis à l'influence anglosaxonne. Le gouvernement de Londres, en participant largement à la constitution de l'Anglo-Persian Oil, a conféré à sa puissance pétrolière une action prépondérante dans le golfe Persique. La Burhma Oil, qui exploite le naphte des Indes, et la Shell Transport, par leur intime liaison avec la Royal Dutsh hollandaise, ont placé sous le contrôle britannique, l'ensemble de la Malaisie, Indes néerlandaises et protectorats de Bornéo. Nous voyons ainsi l'Angleterre s'assurer la maîtrise des mines d'hydrocarbures des contrées riveraines de l'océan Indien, tandis que l'installation projetée d'un gigantesque dépôt de pétrole à Singapour et l'aménagement d'une grande raffinerie sur le littoral de la Perse méridionale dans la zone d'influence britannique, assurent aux navires anglais un ravitaillement inépuisable en naphte dans la mer des Indes. Il est à peine besoin de rappeler pour compléter ce tableau, le grand effort de recherches de pétrole fait en Égypte, tant sous l'égide des trusts que sous l'impulsion directe du gouvernement égyptien. Ce que je viens de rappeler brièvement de la politique pétrolière anglaise dans l'océan Indien pourrait s'appliquer avec des variantes à tout le globe.

Il importe que la France, que l'industrie française fasse à son tour l'effort indispensable pour assurer demain comme hier notre indépendance. Il nous faut du pétrole, nous devons le chercher tout d'abord dans nos colonies et nous devons aussi nous assurer le contrôle d'une certaine production d'hydrocarbures dans des pays neufs que leur état social ou leur culture attirent dans notre sphère d'influence. Dans l'océan Indien, qui paraît être un des grands champs de la lutte mondiale du pétrole, la France doit demain jouer son rôle et il faut savoir gré au Gouvernement général de Madagascar, d'avoir voulu sous l'impulsion de M. le Gouverneur Garbit, organiser la première grande mission de prospection du pétrole dont les recherches aient été orientées vers notre domaine colonial. Il l'a pu, grâce au concours financier du Ministère du Commerce, où sont centralisées dans la métropole toutes les questions relatives au problème des combustibles liquides, à la Direction des Essences, que dirige avec autorité M. l'Intendant Pineau.

La mission technique d'études des terrains bitumineux de Madagascar fut réservée à M. l'Ingénieur en chef des Ponts Hardel, ancien directeur des Essences. La mission d'études géologiques fut confiée à mon maître et ami M. Léon Bertrand, Professeur de géologie appliquée à la Sorbonne, et à moi-même. Avant de retracer nos

principales observations, il me paraît indispensable d'esquisser brièvement ici quelques-uns des traits essentiels de la géographie de Madagascar.

Trois grands noms dominent l'image de notre principale possession de l'océan Indien, pour un Français explorateur et géologue. C'est Gallieni qui a fait de Madagascar une belle colonie française; c'est Alfred Grandidier, qui a exploré l'île en tous sens et dont les descriptions sont pieusement continuées par son fils, M. Guillaume Grandidier, Secrétaire général de la Société de géographie; c'est enfin M. Alfred Lacroix, Secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences, dont les patientes études ont fait de Madagascar le pays le mieux connu du globe au double point de vue de la minéralogie et de la pétrographie.

II.

Schéma structural de Madagascar.

Madagascar est limité vers l'est par une côte remarquablement rigide, orientée nord-nord-est, sud-sud-ouest. Lorsque partant de ce rivage, on s'élève vers les plateaux de l'intérieur, on est frappé par la rencontre d'une série de falaises s'étageant en gradins et courant toutes parallèlement à la grande cassure subméridienne bordière; le long de tous ces accidents tectoniques surgissent des roches éruptives, mais l'ensemble des régions orientale et centrale de la grande île a son sous-sol formé par un énorme bloc de terrains cristallins, de gneiss principalement. En dehors des appareils volcaniques constitués par des roches éruptives plus ou moins récentes, on trouve cependant, à la surface des hauts plateaux de Madagascar, des dépressions lacustres de quelque importance, le lac Alaotra par exemple; ce ne sont que des restes d'anciennes étendues lacustres subméridiennes, parallèles à la grande faille de l'est, remontant sans doute pour une bonne part à la deuxième phase des temps tertiaires et tout à fait comparables à celles qui constituent encore à l'heure actuelle le trait architectural dominant de l'Afrique orientale. Autrefois, ces grands lacs étaient peuplés d'hippopotames, comme le lac Rodolphe, le Victoria Nyanza ou le Tanganyika. Sur leurs bords, grâce à une atmosphère très humide, prospérait une luxuriante végétation arborescente, aux peuplements abritant une population de Lémuriens gigantesques dont les beaux squelettes, habilement reconstitués, forment aujourd'hui l'un des plus remarquables attraits des collections du musée de Tananarive si bien aménagé grâce à l'activité scientifique

de l'Académie malgache, de son distingué président M. le Dr Fontoynont, et de son secrétaire général, M. C. Lamberton.

La partie occidentale de Madagascar présente une constitution géologique toute différente. Elle est formée d'une série de larges bandes parallèles de terrains sédimentaires de plus en plus récents au fur et à mesure que l'on descend des plateaux vers le canal de Mozambique. Aux sables triasiques succèdent ainsi de l'est vers l'ouest, les calcaires et les marnes jurassiques, les marnes, grès et tufs basaltiques crétacés, les calcaires tertiaires et quaternaires. Cependant une interruption de ces bandes correspond à la saillie que dessine vers le nord-ouest le cap Saint-André. Du rebroussement presque à angle droit que marque à cette hauteur le bord de la région cristalline, le Bongo Lava, dépendent, dans la zone sédimentaire, deux grandes apophyses de terrains gneissiques jalonnant, dans leur ensemble, un axe anticlinal nord-nord-ouest, sud-sud-est. D'autres accidents tectoniques du même ordre, quoique bien moins importants et ne ramenant pas de terrains cristallins au milieu des bandes sédimentaires, s'observent vers la latitude de Nossi-Bé; les axes tectoniques qu'ils permettent de reconnaître sont plus voisins de la méridienne que ceux de la région du cap Saint-André. Enfin on peut se demander si les différences profondes reconnues par mon ami, M. Paul Lemoine, professeur de Géologie au Muséum, entre les terrains sédimentaires de l'ouest, et de l'est de la région de DiegoSuarez, ne tiendraient pas à l'existence d'une ondulation anticlinale méridienne dont l'axe coïnciderait plus ou moins avec la montagne d'Ambre actuelle et serait ainsi masquée par ce pittoresque ensemble d'appareils volcaniques.

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III. Le géosynclinal du Mozambique et les grandes cassures africaines.

Madagascar, partie intégrante de l'ancien « Continent de Gondwana », comme l'Amérique du Sud, l'Afrique, l'Inde, l'Australie, l'Antarctide, contrées toutes peuplées par la flore à Glossopteris, a sans doute été de même que le continent nord-atlantique, le théâtre de plusieurs grandes phases de plissements au cours de l'ère primaire. La dernière de ces périodes tectoniques qui a été marquée dans nos pays par l'édification des chaînes hercyniennes, a vu se produire de semblables manifestations de diastrophisme dans l'hémisphère austral. De ces événements témoignent les conglo

mérats observés dans le permien du sud de Madagascar, comme aussi les roches éruptives dont nous avons reconnu la présence dans le nord-ouest de l'île à la phase orogénique antépermienne succède donc une période d'activité volcanique dont la trace subsiste seulement sous la forme de coulées interstratifiées dans des schistes noirs.

A l'aurore de l'ère secondaire, le centre et l'est de Madagascar formaient un vaste territoire depuis longtemps plissé et sans doute déjà pénéplainé, que des terres émergées raccordaient à l'Inde. péninsulaire, à l'Australie et à l'Antarctide. Au permien même commence à se dessiner un ennoyage de la zone de soudure de l'Afrique à Madagascar. Puis à l'aurore des temps secondaires au trias, les eaux marines venant du nord, envahissent, à l'ouest de Madagascar, entre le continent australo-indo-malgache et la vieille aire de consolidation africano-brésilienne, un géosynclinal dans les régions de Diego-Suarez et d'Analalava, où vivent alors des ammonites identiques à des formes hindoues du trias inférieur. Plus au sud, s'avançait une dépendance laguno-marine de cette mer atteignant au moins la latitude de Tuléar. Les torrents, qui entraînaient du continent des éléments détritiques en même temps d'ailleurs que des troncs d'arbres, accumulaient, dans des dépressions à fond en voie de constant affaissement, des sables sur un millier de mètres d'épaisseur : ces roches détritiques forment aujourd'hui la série sédimentaire triasique du pays sakalave.

Les données de la biogéographie continentale témoignent, d'ailleurs, de la persistance au permien des liaisons terrestres de toutes les parties de l'ancienne aire de Gondwana Madagascar était alors peuplée par des reptiles archaïques, rhynchocéphales paléohattériens, protosauriens et kadaliosauriens voisins de formes du permien d'Europe et proches surtout de lacertiliens primitifs du permien du Texas ou plutôt de l'Afrique du Sud. D'ailleurs dans la faune erpétologique vivante de la grande île, nombreux sont les groupes de lézards ou de serpents qui témoignent encore, par leur aire de dispersion actuelle, de larges connexions avec l'Inde, l'Australie, l'Afrique, l'Amérique du Sud et même la Polynésie.

Au début du jurassique, des eaux franchement marines assez peu profondes (néritiques) envahissent l'ancien diverticule du géosynclinal resté au trias le domaine des lagunes. La faune qui s'y installe présente des caractères assez spéciaux, comme par exemple la persistance d'ammonites à cloisons de cératites (Bouleiceras),

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