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I

XV

LES TROIS FILLES DU MARCHAND
DE FÈVES

L y avait autrefois un marchand de fèves qui avait trois filles.

Tous les matins, les trois filles allaient chez leur maîtresse en broderie.

Elles passaient chaque matin devant le palais du Sultan.

Le Sultan assis à sa fenêtre, les voyant passer, leur disait :

« Hé! bonjour, les filles du marchand de fèves ! »

L'aînée et la seconde répondaient courtoisement au salut du Sultan, mais la cadette, qui était la plus jolie, ne répondait jamais rien.

Lorsque le Sultan demandait des nouvelles

1. Publié dans le Bulletin de l'Institut Égyptien, deuxième série, no 5, 1884, p. 72.

des fèves, si elles étaient bonnes ou mauvaises, si le commerce du père allait bien ou mal, c'était toujours la cadette qui prenait la parole pour lui répondre d'un ton bourru :

« Qu'est-ce tout cela peut te faire ? »

Le Sultan, qui aimait la cadette des filles du marchand de fèves, était désolé du peu d'empressement qu'elle mettait à lui être agréable.

Un jour, il résolut de la punir dans la personne de son père, qu'elle aimait beaucoup, beaucoup; le Sultan le savait.

Il fit donc venir le marchand de fèves et lui dit:

« Dans trois jours tu viendras ici, en ma présence, riant et pleurant à la fois. Si tu ne m'obéis pas, je te ferai trancher la tête ! »

Le marchand de fèves retourna chez lui tout pensif et fort inquiet sur son sort.

Sa fille cadette s'étant aperçue de son inquiétude, lui en demanda la raison. Le marchand de fèves lui dit l'ordre du Sultan, la crainte qu'il avait de ne pouvoir lui obéir et, dans ce cas, le malheureux sort qui l'attendait.

« Ne t'inquiète plus, lui dit sa fille. Va chez le Sultan, joyeux et riant; seulement prends cet oignon et avant d'entrer en sa présence, frotte-t'en les yeux. Tu pleureras tout en riant ! »

Le marchand de fèves fit ainsi que sa fille le lui avait dit. Il se présenta devant le Sultan, riant et pleurant à la fois, tandis que le troisième jour n'était pas encore passé.

Le Sultan fut très vexé. Mais comme il ne pouvait tuer le marchand de fèves, il lui ordonna de revenir dans trois jours, habillé et nu à la fois.

Le marchand de fèves tomba dans une nouvelle perplexité. Il consulta sa fille cadette qui lui dit :

« N'est-ce que cela? Va, mon père, chez le pêcheur, notre voisin, et achète-lui un grand filet; je t'en ferai une guéllabieh', tu t'en habilleras et ainsi tu seras nu et habillé à la fois! >>

Le marchand de fèves ainsi affublé se

1. Sorte de chemise ou de blouse longue jusqu'aux pieds.

présenta, au troisième jour, devant le Sultan. Celui-ci devina, en le voyant, que la troisième fille du marchand de fèves n'avait qu'une pensée, celle de le contrarier, en conseillant son père afin de le tirer d'embarras. De dépit, il jura d'en finir avec le marchand de fèves. Il lui ordonna donc de revenir dans trois jours, mais de ne se présenter devant lui que monté sur un animal et en même temps marchant sur ses pieds.

En ce temps-là, le voisin du marchand de fèves avait une ânesse qui avait mis bas, depuis quelques jours seulement, d'un ânon.

La fille cadette du marchand de fèves, en apprenant le dernier ordre du Sultan, dit à son père :

<< N'aie nul souci, mon père, va de ce pas chez le voisin, emprunte-lui son ânon nouveau né. Lorsque tu monteras dessus, tes pieds toucheront le sol; de la sorte, tu marcheras tout en étant monté sur un animal!

Le Sultan furieux, mais ne pouvant rien contre le marchand de fèves, ni lui couper le cou, jura de tuer sa fille. Il l'aimait bien, cependant il voulait s'en venger à cause de son dédain.

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