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« Il y avait une fois un homme fort jaloux, dont la femme avait un amant qu'elle recevait chez elle en l'absence de son mari. Un jour, le mari rentra avant l'heure accoutumée. La femme cacha son amant derrière un drap et attendit que son mari fût dans la chambre, qu'il s'assît et qu'il prît haleine... Alors, comme elle tenait dans ses mains un autre drap, elle le lui passa sur la tête et le serra très fort, comme ceci... >>

Ce disant, elle lui avait passé réellement le drap sur la tête et le serrait de toutes ses forces en riant aux éclats.

Le Turc surpris, ne sachant pas s'il devait se fâcher ou prendre la chose comme un jeu ou un badinage d'enfant, criait, se débattait et jurait, mais ne parvenait pas à dégager sa tête des plis du drap.

Au milieu de ces rires, de ces cris et de ces jurons, la femme continuait l'histoire en action qu'elle avait commencée.

« Ainsi donc, disait-elle, lorsque le mari jaloux fut bien entortillé, de façon qu'il ne pouvait rien voir, ni rien entendre de ce qui pouvait se passer dans la chambre, elle

s'écria Sauve-toi par où tu es venu! par le prophète, sauve-toi !... »

Le boucher, plus mort que vif, sortit de sa cachette à cette injonction indirecte et disparut de la chambre sans que le Turc ait pu entendre ses pas, ni le voir, occupé qu'il était à faire du bruit lui-même et aveuglé par le drap qui couvrait sa tête.

La femme, voyant son amant en sûreté et tout danger disparu, se renversa sur le dos, et étendue sur le dos, elle éclata de rire.

Le mari se débarrassa enfin de son drap et voyant sa femme rire de si bon coeur, ne savait à quoi attribuer cette hilarité.

Tandis qu'il pensait, sa femme se relevant lui dit :

« Mon histoire te plait-elle ? Maintenant, vas voir derrière le drap, tu n'y verras rien !... »

On ne sait pourquoi le Turc répudia sa femme. Eut-il des soupçons... ? Trouva-t-il qu'elle riait trop gaiement à ses dépens... ? Toujours est-il qu'il quitta le pays le lendemain même, renonçant à tout jamais de mater une Cairote.

XVII

SOUHEIM-EL-LEYL

I

L y avait une fois un chasseur marié à une

jeune femme qui n'avait jamais conçu. Il était très marri de ce qu'il n'avait pas d'héritiers.

Un jour il demanda à Allah le Tout-Puissant et le Très-Haut, un fils ou une fille, quitte à mourir après l'avoir vu. Dieu exauça sa prière et sa femme devint aussitôt enceinte. Lorsqu'elle fut près d'accoucher, elle se souvint alors que son mari, le chasseur, mourrait aussitôt qu'il aurait vu le nouveau-né. Elle craignit pour la vie de son bon mari et alla accoucher d'un fils dans un souterrain qu'ils

1. Petite flèche de la nuit qui, lancée dans l'obscurité, frappe et blesse à tort et à travers. Ne serait-ce pas la flèche que dans la mythologie grecque on faisait lancer par l'Amour ?

avaient sous leur maison; elle cacha ainsi aux yeux de son mari son cher petit qu'elle appela Souheim-el-Leyl.

Quand elle savait que son fils avait faim, elle trouvait un prétexte auprès de son mari pour aller l'allaiter.

Or, un jour son mari lui dit : « ma chère femme, dis-moi donc, je t'en prie, comment il a pu se faire, que tu ne sois pas accouchée ? » Elle lui répondit résolument : « Hélas! j'ai fait une fausse couche! Allah nous l'a donné, conclut le mari, Allah nous l'a repris; si nous devions en jouir, il aurait vécu. Le créateur du jour et de la nuit nous le rempla

cera. »

Bref, Souheim-el-Leyl continua à grandir de jour en jour jusqu'à ce qu'il commença à pouvoir courir librement. Il devint d'une beauté rare.

Un jour, pendant l'absence du mari, la femme alla rendre visite aux voisines. Le père de Souheim-el-Leyl ne tarda pas à rentrer, il trouva l'enfant qui jouait tout seul dans la maison. A sa vue, il sentit son cœur battre fort dans sa poitrine et comprit aussi

tôt que celui qu'il avait sous les yeux n'était autre que son fils et que sa femme le lui avait caché ! Il couvrit ses joues de tendres baisers paternels et rendit l'âme à ses côtés.

L'enfant continua à s'amuser autour du corps de son père. Lorsque la mère rentra et qu'elle trouva son mari étendu sur le sol, elle se mit à crier de toutes ses forces. Les voisins s'assemblèrent, consolèrent la pauvre veuve et procédèrent aux funérailles du mort.

Dans la suite, la mère de Souheim-el-Leyl devint pauvre. Son fils lui dit un jour : « Mère, est-ce que mon père n'avait aucun métier ? » Elle lui répondit qu'il était chasseur. Il demanda alors où étaient ses instruments. Elle lui répondit qu'il ne restait plus qu'un bout de filet qui était jeté sur la terrasse. Il voulut le raccommoder, puis il dit à sa mère : « J'irai, ô ma mère, où le sort me mènera, et avec l'aide de Dieu je tâcherai de t'apporter quelque chose. »

Sa première chasse fut assez heureuse, il prit deux oies et un petit oiseau. Il en fut tout joyeux et se dirigeait vers chez lui quand une bande de voleurs l'arrêta. Le cheikh le

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