Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

rèrent et se dirent : « Qu'allons-nous dire au kadi, quel mensonge allons-nous inventer?

-

Nous dirons au kadi, dit l'un d'eux, que la terre, excitée par la beauté de la chamelle, en fut jalouse et l'avala; peut-être le croirat-il. >>

Ils allèrent chez le kadi et lui contèrent leur historiette. La fille du kadi était présente; elle ne tarda pas à s'apercevoir qu'un de ces gens-là avait sur son turban un petit papier, elle le retira et lut : « Nul n'a fait cette bonne action et n'est arrivé à ses fins si ce n'est Souheim-el-Leyl, le maître des deux oies et de l'oiseau. »

La fille du kadi dit : « Laissez-moi faire, je sortirai moi-même et je trouverai ma chamelle. »

Dans la rue, elle disait à chaque passant qu'elle rencontrait : « Je m'invite chez vous. - Soyez la bienvenue, lui répondait-on.

[ocr errors]

Mais vous me ferez goûter de la chamelle du kadi.

Nous n'en avons point. »

Elle fit ce manège jusqu'à ce qu'elle arrivât à un groupe où se tenait Souheim-el-Leyl.

Elle dit sa phrase et Souheim-el-Leyl lui dit aussitôt : « Veuillez me faire l'honneur de venir chez moi, je vous en ferai goûter. » Ce qui fut dit fut fait.

En sortant, elle marqua la porte d'un signe rouge pour pouvoir la reconnaître quand elle reviendrait avec des soldats pour l'arrêter.

Souheim-el-Leyl s'en aperçut, il prit de la cochenille et marqua de rouge toutes les portes de sa rue pour les confondre avec la sienne.

Lorsque la fille du kadi revint avec les soldats, elle trouva toutes les portes marquées et ne put par conséquent pas trouver celle qu'elle cherchait. Elle en devint furieuse et s'en retourna avec sa nouvelle déception, pendant que Souheim-el-Leyl était, comme d'habitude, tranquillement assis chez lui.

N'ayant pas de gains, il devint bientôt assez pauvre; il dit un jour à sa mère de lui donner les effets des voleurs et qu'il irait les vendre au marché. Elle les lui donna.

Il alla les vendre, mais les voleurs étaient justement au marché quand il y arriva; ils l'arrêtèrent et le menèrent de force chez le kadi.

Celui-ci transmit l'affaire au sultan et au vizir.

Ils ordonnèrent d'envoyer le vendredi le coupable à la potence. Le jour de son arrestation était un jeudi.

Le kadi le fit mettre en prison jusqu'à ce que le jour parût, dans une cellule en fer avec un gardien pour le surveiller.

Souheim-el-Leyl resta coi jusqu'à trois heures du matin, puis il hêla le gardien : « Je suis Azrail', lui dit-il, le petit Azraïl et je suis envoyé par le Grand, laisse-moi sortir ou je te prends l'âme à l'instant. >>

Le gardien lui ouvrit et lui dit : « Sors, si on me demande de toi, je dirai que la terre t'a avalé. >>

Il sortit, alla chez lui, se mit une fourrure toute blanche, il y cousit des chandelles qu'il alluma pour se donner l'air d'un ange, d'Azraïl.

Il alla trouver le sultan : « Je suis envoyé, dit-il, par le grand Azraïl, je suis moi-même

1. Azraïl veut dire Israël, c'est l'ange qui est chargé de prendre les âmes.

le petit; je viens prendre ton âme, puis celle du vizir, à moins que tu ne fasses libérer à l'instant Souheim-el-Leyl, que tu lui donnes ta fille en mariage et que tu lui fasses don d'une magnifique terre de rapport et d'un superbe sérail. »

Le sultan tout tremblant de peur le lui promit.

Souheim-el-Leyl le quitta et alla trouver le vizir qui tout aussi effrayé que le sultan, lui promit ce qu'il demandait pour le matin

même.

Il alla ensuite trouver le kadi qui promit comme les autres et tout aussi tremblant.

Il rentra alors chez lui, quitta sa fourrure et revint en prison, il se fit ouvrir sa cellule par le gardien et y entra.

De grand matin, le sultan, le vizir et le kadi vinrent le trouver et lui dirent : « Sors, ô Souheim-el-Leyl!

Vous voulez me pendre, » leur dit-il.

Ils lui jurèrent que non; il sortit, se maria avec la fille du sultan, devint propriétaire d'une belle abâdieh et d'un superbe sérail

où il vécut dans la plus grande paix, entre sa mère et sa femme pendant de longues années 2.

1. Comparer avec HÉRODOTE, liv. II, CXXI, Conte de Protée Rhampsinite.

[graphic]
« VorigeDoorgaan »