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v. 22

NOUVELLE

BIOGRAPHIE

GÉNÉRALE

DEPUIS LES TEMPS LES PLUS RECULÉS JUSQU'A NOS JOURS.

GREVIN (Jacques), poëte et l'un des premiers auteurs dramatiques français, et de plus médecin, né en 1539, à Clermont (Beauvoisis), mort en 1570. Après avoir fait des études brillantes dans l'université de Paris, il prit de bonne heure ses grades auprès de la faculté de médecine, et se fit en même temps remarquer parmi les disciples de Ronsard; le maître disait dans une de ses Élégies:

Ainsy dans nostre France un seul Gresvin assemble
La docte médecine et les beaux vers ensemble.

Il se signala d'abord comme poëte dramatique, et débuta par une comédie intitulée La Maubertine, qu'il dit lui avoir été dérobée; mais cette pièce avait été représentée, et elle avait suffi pour mettre en vue J. Grévin. Henri II lui en commanda une autre pour les noces de Claude, duchesse de Lorraine. Grévin écrivit La Trésorière, que des obstacles imprévus empêchèrent de jouer en cette circonstance, mais qui fut représentée le 5 février 1558, au collège de Beauvais. Deux ans après on jouait au même endroit une autre comédie de Grévin, Les Esbahis, et une tragédie, Jules César. Les comédies de Grévin ne brillent pas par la noblesse et l'élévation des sentiments, mais on y trouve des intrigues assez bien démêlées, de l'enjouement, un style vif et naturel; lui-même dans ses Préfaces se vante de savoir donner à ses personnages, qui sont en général des gens du commun, le langage qui convient à leur condition, au lieu de leur prêter celui du bel esprit. Sa tragédie de Jules César, qu'on a dite à tort traduite de la pièce latine de M. A. Muret, lui a valu les éloges de La Harpe, qui ne fait pas difficulté d'y reconnaître des idées grandes, fortes » et « le ton de la tragédie »; l'auteur lui paraît bien supérieur à Jodelle. Le Discours qui sert de préface au théâtre de J. Grévin (Paris, 1562, in-8°) mérite d'être lu : l'auteur y traite des règles

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de la poésie dramatique, et c'est peut-être le pre.. mier ouvrage écrit en français sur cette matière. Grévin a composé encore plusieurs poëmes : ainsi, en 1558, Les Regrets de Charles d'Autriche, empereur Cinquième de ce nom, ensemble la Description du Beauvoisis, avec quelques autres œuvres; et un Hymne sur le Mariage de François, dauphin de France, et de Marie Stuart, reine d'Écosse; en 1559, une Pastorale sur le mariage d'Élisabeth, reine d'Espagne; en 1560, L'Olympe, recueil qui contient des sonnets, des chansons, des odes, des villanesques, etc., et où Grévin célébrait, sous le nom d'Olympe, la belle et savante Nicole Estienne, dont il était épris et qui depuis épousa un autre médecin; en 1567 un poëme sur l'his toire de France, intitulé Proëme, et qui, bien que non signé, est attribué à J. Grévin par La Croix du Maine, Du Verdier et G. Colletet ; une traduction en vers des Thériaques de Nicandre et des Emblèmes d'Adrianus Junius. Dans ses Poésies, réunies en 1561 (Paris, in-8°), on trouve encore, sous le titre de La Gélodacrie, des sonnets et diverses pièces de vers. Tous ces poëmes ajoutèrent à la réputation de Grévin auprès de ses contemporains; mais la postérité ne se souvient que de son théâtre. M. Viollet-Leduc a réimprimé la comédie des Esbahis dans le 4 vol. de l'ancien Théâtre français (Biblioth. Elzevir.). J. Grévin prit aussi part à quelques satires contre Ronsard. Ce qui avait séparé le maître et l'élève, c'étaient des motifs de religion: Grévin, comme calviniste, avait pris fait et cause pour ses coreligionnaires, fort maltraités dans les vers de Ronsard. Le chef de la Pléiade n'imagina pas contre le rebelle de châtiment plus sévère que de rayer de ses poésies tous les vers à la louange de Grévin; mais, pour ne pas les perdre, il s'imagina de les appliquer à d'autres poetes contemporains. C'est Ronsard lui-même

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qui, dans une ode à la fin de ses œuvres, nous confesse cette petite vengeance :

J'oste Gresvin de nos escrits,
Pour ce qu'il fust si mal appris,
Affin de plaire au calvinisme,
Je voulois dire à l'athéisme,
D'injurier par ses brocars

Mon nom, cognti de toutes parts,
Et dont il faisoit tant d'estime
Par son discours et par sa ryme.

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Il ne faut pas que le poëte nous fasse oublier dans Grévin le médecin. Il eut comme tel une polémique sur l'antimoine avec un nommé de Launay, qu'il appelle dédaigneusement « un em. pirique et contre lequel il écrivit en vers et en prose. Il fit imprimer en 1568 à Anvers deux livres Des Venins, et en 1569 une traduction de l'Anatomie d'André Vésale. Il avait publié en 1567 une traduction d'un ouvrage latin de Jean Wier, De l'Imposture et Tromperie des Diables, enchantements et sorcelleries. Il mourut à Turin, peu de temps après y avoir été appelé par la fille de François Ier, Marguerite de France, duchesse de Savoie, près de laquelle il remplissait à la fois les fonctions de médecin et de conseiller d'État. Il avait trente ans, et laissait de jeunes enfants, qui furent recueillis par sa protectrice. A. CHASSANG.

Du Verdier, Bibl. fr.'- De Thou, Histoire. - G. Colletet, Hist. des Poëtes franç. (manuscrit de la Bibl. du Louvre).- Nicéron, t. XXVI. La Harpe, Cours de Littérature. - Ronsard, Elegies, sixième partie de ses OEuvres, Paris, 1609 et 1623, in-fol. - Teissier, Elogcs des Hommes-savants, t. II. Baillet, Jugementsdes Savants sur les Poëtes modernes, t. IV, 1313.- Parfaict frères, Histoire du Théâtre français, tom. III, 310, 316.- Titon du Tillet, Parnasse français, p. 130. *GRÉVY (François-Judith-Paul-Jules), avocat et homme politique français, né à Monssous-Vaudrez, le 15 août 1809. Ses parents étaient cultivateurs. Il fit ses études au collège de Poligny, et vint suivre les cours de droit à Paris. Encore étudiant, il se mêla aux combattants de 1830. Inscrit au tableau des avocats en 1837, il défendit plusieurs co-accusés de Barbès, Blanqui et Martin Bernard devant la chambre des pairs, dans l'affaire des 12 et 13 mai 1839. Cependant il s'occupa moins de politique que d'affaires civiles, et il s'était fait une certaine réputation au palais lorsque éclata la révolution de février 1848. M. Ledru-Rollin le nomma d'abord commissaire du gouvernement dans le département du Jura. Ce département le plaça le premier sur sa liste de représentants à l'Assemblée constituante. Il y fit partie du comité de la justice, et attacha son nom à un amendement qu'il présenta sur la constitution, amendement qui repoussait le principe de la création d'un président de la république, pour ne laisser qu'un conseil des ministres nommé et révoqué à volonté par l'assemblée. Cet amendement fut rejeté par 643 voix contre 158. Partisan du général Cavaignac, il vota constamment contre le ministère du 20 décembre 1848, et nommé rapporteur des diverses propositions qui demandaient la dissolution de l'Assem

blée constituante, il les combattit de toutes ses forces. Réélu le premier dans le Jura à l'Assemblée législative, il vota avec l'extrême gauche, parla en faveur de la liberté de la presse, contre l'état de siége, et présenta un amendement pour que le chemin de fer de Lyon fût exécuté par l'État; cet amendement, qui devait consacrer le principe contraire à l'exécution des chemins de fer par des compagnies, fut repoussé par 443 voix contre 205. En dehors de l'assemblée, M. Grévy présidait une petite réunion de représentants, et l'assemblée le choisit elle-même plusieurs fois pour vice-président. Le coup d'État du 2 décembre 1851 l'a rendu au barreau. L. LOUVET. Biogr. des représentants.

GREW (Obadiah), théologien anglais, né à Atherstone (comté de Warwick ), en 1607, mort en 1698. Il fut élevé au collége Balliol à Oxford, entra dans les ordres, se déclara pour le parlement', et fut nommé ministre de SaintMichel à Coventry. Quoiqu'il fût d'accord avec tique, il ne les suivit pas dans leurs procédés les presbytériens contre la hiérarchie ecclésiasenvers le roi. Il obtint même de Cromwell, lorsque celui-ci passa à Coventry, la promesse de ne commettre aucun acte de violence contre Charles Ier. Sous la restauration, il refusa de reconnaître la hiérarchie, et fut privé de sa paroisse. On a de lui: A sonner's justification by Christ; 1670, in-8°; Meditations upon Our Saviour's parable of the prodigal Son; 1678, in-4°.

Z.

Chalmers, General Biographical Dictionary. GREW (Néhémie), célèbre naturaliste anglais, fils du précédent, naquit vers 1628, à Coventry, et mourut subitement à Londres, le 25 mars 1711. Élevé dans le presbytérianisme, il poursuivit ses études à l'étranger depuis la restauration de Charles II. Reçu docteur en médecine, il s'établit d'abord à Coventry; c'est là sans doute qu'il commença, vers 1664, ses recherches sur l'anatomie et la physiologie des plantes. Il fut encouragé dans cette voie par son gendre, le Dr. Sampson, qui lui montrait un passage du traité de Glisson (De Hepate, c. 1) où l'auteur indique l'anatomie des plantes comme un sujet encore inexploré et propre à éclairer le traitement des maladies. En 1772 il vint se fixer à Londres, et peu de temps après il fut élu membre de la Société Royale, à laquelle il avait communiqué, en 1770, son premier essai sur l'anatomie des plantes, sous le titre de Idea of a philosophical History of Plants (imprimée en 1173, in-12, aux frais de la Société Royale). Plus tard, devint secrétaire de cette savante compagnie, et en publia les mémoires ( Philosophical Transactions). depuis 6 janvier 1677 (no 137) jusqu'en février de l'année suivante (no 142).

il

L'important ouvrage de Grew, Anatomy of Vegetables, of Roots and of Trunks, formait primitivement trois publications distinctes, in-8°, ils furent par la suite réunis en un vol. in-fol.;

d'unir Édouard et Jeanne; ils étaient du même âge l'un que l'autre, et ils avaient passé ensemble la plus grande partie de leur enfance. Le grand-amiral décida le marquis et la marquise de Dorset à laisser leur fille résider auprès de sa femme; mais la mort de lady Seymour ayant eu lieu dans le courant de cette même année 1548, Jeanne retourna dans sa famille, et il ne fut plus question de ce projet de mariage avec le roi. L'année suivante Seymour, atteint et convaincu de haute trahison, eut la tête tran

Londres, 1682, avec 83 planches; trad. en français par Le Vasseur, Paris, 1675 et 1679, in-12. On y trouve un grand nombre d'observations très-ingénieuses sur le développement de la graine, de la racine, de la tige, de la fleur et du fruit, observations qui ont singulièrement contribué aux progrès de la science. Grew a le premier fait reconnaître la véritable nature des fleurs composées, dont les centres ou cœurs-fleuris, comme on les appelait alors, étaient pris pour des étamines. « Les cours-fleuris, dit-il, comme sont ceux des soucis, des fleurs de ta-chée. Tous les historiens anglais, sans en excepter naisie et autres, sont ordinairement appelées étamines, parce qu'on les croit composés de filets simples, quasi stamina; mais les observations que j'ai faites m'ont persuadé qu'ils ne sont pas bien nommés, car quelque différentes que soient les étamines de diverses fleurs, elles ont toutes cela de commun que les parties qui les composent et qu'on croit n'être que des filets simples et solides, sont eux-mêmes composés de deux ou de plusieurs parties, qui ont toutes des figures différentes, mais fort régulières et fort || agréables; et c'est pour cela que je les appelle des fleurons. » Les autres ouvrages de Grew sont: Museum Regalis Societatis, or a catalogue and description of the natural and artificial rarities belonging to the Royal Society and preserved at Gresham college; Londres, 1681, avec 22 planches coloriées; on y trouve joint: Comparative Anatomy of Stomacks and guts begun, being several lectures read before the Royal Society in 1676; avec 9 planches, fournies par Dan. Colwell.; Cosmographia sacra, or a discourse of the Universe, as it is the creature and kingdom of God; Londres, 1701, in-fol.; Chauffepié, dans son Dictionnaire, a donné une analyse détaillée de ce livre, plutôt théologique que scientifique; De Aqua marina dulcorata; Londres, 1700, in-8°; - plusieurs mémoires, dans les Philosophical Transactions. F. H.

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Biogr. Brit. Rees, Cyclopædia. Biogr. Dict.

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GREY (Jeanne), reine d'Angleterre pendant neuf jours, paquit en 1538, et mourut sur l'échafaud, en 1554. Jeanne était la fille ainée de lord Grey, marquis de Dorset, et de Françoise de Suffolk (1), cousine germaine d'Édouard VI. En 1548, un des oncles maternels de ce jeune roi, Thomas Seymour, qui était grand-amiral d'Angleterre et qui avait épousé la reine douairière Catherine Parr, conçut, dans l'intérêt de sa politique particulière, le projet

(1) Françoise de Suffolk, marquise de Dorset, était la fille ainee de Marie d'Angleterre, sœur cadette de Henri VIII, et qui, peu après la mort de son premier mari, Louis XII, avait épousé Charles Brandon, duc de Suffolk. Leurs deux fils, Charles et Henri, ayant été enlevés par une épidémie, le titre de duc de Suffolk fut transinis en 1551, par une faveur particulière du jeune roi Édouard VI, à Grey, marquis de Dorset, époux de Françoise de Suffolk et père de Jeanne Grey.

un, que l'attachement de Jeanne pour la religion réformée dispose à une certaine sévérité à l'égard de cette princesse, vantent les charmes de sa figure et de son esprit, l'aménité de son caractère et la noblesse de ses sentiments. Jeanne aimait l'étude. Roger Ascham, le précepteur d'Élisabeth, rapporte qu'un jour il alla faire une visite au marquis et à la marquise de Dorset, qui se trouvaient alors dans leur résidence du comté de Leicester; quand il arriva au château, toute la famille, hormis Jeanne, qui était occupée à lire en grec un ouvrage de Platon, chassait dans le parc. Ascham ayant témoigné à la jeune princesse son étonnement de la solitude dans laquelle il la voyait, Jeanne lui répondit qu'aucune sorte de divertissement ne lui procurerait autant de plaisir que la lecture du traité De l'immortalité de l'Ame. Au reste, cette inclination de sa pensée vers la philosophie ne lui ótait pas les grâces de son sexe; elle se sentait heureuse de plaire et d'être aimée, et elle poussait même, remarquet-on, le goût de la parure plus loin que ne l'eussent approuvé les rigoristes de sa religion.

Cependant le déclin de la santé d'Édouard VI préoccupait le duc de Northumberland. Le pouvoir, la richesse et la duplicité de ce seigneur lui avaient attiré un grand nombre d'ennemis, qui sous un autre règne se vengeraient peutêtre de sa haute fortune et de son insolence. Pour éviter une chute, il résolut de s'élever au-dessus de tous, en plaçant un de ses enfants sur le trône, après la mort du roi Édouard. Dans ce dessein, il demanda et obtint pour Guilford Dudley, son quatrième fils, la main de Jeanne Grey, à qui sa mère, devenue duchesse de Suffolk, céda ses droits personnels (1) à la succession d'Édouard. Il ne manquait plus, pour assurer la réalisation des espérances de Northumberland, que la sanction du roi. Ce dernier avait conservé une tendre amitié pour sa cousine; le penchant de sa sœur Marie pour le papisme l'éloignait au contraire de cette princesse; quant à Élisabeth, elle lui était

(1) Les droits de la duchesse de Suffolk à la succession au trône d'Angleterre étalent basés sur le testament d'Henri VIII. Par ce testament, la couronne d'Angleterre devait être transmise, dans le cas où les trois enfants d'Henri mourraient sans laisser de postérité, aux héritiers de Marie, duchesse de Suffolk, et seconde sœur du roi, à l'exclusion des héritiers de Marguerite, sa sœur aînée, qui, mariée d'abord à Jacques IV, roi d'Écosse, avait épousé en secondes noces le comte d'Angus,

à peu près indifférente. Henri VIII, leur père, en nommant dans son testament ses deux filles pour lui succéder après Édouard, à défaut d'héritier direct de ce prince, les avait désignées l'une et l'autre en des termes qui indiquaient de sa part une condescendance marquée et n'effaçaient pas le caractère d'illégitimité que par ses ordres le parlement avait autrefois imprimé sur leur naissance. Northumberland décida Édouard à faire, lui aussi, un testament par lequel il déposséda ses deux sœurs de leurs droits à sa succession en faveur de Jeanne Grey. Celle-ci avait entièrement ignoré les intrigues de son beaupère pour l'élever à une position qu'elle n'ambitionnait pas. Le 10 juillet 1553, quatre jours après la mort d'Édouard, qu'on avait tenue secrète, Northumberland, accompagné de plusieurs seigneurs, entre autres du duc de Suffolk et des comtes de Pembroke et d'Arundel, se rendit auprès de Jeanne. Bien qu'il ne lui apprît pas d'abord le motif de sa visite, le profond respect avec lequel il lui parlait éveilla dans l'esprit de la jeune princesse une curiosité qui n'était pas exempte d'inquiétude. Bientôt parurent la mère et la belle-mère de Jeanne; Northumberland attendait leur présence pour instruire sa belle-fille de la mort et des dernières volontés d'Édouard : ce prince avait ordonné au conseil des lords de proclamer reine Jeanne Grey, à laquelle succéderaient, dans le cas où elle n'aurait pas d'enfants, les deux sœurs de cette princesse, Catherine et Marie. A ces paroles, les autres seigneurs mirent un genou en terre devant Jeanne, déclarèrent qu'ils la reconnaissaient pour leur souveraine, et jurèrent qu'ils étaient prêts à verser leur sang pour soutenir ses droits. Cette révélation inattendue jeta le trouble et l'effroi dans l'âme de la nouvelle reine; elle poussa un cri, devint pâle et tremblante, et s'évanouit. Quand elle eut recouvré l'usage de ses sens, elle fit observer à ceux qui l'entouraient qu'elle ne possédait pas les qualités et les talents nécessaires pour gouverner un royaume; elle plaida même la cause des sœurs d'Édouard; mais ensuite, sur l'insistance de son mari et de sa famille, elle accepta la couronne, avec l'espoir, ditelle, que Dieu lui donnerait la force d'en soutenir le poids, pour la gloire de la religion et le bonheur du peuple.

Le lendemain la princesse fut conduite par eau à la tour de Londres, où c'était la coutume que les rois d'Angleterre résidassent jusqu'à leur couronnement. Elle y fit son entrée avec le cérémonial alors en usage, et dans la même journée les hérauts proclamèrent la mort d'Édouard et l'avénement de Jeanne. Cette proclamation fut mal accueillie par le peuple; il ignorait le mérite de celle qu'on lui imposait pour souveraine, mais il connaissait l'astuce et la cruauté de son beau-père. L'influence dont Northumberland avait tant abusé sous le dernier règne ne serait-elle pas encore plus grande sous

celui-ci, et ne devait-on pas appréhender que plus tard il usurpât pour lui-même le trône sur lequel il allait faire asseoir son fils à côté de la cousine du feu roi? Marie, ayant pour elle la nation presque tout entière, devait l'emporter sur Jeanne, les membres du conseil qui avait proclamé cette dernière furent promptement désunis. Arundel et Pembroke passèrent des premiers dans le parti de la fille d'Henri VIII et de Catherine d'Aragon. Les troupes que Northumberland conduisait contre elle se débandèrent, et le duc, forcé de s'arrêter à Cambridge, y proclama lui-même le règne de Marie avec des démonstrations de joie.

Pendant ce temps, les jours s'écoulaient avec bien de la lenteur pour Jeanne, à la Tour, où elle était restée. A la tristesse des pressentiments qui assombrissaient sa pensée se joignait l'amertume des querelles de famille, auxquelles donnèrent lieu les prétentions de son mari à partager avec elle la puissance souveraine. Un chroniqueur italien du seizième siècle rapporte que Guilford ayant obtenu de sa femme, après une longue discussion, qu'elle lui donnerait la couronne par un acte du parlement, et Jeanne s'étant ensuite rétractée, l'époux, irrité, avait voulu se retirer à Sion-House. Mais la lettre écrite plus tard par Jeanne Grey à la reine Marie, et que cite Pollini, est-elle bien authentique ? Le même écrivain dit encore, d'après ce document, que la duchesse de Northumberland s'emporta, en cette occasion, contre sa belle-fille au point que cette dernière, effrayée de ses reproches et de ses menaces, en vint à s'imaginer qu'on lui avait fait prendre du poison. D'un autre côté, les historiens anglais représentent Guilford Dudley comme un jeune homme digne sous tous les rapports de son épouse, dont il était tendrement aimé et qu'il aimait également. Toutefois, il faut le reconnaître, les pressantes instances dont la mère et le fils obsédèrent Jeanne pour la contraindre à couronner Guilford coincident avec les vues intéressées de Northumberland; et si réellement la résistance de la nouvelle reine aux volontés de ces trois personnes amena la tentative d'empoisonnement dont nous venons de parler, cet incident jetterait un jour nouveau sur la cause du refus de Jeanne de voir Guilford avant de mourir.

Le 10 juillet, avons-nous dit, Jeanne Grey avait été reconnue reine d'Angleterre par le conseil des lords; le 20, Suffolk remit au comte de Pembroke le commandement de la Tour, et la princesse retourna à Sion-House. A peine Marie eut-elle pris possession du trône, qu'on instruisit le procès des conspirateurs. Le jugement qui les condamna à mort ne fut exécuté qu'à l'égard de Northumberland et de deux autres seigneurs. La vie de Jeanne, ainsi que celle de son père et de son mari, fut d'abord épargnée. Cette princesse avait été plutôt l'instrument que la complice de Northumberland; d'ailleurs, son existence devait être pour la reine une garantie

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