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role; il n'eut pas ce profond dédain du peuple qui caractérise les héros du moyen âge. Il avait l'instinct de la tactique moderne, et, malgré sa violence de soldat, il fut digne d'être le bras et l'épée de ce Charles le Sage, qui, au quatorzième siècle, sauva par sa prudence la nationalité française de la plus rude épreuve qu'elle eût jamais eu à subir.

Du Guesclin, marié en premières noces à Tiphaine Raguenel, épousa en deuxièmes noces (1373) Jeanne de Laval; il ne laissa pas d'enfant légitime. Son fils naturel, Michel du Guesclin, et son frère, Olivier du Guesclin, héritèrent de ses biens. L. J.

1378, par le parlement de Paris, la confisca-chevaliers que le courage et le respect de sa pation de la Bretagne et sa réunion à la France. Cette mesure injuste et impolitique excita l'indignation générale des Bretons, et une ligue formidable s'organisa pour repousser l'invasion française. Charles V manda à Paris Bertrand du Guesclin et Olivier de Clisson, leur accorda la confirmation de toutes les franchises et priviléges du pays de Bretagne, et leur fit jurer de seconder l'exécution de ses plans. Les deux chefs bretons prêtèrent ce serment avec une profonde répugnance, et Clisson ne s'inquiéta guère de le tenir. Du Guesclin, plus fidèle, essaya vainement de soumettre le comté de Rennes, et demanda qu'on renonçât à une entreprise qui allait livrer la Bretagne à l'Angleterre. Charles V persista dans son projet, et manifesta des soupcous contre du Guesclin. Celui-ci, irrité, renvoya au roi l'épée de connétable, et lui annonça qu'il allait se retirer à la cour de Castille. Charles V, comprenant sa faute, lui dépêcha les dues d'Anjou et de Bourbon pour le conjurer de reprendre son office. L'on croit que du Guesclin céda; mais, ne voulant pas continuer une guerre que réprouvait son bon sens et son patriotisme, il se rendit dans le midi, qu'infestaient des compagnies anglaises et gasconnes. Au commencement de juillet 1380, il mit le siége devant Château-Neuf de Randon, forteresse située dans les montagnes du Gévaudan, entre Mende et Le Puy. Il tomba malade presque aussitôt, et mourut au moment même où la place capitulait. Tel est du moins le récit de Cuvelier. Suivant la Chronique de du Guesclin, les assiégés ne se rendirent que le lendemain de la mort du connétable, et vinrent déposer les clefs de la place sur les genoux du héros.

Le corps du connétable fut déposé dans l'église des jacobins du Puy, et embaumé pour être transporté à Dinan, où il avait choisi lui-même sa sépulture. Charles V fit arrêter le convoi au Mans, et ordonna de le conduire à Saint-Denis, dans la sépulture des rois. « Le roi, dit Froissart, fit faire à messire Bertrand, son connétable, des obsèques aussi honorables que s'il eût été son propre fils, et le fit ensépulturer en l'église Saint-Denis, assez près de sa propre tombe, qu'il avait fait faire de son vivant, » Neuf ans plus tard, le 7 mai 1389, Charles VI fit célébrer avec une pompe extraordinaire un service pour le connétable, et l'évêque d'Auxerre prononça l'oraison funèbre. Ces honneurs étaient dus au gentilhomme breton, qui fut le plus loyal et le meilleur lieutenant de Charles V, au grand capitaine qui, au milieu d'une multitude d'expéditions, travailla toujours à l'affranchissement de la France, et qui mérite d'être compté parmi les fondateurs de l'unité française. En dehors de sa haute importance politique, du, Guesclin est extrêmement remarquable par l'originalité de sa physionomie. Ce rude Breton, laid, presque difforme, ne garda des anciens

Cuvelier, La vie du vaillant Bertrand du Guesclin, chronique en vers, publiée par M. Charrière dans les Documents inédits sur l'histoire de France; Paris, 1839, in-4°. - Froissart, Chroniques. Chroniques de Saint-Denis. - Le Triomphe des neuf Preux, ou histoire de Bertrand du Guesclin, duc de Molines; Abbeville, 1487, in-fel. Le livre des faits d'armes de Bertrand du Guesclin. Histoire des prouesses de Bertrand du Guesclin; Lyon, 1529, în-4o. — flistoire de messire Bertrand du Guesclin, connétable de France, duc de Molines, comte de Longueville et de Burgos, escrite en prose, l'an 1387, et mise en lumière par Claude Menard; Paris, 1618, in-4°. — Paul Hay du Chastelet, Histoire de Bertrand du Guesclin, Paris, 1663, in-fol. Jacques Lefebvre, Mémoires du quatorzième siècle, depuis peu découverts, contenant la vie du fameux Bertrand du Guesclin. - Guyard de Berville, Histoire de Bertrand du Guesclin; Paris, 1767, 2 vol. in-12. Auvigny, Vies des Hommes illustres de la France, t. VIII. Mazas, Capitaines du Moyen Age, t. li. Dom Martène, Thesaurus Anecdotorum, vol. III, p. 1467. - Dom Morice, Histoire de Bretagne, t. II. Fréminville, Histoire de Bertrand du Guesclin. — Carne, Les fondateurs de l'unité française, t. I. GUESLE. Voy. LA GUESLE.

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GUESNAY (Jean-Baptiste), hagiographe français, né à Aix, en 1585, mort à Avignon, le 4 novembre 1658. Il était fils de Jean Guesnay, conseiller du roi, et trésorier général des finances dans le bureau de Provence. Il fit ses études chez les jésuites d'Avignon, et entra dans leur ordre en 1601. Il y professa successivement les belles-lettres, la théologie et la philosophie. Plus tard il fut élevé à la charge de recteur, vint à Marseille, et s'adonna avec succès à la prédication. Il consacrait ses loisirs à l'étude de l'histoire de la Provence. « Mais, dit Lenglet-Dufresnoy, il figure médiocrement par les ouvrages qu'il a publiés ». On a de lui: Magdalena Massiliensis advena, sive de ejus in Provinciam appulsu; dissertatio theologico-historica in Joannem Launoyum; Lyon, 1643, in-4°. Le docteur Launoy avait nié la venue de sainte Madeleine en Provence. Le P. Guesnay entreprit de justifier la légende; Launoy répondit au jésuite, qui répliqua à son tour, et pour combattre son contradicteur il opposa autorité à autorité, invective à invective. La dispute finit comme la plupart des disputes d'érudits : chacun resta dans son opinion; — Auctuarium historicum de Magdalena Massiliensi advena, etc. (sous le pseudonyme de Pierre Henri); Lyon, 1643, in-4°, et 1657, in-fol. ;

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Le Triomphe de la Magdelaine, ou réponse à une lettre intitulée : Les Sentiments de M. Launoy sur le livre que le P. Guesnay, jésuite, a fait imprimer sous le nom de Pierre Henry Guesnay prit cette fois le pseudonyme de Denis de la Sainte-Baume; Lyon, 1647, in-8°, et 1657, in-fol.; S. Joannes Cassianus illustratus, sive chronologia vitæ S. Joannis Cassiani abbatis, et monasterii SanctiVictoris ab eodem Massiliæ conditi; Lyon, 1652, in-4°; Provinciæ Massiliensis et reliquiæ Phocensis Annales, seu Massilia gentilis et christiana; Lyon, 1657, in-fol. «< Les connaisseurs, dit le P. Le Long, font fort peu de cas des Annales de Guesnay, qui sont en effet très-pitoyables. L'auteur est un plagiaire, qui copie souvent d'autres historiens sans les nommer, surtout Antoine de Ruffi. Jamais homme n'a avancé des faits avec moins de preuves ni avec plus de hardiesse. Les conjectures les plus mal fondées sont pour lui des preuves authentiques. ))( C'est ainsi, vient ajouter Pitton, que le P. Guesnay a avancé que sainte Marthe, ayant annoncé l'Évangile à Avignon, passa en 48 à Tarascon ; que saint Trophime était un citoyen de Marseille; que l'apôtre saint Paul, allant de Rome en Espagne, s'arrêta à Marseille, et salua saint Lazare, à qui il laissa un de ses disciples nommé Restitut. Dans l'histoire de Cassien il n'est pas plus exact; tantôt il le fait arriver à Marseille avec un vent favorable, tantôt il le peint dans les horreurs d'une tempête; les routes qu'il lui fait parcourir dans la Terre Sainte n'ont jamais existé que dans son imagination : aussi ses partisans les plus déclarés n'ont pu s'empêcher d'avouer que ses ouvrages sont remplis de recherches, mais qu'elles sont obscurcies par une foule d'erreurs et de faussetés. >> A. L.

Bouche, Histoire de la Provence. - V. Pitton, Sentiments sur les Historiens de la Provence; Aix. 1682', in-12; - Dictionnaire des Hommes illustres de la Pro

vence.

GUËT (Charlemagne-Oscar), peintre français, né à Meaux, le 24 février 1802. Il eut pour maitres MM. Hersent et Horace Vernet; et, mettant bientôt à profit les conseils de ces habiles professeurs, il ne tarda pas à acquérir une assez belle réputation comme peintre de genre. Ses toiles offrent une heureuse alliance de naturel et de grâce, de sentiment et de verve. Nous ne citerons ici que ses principales productions : Salon de 1822, un Corps-de-garde de cuirassiers de la garde, une Salle de police de dragons, un Petit Joueur d'orgue, pour lesquels il reçut une médaille d'or; - en 1824, un Goutteux, quatre scènes de Pêcheurs de Granville; en 1831, Danse de Montagnards (acheté par la liste civile); Louis XIII et mademoiselle de La Fayette; - Le Cacolet: une médaille d'or de deuxième classe fut décernée à l'artiste pour ces trois tableaux; 1833, Marino-Faliero; le Retour du Petit Savoyard; en 1834, Enfants de Pécheurs

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bretons jouant sur la plage ;· La Fête de la Bonne Maman; - Les Contes de la GrandeTante; en 1835, Adélaïde de Waldorf et le Page (tiré de Goethe); La Confession de Violette (tiré du Bravo de Cooper); Petits Paysans béarnais; en 1836, un sujet tiré de Zadig, et L'Enfant malade; en 1837, Phébus chez madame de Gondelaurier;- Phébus et Esmeralda chez la Falourdet (tiré de Notre-Dame de Paris); – en 1838, une Porteuse d'eau de Venise; des Glaneuses suisses; - une petite Scène suisse; en 1839, La Conversation à la Fontaine ;-Costume béarnais;- Le Convalescent amateur de musique; une Scène d'inondation, une Madeleine: cette exposition mérita à M. Guët une médaille d'or de première classe ; en 1840, La Récolte des Figues aux environs de Gênes ;· tière, costumes de la Spezia ; Retour au Chalet; - Le Repos des Moissonneuses; ;- en 1846, Le Bonheur de la Famille, scène italienne (achetée par le ministère de l'intérieur); La Sieste; - La Fiancée d'Abydos;

une Bouqueen 1841, Le

L'Amphore. A la clôture de cette exposition, M. Guët fut décoré de la Légion d'Honneur. Depuis 1846 il a produit: Les Plaisirs de l'Élé; La jeune Mère abandonnée, tableaux qui appartiennent à la famille impériale de Russie; Trois gracieuses têtes de femme, faisant partie du cabinet du roi de Hollande, et une Virginie au bain, commandé par le ministre de la maison de l'empereur. Ces ouvrages se recommandent par une grande suavité de pinceau et une bonne entente du clair-obscur. A. DE L.

De Vaucher, Archives des Hommes du Jour. — Livrets des salons de 1822-1846. - Archives du Musée. - Documents particuliers.

GUET. Voy. DU GUET.

GUETTARD ( Jean - Étienne), naturaliste français, né à Étampes, le 22 septembre 1715, mort à Paris, le 7 janvier 1786. Petit-fils d'un médecin d'Étampes nommé Descurais, qui, par ses études sur la botanique, avait mérité de devenir le correspondant et l'ami de Bernard de Jussieu, Guettard prit dès son enfance, dans la conversation de son grand-père, le gout des sciences d'observation. Ce fut Bernard de Jussieu qui engagea le jeune Guettard à venir à Paris pour y étudier la médecine. Reçu docteur, Guettard se livra entièrement à l'histoire naturelle, sous les auspices de Réaumur, et entra en 1743 à l'Académie des Sciences, comme botaniste. La science commençait alors à sortir des écoles, et à devenir un amusement pour les puissants du monde qui réunissaient, avec plus de curiosité que de goût scientifique, les objets d'histoire naturelle remarquables par leur rareté ou la singularité de leurs formes. Telle était la collection que le duc d'Orléans, fils du régent, avait réunie au couvent de Sainte-Geneviève, où il s'était retiré. Guettard fut choisi par le prince pour garde de cette collection, et pour aide dans

ses travaux scientifiques. Plus tard le duc d'Orléans lui légua un cabinet d'histoire naturelle fort riche pour l'époque. Guettard renonça au legs en faveur du fils du duc d'Orléans, qui le nomma garde de son cabinet, avec une pension modique et un logement au Palais-Royal. C'est dans cette position qu'il passa le reste de sa vie. Les nombreux mémoires de Guettard, consignés dans les recueils scientifiques du temps, constituent sa véritable biographie: ils assignent une place éminente, dans l'histoire scientifique du dix-huitième siècle, à ce savant, trop oublié de nos jours. Guettard appartenait encore à cette première époque de l'histoire des sciences naturelles où le nombre des faits connus n'était pas encore un obstacle à l'universalité des connaissances: il a laissé des mémoires sur toutes les parties de l'histoire naturelle théorique et appliquée : zoologie, botanique, physiologie végétale, paléontologie et géologie, météorologie, médecine.

Plusieurs de ces mémoires sont consacrés à la description des objets de la collection du duc d'Orléans, et ne méritent guère de fixer aujourd'hui l'attention des savants que comme recueils de faits curieux et exceptionnels. Mais à côté de ces mémoires se trouvent des travaux fort importants sur diverses branches d'histoire naturelle, travaux qu'il est bon de rappeler à une génération trop oublieuse du passé.

La botanique avait été l'une des premières études de Guettard. Un de ses premiers ouvrages fut la publication d'un travail de son grand-père, Descurais, sur les plantes des environs d'Étampes, travail qui mérite encore d'être consulté comme flore locale. Il fit de très-longues recherches sur l'organisation des glandes chez les végétaux et sur l'application des caractères que l'on tire de ces glandes à la classification naturelle. Ses mémoires sur la transpiration des végétaux contiennent de très-remarquables expériences, qui l'ont conduit à un résultat longtemps contesté, et que les beaux travaux de M. Duchartre ont récemment établi d'une manière définitive; c'est que l'eau qui pénètre dans les organes des plantes n'y pénètre que par les racines, et que les feuilles ne concourent point à son absorption. On lui doit également des indications curieuses sur les plantes dont les fibres pourraient servir à la fabrication du papier. Partant du principe émis par Jussieu sur la similitude des propriétés des plantes d'une même famille naturelle, il a signalé l'existence d'une matière colorante analogue à celle de la garance dans une rubiacée îndigène du genre galium. Ce travail a été complétement oublié ; les expériences qui y sont mentionnées sont fort intéressantes. Duhamel venait de montrer le parti que l'on pouvait tirer de la coloration des os par la garance, dans l'étude du développement des os. Guettard monica que la racine du galium produit les mêmes phénomènes de coloration : il mentionne également

un fait curieux, et qui n'a pas été, que je sache, indiqué par les physiologistes plus récents qui ont répété les expériences de Duhamel. Ayant fait manger de la garance à une lapine pleine, cet animal eut quelque temps après un lait coloré; et les os des petits furent eux-mêmes colorés, tandis que ceux de la mère ne l'étaient pas.

En zoologie, Guettard s'appliqua surtout à la détermination des corps organisés fossiles, question qui occupait alors beaucoup les savants et même le public. La véritable nature de ces corps avait été déjà établie dans l'antiquité par Xénophane, et depuis la renaissance par un grand nombre de savants, et particulièrement par Bernard Palissy. Mais le public et même certains savants ne pouvaient admettre que les fossiles dussent leur origine à des corps organisés, et on continuait à y voir des jeux de la nature. Ces idées avaient pour défenseur Voltaire lui-même. Les nombreux travaux de Guettard contribuèrent efficacement à rectifier sur ce point les idees du public. Dans son mémoire sur les ardoisières d'Angers, il signale le premier l'existence des trilobites, dont il a reconnu les affinités avec les crustacés, car il les compare aux poux de mer, ou cyames. C'est principalement à Guettard que l'on doit la connaissance de la vraie nature des polypiers et des éponges fossiles, qui jouent un si grand rôle dans les formations geologiques: il faisait aux polypiers fossiles l'application des belles découvertes que Marsigli, Peyssonnel et Bernard de Jussieu venaient de faire sur les polypes vivants. Il faut citer également la découverte faite par Guettard près d'Étampes d'un bois fossile de renne, découverte qui excita vivement l'étonnement du public, et la première indication des ossements fossiles du gypse de Montmartre, dont la détermination devait plus tard porter si haut le nom de Georges Cuvier.

Mais les travaux les plus remarquables de Guettard concernent la géologie ou plutôt la géographie minéralogique. Guettard passa une grande partie de sa vie à voyager en France, pour y étudier la répartition géographique des substances minérales. Il poursuivit ces explorations jusqu'en Allemagne et en Pologne. Tout était alors à faire dans ce genre de travail; car, à l'exception de quelques anciennes indications très-incomplètes de Palissy, dans son Traité sur la Marne, et plus tard de l'abbé Coulon, dans son ouvrage sur la Description des Ri vières de France, la constitution minéralogique de notre patrie était alors aussi inconnue que celle de l'intérieur de l'Afrique l'est de nos jours. Guettard ne pouvait faire un pas en France sans rencontrer des faits nouveaux; aussi ses découvertes en ce genre sont-elles innombrables. Il nous suffira d'indiquer ici les faits les plus saillants. L'un de ces premiers fut de montrer que la France minéralogique se partage en plusieurs régions, qui sont nettement caractérisées

par la nature du sol et par celle des mines que l'on y rencontre. C'est dans ce travail que fut signalée pour la première fois l'analogie remarquable, et qui devait paraître alors bien singulière, entre la disposition des substances minérales en France et en Angleterre, disposition qui paraît indiquer d'une manière bien évidente que ces deux pays ont été jadis réunis l'un à l'autre, puisque nous observons une correspondance parfaitement établie entre les terrains qui bordent les deux côtés de la Manche. On doit aussi à Guettard la découverte des volcans éteints de l'Auvergne, également fort inattendue. C'est à Moulins que Guettard, qui voyageait alors avec Malesherbes, eut la première idée de l'existence de ces volcans. En examinant des pierres de construction, il y reconnut une texture analogue à celle des laves du Vésuve qu'il avait observées dans la collection du duc d'Orléans. Il s'enquit de l'origine de ces pierres, et ayant appris qu'elles venaient de Volvic, ce dernier mot Volvic, Vulcani vicus, le confirma dans son hypothèse sur leur origine volcanique. Aussitôt les deux voyageurs se rendirent en Auvergne; et ils ne furent pas médiocrement étonnés de trouver dans la plupart des montagnes de ce pays des traces bien manifestes d'anciens volcans. Cette découverte, bientôt confirmée par celle de Desmarets, qui reconnut que les basaltes, si abondants dans certaines parties de l'Auvergue, ont dans plusieurs points leur origine au centre des volcans et se comportent comme des laves, eut un retentissement d'autant plus grand que des phénomènes volcaniques produits sur divers points du globe (le fameux tremblement de terre de Lisbonne qui se fit sentir dans presque toute l'Europe occidentale et les éruptions du Vésuve) venaient tout récemment d'exciter an plus haut point l'attention et l'effroi du public; et que les convulsions de l'écorce consolidée du globe pouvaient faire redouter en Auvergne l'apparition de nouveaux phénomènes volcaniques. Mais elle eut surtout une grande importance dans l'histoire de la géologie, car elle devint le point de départ de la théorie du Vulcanisme, qui cherche dans les phénomènes volcaniques l'explication des faits géologiques, théorie incomplète, sans doute, mais qui, restreinte à ses justes limites, est restée et restera une féconde théorie. On ne doit pas oublier non plus les travaux de Guettard sur les rivières de France, sur la nature des substances minérales qu'elles tiennent en suspension par suite de la nature des terrains dont elles proviennent, ou sur lesquels elles coulent, et sur la nature des dépôts d'alluvion auxquels elles donnent naissance. Il est aussi le premier qui ait cherché à montrer que les eaux thermales sont réparties à la surface du sol suivant certaines lois. Toujours préoccupé des applications utiles de la science, en même temps que des questions théoriques les plus élevées, Guettard ne manquait aucune occasion de signa

ler sur le sol français les matériaux dont on pourrait tirer parti pour les arts. C'est ainsi qu'il montra que la France contient des granits aussi beaux que ceux de l'Égypte et pouvant leur faire concurrence. On lui doit la découverte en France des matières qui servent à la fabrication de la porcelaine. On sait avec quelle ardeur, en Allemagne et en France, les savants s'occupaient alors de trouver le secret de la fabrica. tion de cette précieuse poterie. On était déjà arrivé en France, depuis un certain nombre d'années, à faire cette espèce de verre que l'on connaft sous le nom de porcelaine tendre. Mais la fabrication de la porcelaine dure, à l'imitation de celle de la Chine, était restée un secret. Le duc d'Orléans ayant fait venir de Chine les substances que l'on emploie à la fabrication de la porcelaine dure, Guettard reconnut que cette substance, le kaolin, ressemblait beaucoup à une terre qui existe près d'Alençon; et il parvint, avec l'aide et le concours du duc d'Orléans, à fabriquer de la porcelaine avec le kaolin d'Alençon. Telle est l'origine de l'industrie de la poterie d'Alençon, qui ne donne, il est vrai, qu'one porcelaine de qualité inférieure. Guettard indiqua également dans son travail le gisement de kaolin des environs de Limoges. On sait que ce gisement est devenu le point de départ d'industries qui sont aujourd'hui très-importantes. Toutefois, il ne paraît pas que cette indication de Guettard ait été suivie. Ce n'est que quelques années plus tard, que Macquer, alors directeur de la manufacture de Sèvres, constata l'existence de ce gisement d'après l'indication d'un chimiste de Bordeaux, nommé Villaris. Ce dernier le tenait, d'après M. Brongniart (Traité des Arts céramiques), d'un chirurgien de Limoges nommé Damet.

Ces études avaient conduit Guettard à concevoir un projet qui n'a été complétement réalisé que de nos jours, celui de faire une carte minéralogique de la France. Ce projet, Guettard l'avait conçu depuis longtemps; mais l'absence de bonnes cartes géographiques en arrêtait l'exécution. « Qu'on me dresse de bonnes cartes, disaitil, et je me charge de faire connaître dessus la nature des terrains qu'elles comprendront. » La publication de la carte de Cassini permit à Guettard d'entreprendre son travail, qu'il avait fait agréer au ministre Bertin, en lui faisant comprendre les services qu'il rendrait à l'administration et aux arts utiles. Il commença, aver l'aide de Lavoisier, qui débutait alors dans la carrière des sciences. Mais l'entreprise était audessus de ses forces. Il s'arrêta après la publication des seize premières cartes, qui avaient exigé de lui des voyages de plus de seize cents lieues. Le travail fut continué pendant quelque temps par Monnet, que Guettard s'était adjoint, et qui publia dix-sept nouvelles cartes; mais Monnet, lui aussi, fut contraint d'y renoncer, et l'ouvrage resta inachevé. Il faut ajouter que la géologie était encore trop peu avancée pour permettre la réa,

lisation complète d'un si grand projet. On ne connaissait pas alors les lois de la superposition des terrains, et par suite on ne pouvait reconnaitre d'une manière exacte les terrains appartenant à une même formation. Les beaux travaux de MM. Dufresnoy et Élie de Beaumont sur la carte géologique de France ont laissé bien loin derrière eux les essais de Guettard. Mais Guettard n'en a pas moins l'honneur d'avoir conçu le premier un semblable travail, d'avoir prévu tous les avantages qu'il pourrait présenter, et d'en avoir tenté la réalisation.

La vie de Guettard est toute dans ses travaux scientifiques. Il ne se maria point. Condorcet, qui en a prononcé l'éloge devant l'Académie des Sciences, nous apprend qu'il faisait beaucoup de bien; et que, peu fait au commerce des hommes, il mettait dans ses relations une franchise qui allait jusqu'à la rudesse.

Les principaux ouvrages de Guettard sont : Mémoires sur les corps glanduleux des plantes et sur l'usage que l'on peut faire de ces parties dans l'établissement des genres (dix mémoires); publiés de 1749 à 1752 dans les Mémoires de l'Acad. des Sciences; Mémoire sur la transpiration insensible des plantes; ibid., 1752-1753; Mémoires sur quelques montagnes de France qui ont été des volcans; ibid., 1752; — Mémoire et Carte minéralogique sur la nature et la situation des terrains qui traversent la France et l'Angleterre; ibid., 1751; Mémoire sur les granits de France comparés à ceux d'Égypte; ibid., 1755; Mémoire sur les avantages que l'on peut retirer pour les ponts et chaussées d'une carte minéralogique de la France; dans le Journal Économique, t. II et III, 1752; Expériences par lesquelles on fait voir que les racines de plusieurs plantes de la famille de la garance rougissent aussi les os, et que cette propriété paraît être commune à toutes les plantes de cette classe; dans les Mém. de l'Ac. des Sc., 1751; — Mémoire sur les effets de la poudre de la racine de caillelait, donnée à une lapine pleine, dont le lait fut coloré en rose assez vif, et les os des petits furent également colorés, sans que ceux de la mère eussent changé de couleur; ibid., 1752; Mémoires sur diverses questions d'his

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toire naturelle de Science et d'Art; 6 vol. in-4°; Atlas et Description minéralogique de la France entrepris par ordre du roi par MM. Guettard et Monnet, publié par ce der. nier d'après ses nouveaux voyages, 1re partie, comprenant le Beauvaisis, la Picardie, le Boulonnais, la Flandre française, la Lorraine allemande, la Lorraine française, le Pays Messin et la Champagne; 1 vol. in-fol.; Paris, 1778-1780; -- Mémoires sur la minéralogie du Dauphiné; un vol. in-4°; Paris, DARESTE.

1779.

Condorcet, Bloge de Guettard.

GUETTE, Voy. LAGUETTE,

GUETTE ( Samuel DE LA ). Voy. CITRI de LAGUETTE.

GURUDEVILLE (Nicolas), littérateur français, né à Rouen, vers 1650, mort à La Haye, vers 1720. Son père était medecin. Il fit ses études dans sa ville natale, et y prit l'habit des Benedictins. Il se distingua comme prédicateur; mais la hardiesse de ses opinions, en contradiction avec les principaux dogmes acceptés par l'Eglise, lui attira plusieurs fois des admonitions, puis des punitions de ses supérieurs. Dégoûte des entraves apportées à l'expansion de ses idées et n'écoutant que la fougue de son caraetère, il s'évada de son couvent, se réfugia en Hollande, et abjura publiquement en faveur du protestantisme. Vers 1690, il se maria à Rotterdam, et y ouvrit des cours où il enseignait la philosophie, la littérature et les langues anciennes. Le succès ne répondit pas à son attente; il dut chercher dans sa plume un autre moyen d'existence. En 1699, il fonda à La Haye une feuille politique, L'Esprit des Cours de l'Europe. Le gouvernement français était surtout l'objet de ses attaques : le comte d'Avaux, ambassadeur de France auprès des états généraux, obtint l'interdiction du journal de Gueudeville. Celui-ci éluda cette suppression en modifiant le titre de sa publication, qu'il nomma Nouvelles des Cours de l'Europe; l'esprit en resta le même, et la persécution que son rédacteur venait de subir lui attira une grande vogue. Néanmoins, soit dissipation ou toute autre cause, Gueudeville ne s'enrichit point, et mourut septuagénaire, dans un état voisin de la misère. On a de lui, outre les Nouvelles, dont la collection, rare et curieuse aujourd'hui, forme de 1699 à 1710 18 vol. in-12, les ouvrages suivants : Critique générale des Aventures de Télémaque; Cologne, 1700, 2 vol. petit in-12. Cette critique eut beaucoup de succès; elle est divisée en cinq parties: la première a eu quatre éditions, et la seconde trois. La cinquième partie, publiée en 1702, a pour titre : Le Critique ressuscité, ou la fin de la Critique des Aventures de Télémaque, où l'on voit le véritable portrait des bons et des mauvais rois; Dialogue de M. le baron de La Hontan et d'un sauvage de l'Amérique; Amsterdam, 1704, in-8°; réimprimé à la suite du Voyage de La Hontan; Amsterdam, 1724, 2 vol. in-12, dont Gueudeville fut l'éditeur. « Ce Dialogue est, dit Quérard, une critique très-amère dirigée contre l'Église romaine et ses usages » ; Le grand Théâtre historique, ou nouvelle histoire universelle, tant sacrée que profane, avec médaillons; trad. libre de l'allemand de Imhof; Leyde, 1703 et années suivantes, 5 vol. in-fol,; · Atlas historique, ou nouvelle introduction à l'histoire, avec un Supplément, par Limiers; Amsterdam, 1713-1721, 7 vol. in-fol.; Lenglet. Dufresnoy fait l'éloge de la partie géographique, qui est de Châtelain; -- Eloge de la Folie, trad.

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