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était le ministère du 11 octobre, ni celui d'être une troupe de subalternes entre les mains d'un chef, comme le 15 avril et le 1er mars. Vos collègues sont, du moins pour la plupart, des hommes assez importants pour vous rendre tous les partis à prendre plus ou moins difficiles, pour vous obliger à faire céder votre jugement, et puis ils vous laissent en plein le fardeau sur les épaules; quand vient le moment de la lutte, chacun tire son épingle du jeu. C'est un métier de dupe, que vous ne devez pas faire plus long temps; il faut vous en expliquer clairement avec eux, et les avertir que la première fois que vous ne serez pas soutenu, vous prendrez résolument votre parti. J'en dis autant de la majorité de la chambre des députés; elle veut bien haïr vos ennemis, elle veut bien que vous les battiez, mais elle s'amuse à ce jeu-là, et toutes les fois qu'ils reviennent à la charge, fût-ce pour la dixième fois, non-seulement elle les laisse faire, mais elle s'y prête de bonne grâce, comme on va au spectacle de la Foire. C'est également une habitude qu'il faut lui faire perdre en lui en laissant, si cela est nécessaire, supporter les conséquences, sans quoi vous y perdrez à la fois votre santé et votre réputation. Tout s'use à la longue, et les hommes plus que tout le reste, dans notre forme de gouvernement. Il y a quatre ans que vous êtes au ministère; vous avez réussi au delà de toutes vos espérances; vous n'avez point de rivaux : le moment est venu pour vous d'être le maître, ou de quitter momentanément le pouvoir. Pour vous, il vous vaudrait mieux quelque temps d'interruption : vous vous remettriez tout à fait, et vous rentreriez promptement avec des forces nouvelles et une situation renouvelée. Pour le pays, s'il doit faire encore quelque sottise et manger un peu de vache enragée, il vaut mieux que ce soit du vivant du roi, et lorsque rien ne le menace que lui-même. Je ne puis donc trop vous conseiller de faire, avant l'ouverture de la session, vos conditions à tout le monde; de les faire sévères, et de les tenir, le cas échéant, sans vous laisser ébranler par les sollicitations et les prières. Gouvernez votre ministère et la chambre, ou laissez-les se tirer d'affaire. Dans l'un comme dans l'autre cas, la chance est bonne, et la meilleure pour vous serait une sortie par la grande porte.

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On serait tenté de croire que la gravité de ces conseils produisit quelque impression sur l'esprit de M. Guizot, quand on le voit, au milien de la session de 1845, manifester l'intention de se retirer. Il fit connaître à ses amis politiques qu'il ne trouvait pas un appui suffisant dans la majorité, qui chaque jour s'amoindrissait. La majorité s'effraya à l'idée de perdre un pareil défenseur, et elle chargea ses principaux membres de conjurer M. Guizot, au nom de l'intérêt commun, de rester aux affaires. M. Guizot finit par y consentir, et i! instruisit la chambre de

sa résolution dans un discours où il interpréta le vœu de la majorité comme une preuve que ses amis et lui étaient seuls en situation de représenter et de défendre les intérêts conservateurs. L'homme d'État qui avait présidé le ministère du 15 avril, le comte Molé, ne voulut pas paraître, par son silence, souscrire à une pareille déclaration, et à la tribune de la chambre des pairs il nia hautement que la politique du cabinet du 29 octobre fût l'expression fidèle ou la seule expression possible du parti conservateur; il ajouta qu'elle le compromettait au contraire et répandait dans le pays une irritation fâcheuse. M. Guizot repoussa énergiquement de pareils reproches. La lutte de ces deux hommes d'État, qui quelques années auparavant s'étaient trouvés réunis dans le même cabinet, affligea les sincères amis de la monarchie de 1830. Elle n'était pas un des moindres symptômes des complications inquiétantes de la situation.

En 1846 la chambre fut dissoute, et cette fois encore, comme en 1842, les élections ne changèrent par les forces respectives des partis. Seulement, plusieurs des anciens députés restèrent sur le champ de bataille électoral, et furent supplantés par des hommes nouveaux. Dans les premiers moments le gouvernement se déclara satisfait du résultat, et le roi Louis-Philippe écrivait du château d'Eu, à la date du 5 août 1846, au ministre de l'intérieur, M. Duchâtel, qu'il n'y avait pas encore eu depuis 1830 une aussi grande victoire électorale pour le gouvernement; il ajoutait qu'il fallait en jouir, la faire sonner à toutes les oreilles, et ne pas la décolorer par la crainte, dénuée aujourd'hui de toutes chances rapprochées, du triomphe des projets et idées démocratiques de désorganisation sociale (1). Il était difficile de moins pressentir l'avenir. Trois semaines après, le Moniteur annonçait le double mariage de la reine d'Espagne avec l'infant don François d'Assise, et de l'infante Luisa avec le duc de Montpensier. Cette question était pendante depuis plus de trois ans entre les deux gouvernements de France et d'Angleterre. Dès les premiers moments, le roi Louis-Phillippe avait déclaré qu'il n'ambitionnait pas de donner pour mari à la reine d'Espagne un de ses fils, et qu'il ne demanderait la main de l'infante pour le duc de Montpensier que lorsque la reine serait mariée et aurait des enfants. Seulement il mettait une condition à cet engagement, c'est que le mari de la reine d'Espagne serait pris parmi les descendants de Philippe V, parmi les princes de la maison de Bourbon. S'il en était autrement, si le gouvernement français pouvait craindre le mariage de la reine d'Espagne avec un prince étranger à la descendances de Philippe V, il reprenait toute sa liberté, et se réservait d'agir

(1) Revue rétrospective, publiée en 1848, par M. Taschereau, page 269.

comme il l'entendrait. La question en était là quand lord Palmerston, succédant à lord Aberdeen, écrivit, le 19 juillet 1846, à sir Henri Bulwer, ministre d'Angleterre à Madrid: « Les candidats à la reine d'Espagne se réduisent à trois le prince Léopold de Saxe-Cobourg et les deux fils de l'infant don François de Paul.... ». Lorsque le gouvernement français eut connaissance de cette dépêche, où un prince allemand était mis en première ligne, il y vit l'intention de faire sortir le trône d'Espagne de la maison de Bourbon, contrairement au principe qu'il avait posé dès le début. Le roi Louis Philippe et M. Guizot tombèrent d'accord qu'il fallait presser la conclusion immédiate du double mariage de la reine d'Espagne avec l'infant don François d'Assise, et de l'infante avec le duc de Montpensier. La cour d'Espagne, qui attendait avec impatience un dénoûment, accepta avec empressement cette solution, et les deux mariages furent conclus. Quand on a sous les yeux les pièces de cette longue négociation, on demeure convaincu que le gouvernement français resta fidèle à ses engagements, et ne fit que maintenir le principe qu'il avait posé. Mais le résultat blessa profondément le gouvernement anglais; l'alliance entre les deux peuples fut altérée, et peut-être l'histoire indiquera-t-elle un jour parmi les causes de la révolution de 1848 l'inimitié de l'Angleterre.

Dès le commencement de la première session de la chambre sortie des élections de 1846, le ministère put se convaincre qu'il y avait au sein de la majorité un élément qui pouvait amener de dangereuses divisions. C'étaient les hommes nouveaux qui avaient succédé à d'anciens memnbres de la majorité, et qui s'appelaient le jeune parti conservateur. Ils avaient toute l'ardeur et aussi toute la présomption de la jeunesse. Ils ne craignirent pas, en plusieurs circonstances, de se séparer des chefs de la majorité. Ils prétendaient, en restant conservateurs, être progressistes avec sagesse, et ils s'autorisaient d'un discours qu'avait prononcé M. Guizot au milieu de la lutte électorale. Dans une harangue à ses électeurs, M. Guizot avait dit : « Toutes les politiques vous promettront le progrès, la politique conservatrice seule vous le donnera. » Cette phrase eut un grand retentissement dans le pays. Elle devint comme le mot d'ordre du jeune parti conservateur, qui se mit à réclamer une réforme électorale modérée. Tel n'était pas l'avis du gros de la majorité, et M. Guizot dut se décider entre ses anciens appuis et quelques jeunes amis qui se montraient assez indisciplinés. Son choix ne fut pas longtemps douteux, et tout en maintenant que la politique conservatrice n'était ni immobile, ni exclusive, et qu'elle pouvait et devait donner au pays les améliorations nécessaires, il déclara que ce n'était pas dans une première session qu'il fallait songer à toucher à la loi électorale, et qu'il s'opposait à ce qui pourrait amener la désorganisation de la majorité et jeter le

trouble dans son union avec le gouvernement. Un semblable résultat ne serait-il pas un singu lier progrès? Toutes les propositions relatives à des modifications de la législation électorale furent écartées.

Dans la même session, le ministère fut assailli par des accusations de corruption adminis trative qui passèrent de la presse quotidienne dans les débats parlementaires. L'opposition se montra infatigable à répandre les plus graves soupçons sur l'honnêteté des hommes publics, sur la probité des fonctionnaires. A la tribune, M. Guizot repoussa énergiquement ce que ces accusations avaient d'excessif, de calomnieux, et en même temps il protesta que le gouvernement n'hésiterait jamais à poursuivre la corruption; il en donnait pour preuve l'affaire dont depuis quelques jours était saisie la cour des pairs. C'était le triste procès Cubières et Teste, qui produisait le plus déplorable effet sur l'opinion, que vint encore émouvoir plus vivement la tragique histoire de la duchesse de Praslin.

C'est à la fin du mois de septembre 1847 que M. Guizot prit le titre de président du conseil; mais depuis sept ans qu'existait le ministère du 29 octobre il en était le véritable chef, et il avait tout l'honneur comme tous les dangers de la responsabilité. Cependant, après la session, l'animation politique, loin de se calmer, se changea en une sorte d'exaltation révolutionnaire. L'opposition, tant parlementaire que républicaine, se mit à agiter le pays par des démonstrations pour lui très-nouvelles. On fit des banquets; les chefs des différents partis y prononcèrent des discours véhéments, passionnés, où ils réclamaient une réforme électorale et tonnaient contre la corruption. Dans le même temps le livre des Girondins enflammait les imaginations, et la presse quotidienne alimentait, augmentait cette effervescence. C'est au milieu de ces symptômes alarmants que s'ouvrit la session de 1848. Le ministère se montra résolu à tenir tête aux orages qui se préparaient. Il rédigea un discours de la couronne plein de fermeté, où il était dit que l'opposition obeissait à des passions ennemies ou aveugles. L'opposition se tint pour offensée par ce langage, et le déciara injurieux. Elle y trouva de nouveaux motifs pour redoubler la violence de ses attaques. Elle accusa ouvertement le pouvoir de gouverner par la corruption, qui descendait de haut dans toutes les parties du corps social. Le ministère, par l'organe de M. Guizot, reprocha à son tour à l'opposition de diffamer les pouvoirs publics, les chambres, les majorités, le gouvernement, l'administration, les personnes, et de travailler à les discréditer, à les détruire par la calomnie. La question des banquets vint accroître encore l'irritation réciproque. L'opposition annonça l'intention de se réunir dans un grand banquet pour y proclamer l'urgence de la réforme : le ministère déclara qu'il s'y opposerait, et que lorsque les chambres étaient réunies, les manifestations

extra-parlementaires étaient non-seulement inu. tiles, mais dangereuses. Nous touchons aux trois journées de février. Il n'y eut pas de banquet le 22 février, mais il y eut quelque chose de plus grave une manifestation populaire qui fit descendre au sein de Paris les populations des faubourgs, et dans laquelle il était facile de reconnaître le prélude d'une vaste insurrection. Le lendemain 23 elle était générale; et devant elle le roi Louis-Philippe crut devoir de renvoyer son ministère au milieu de la journée M. Guizot montait à la tribune pour annoncer que le roi avait chargé M. le comte Molé de former un nouveau cabinet. L'opposition poussa un cri de triomphe, la majorité un cri de douleur (1). Le 24, la monarchie tombait, et la république était proclamée.

M. Guizot passa en Angleterre, et y resta environ une année. Il y fut l'objet, comme il l'a dit lui-même, d'un accueil plus empressé, plus amical dans l'adversité que dans la haute fortune. Pendant l'automne de 1848, il passa quel ques jours chez sir Robert Peel, qui le reçut avec la plus sincère cordialité dans son manoir de Drayton. A la vie politique M. Guizot fit succéder sur-le-champ l'activité littéraire. Dès le mois de janvier 1849 il publia un écrit intitulé : De la Démocratie en France, remarquable page de philosophie politique; en 1850, un Discours sur l'Histoire de la Révolution d'Angleterre, où il expliquait pourquoi cette révolution avait réussi, morceau d'une véritable profondeur, par lequel l'historien reprenait une œuvre interrompue depuis vingt-cinq ans. Il avait en 1827 publié l'histoire de Charles Ier depuis son avénement jusqu'à sa mort; depuis 1850, il a donné quatre nouveaux volumes, deux sur la république d'Angleterre et Cromwell; deux autres sur le protectorat de Richard Cromwell, et le rétablissement des Stuarts. Ces six volumes doivent être suivis de trois autres, comprenant l'histoire des règnes de Charles II, de Jacques II, et de la révolution de 1688. Ainsi se trouvera terminé un des plus beaux monuments de l'art et de la science historique dans notre siècle. Au milieu de ces grands travaux, M. Gnizot a trouvé le temps d'écrire sur notre époque plusieurs morceaux, parmi lesquels on a particulièrement remarqué l'article intitulé Nos Craintes et nos Espérances, de prononcer au sein de l'Institut de remarquables discours, de composer sur sir Robert Peel une excellente étude, de publier des réimpressions, devenues nécessaires, d'anciens Ouvrages. Les œuvres de M. Guizot forment aujourd'hui vingt-trois volumes in-8°. M. Guizot ne tardera pas à publier la collection complète de ses discours politiques, et il s'occupe en ce mo

(1) C'est dans la soirée du 23 février que devant l'hôtel des affaires étrangères, qui maintenant n'existe plus, fut tiré un coup de pistolet auquel répondit une décharge de la troupe ce fut comme le signal de la reprise de l'insurrection.

ment d'écrire un ouvrage qui aura pour titre : Mémoires pour servir à l'Histoire de mon temps. Dans ses Mémoires M. Guizot exposera sa politique, en donnera les raisons, expliquera ses actes, fera connaître comment il a compris son époque et les devoirs qu'elle lui imposait. C'est dire assez qu'il serait prématuré de vouloir aujourd'hui juger l'homme d'État : il faut attendre qu'il ait parlé lui-même dans ses Mémoires, qui ne manqueront pas de susciter d'intéressants débats. D'ailleurs, il n'appartient pas à la biographie, surtout quand elle s'occupe des contemporains, d'usurper le rôle de l'histoire et de prétendre en anticiper les jugements. Mais nous pouvons dès aujourd'hui apprécier dans M. Guizot l'orateur, l'historien, le penseur. L'éloquence que M. Guizot a déployée à la tribune est assurément la justification la plus éclatante du mot de Quintilien: Fiunt oratores. Dans la chaire de la Sorbonne, l'exposition historique de M. Guizot était pour le fond grave, intéressante, nouvelle; mais dans la forme elle était parfois monotone, et elle était loin de produire sur l'auditoire le même effet que la vive improvisation de M. Villemain, que la parole, le geste dramatique de M. Cousin. Mais quand, à la chambre, M. Guizot se trouva au milieu des partis et de leurs attaques, au milieu des affaires et de leurs difficultés, quand il eut le pouvoir à défendre, l'opinion à persuader, une majorité à guider et à maintenir, sa parole devint par degrés plus nette, plus incisive, plus puissante : il semblait que chaque jour amenait un progrès. Enfin, lorsqu'à la fin de 1840 M. Guizot, devenu en réalité premier ministre, eut tout le poids des affaires, et dut faire face à tous, repousser sur tous les points les agressions d'adversaires aussi redoutables que MM. Berryer, Thiers, on vit, avec une surprise que nous pouvons appeler de l'admiration, l'orateur grandir chaque jour, gagner chaque jour un don, une qualité, et au milieu des plus vives ardeurs de la lutte, arriver presque à la perfection. Nous rencontrons dans l'historien la même supériorité. Il y a chez M. Guizot le savant et l'artiste. Personne n'ignore tout ce que l'histoire de France doit au savant. Dans l'Histoire de la Révolution d'Angleterre, M. Guizot a montré un talent d'écrivain, d'artiste qui rappelle souvent la manière des anciens. Dans son récit il caractérise, il juge en passant les hommes qu'il rencontre, avec la profondeur, avec la finesse la plus équitable; souvent il les peint d'un trait, d'un mot. Pour arriver à cette sobriété puissante, il faut une grande force dans la pensée; aussi la trouvons-nous chez M. Guizot. Ii a toujours consacré une attention profonde aux grands problèmes de la destinée et de la nature humaine. Il n'a pas abordé les questions métaphysiques proprement dites; mais c'est un moraliste éloquent et persuasif. Il s'est toujours attaché à l'étude de l'homme, ayant une autre destinée que les so

ciétés elles-mêmes, et cherchant un monde invisible au delà de sa vie d'un jour. Quand il traite les questions religieuses, il institue pour ainsi dire un grave et sincère arbitrage entre le rationalisme et la foi. C'est le point de vue de Pascal disant « que la dernière démarche de la raison, c'est de connaître qu'il y a une infinité de choses qui la surpassent ».

Le fils de M. Guizot, M. Guillaume Guizot, a déjà pris un rang distingué parmi les jeunes hommes qui sont l'espoir de notre littérature. L'Académie Française a couronné son Ménandre, savante et spirituelle étude sur la comédie et la société grecques. LERMINIER.

Lorain, Notice dans le Dictionnaire de la Conversation. - Histoire contemporaine. - Renseignements particuliers.

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GULDBERG (Ove HOEEGH-), homme d'État et écrivain danois, né à Horsens, le 1er septembre 1731, mort à Hovedgaarden-Hall, le 7 février 1808. Fils d'un marchand, qui s'appelait Hoegh, il ajouta à ce nom celui de sa mère, lorsqu'il eut été anobli, en 1773. Nommé professeur d'éloquence à l'académie de Sorce, en 1761, il dut à sa réputation d'écrivain le titre de précepteur du prince Frédéric, second fils de Frédéric V (1764). La mère de son élève, la reine Julie-Marie de Brunswick-Wolfenbüttel l'associa aux projets ambitieux qu'elle avait formés en faveur de son fils. On accuse Guldberg d'avoir favorisé les débauches du prince royal Christian, l'héritier présomptif, afin de le rendre indigne du trône. Christian VII succéda néanmoins à son père; mais, incapable de gouverner, il laissa l'exercice du pouvoir à sa femme, la reine Caroline-Mathilde, et à son favori, Struen. sée. Cette combinaison était trop contraire aux intérêts de la reine douairière pour qu'elle ne s'efforçât pas de la détruire. Guldberg, qui avait du talent pour l'intrigue, fut chargé de former une conjuration avec Rantzau, contre Caroline et Struensée. Ses manœuvres déterminèrent la chute de Caroline et de Strueusée et l'élévation du prince Frédéric aux fonctions de régent, en 1772. Nommé secrétaire du cabinet du régent (1772) et du roi (1773), secrétaire d'État (1776) et enfin ministre d'État (1783), il gouverna sous le nom de son ancien élève, qui était un homme de peu de valeur. Son ministère fut une réaction contre les réformes libérales dont Struensée avait été le zélé promoteur. C'est à son instigation que fut rendue, le 24 janvier 1774, la loi de l'indigenat, qui réservait aux Danois toutes les dignités, les charges et même le droit de faire partie des corporations, et qui fut suivie de la retraite d'un grand nombre d'étrangers industrieux. L'affranchissement des paysans fut révoqué et la liberté de la presse fut restreinte en 1773. Le ministre encouragea néanmoins l'étude des sciences, surtout de l'histoire naturelle, de l'archéologie, de la jurisprudence. L'ordonnance de 1775 établit que la langue danoise serait enseignée dans toutes les écoles. Guldberg fut obligé de donner sa dé

mission, lorsqu'en 1784 le frère du roi eut été dépossédé de la régence par son neveu, le prince Frédéric, héritier présomptif. Mais peu de temps après il fut nommé grand-bailli de Aarhuus, charge qu'il conserva jusqu'en 1802. Dans les diverses fonctions qu'il remplit, il employa toujours son autorité en faveur de la religion.

Guldberg s'est acquis une place dans l'histoire, non-seulement comme homme d'État, mais aussi comme écrivain. Il est l'un de ceux qui ont le plus contribué au perfectionnement de la langue danoise. Son chef-d'œuvre est : Verdens Historie (Histoire du Monde), part. I, t. 1, 2; part. II, t. 1; Sorce, 1768-1772. Cet ouvrage, malheureusement inachevé, est composé d'après les meilleures sources. L'auteur y fait preuve d'une perspicacite remarquable. Il prend pour modèles les écrivains de l'antiquité classique, et particulièrement Tacite, dont il s'efforce d'imiter la concision. Son style pur, noble et vigoureux, est parfois entaché d'affectation, et tombe dans la sécheresse. On a encore de Guldberg: Tanker om Milton og den saa kaldte hellige Poesie (Pensées sur Milton et sur la Poésie sacrée); Sorce, 1761; traduit en allemand, 1766; Breve over vigtige Sand heder (Lettres sur des vérités importantes); ibid.; trad. en allem., Hambourg, 1768; — Den naturlige Theologie (La Théologie naturelle), ib., 1763; Den Aabenbarede theologie (La Théologie expliquée); ib., 1773; - Tidbestemmelse af de Ny Testaments Bæger (Determination de l'époque où furent composés les livres du Nouveau Testament), ouvrage estimé; ibid., 1785. Guldberg a en outre publié une traduction danoise du panégyrique de Trajan et du Nouveau Testament, et plusieurs des discours académiques qu'il prononça en danois ou en latin. On lui attribue: Letters from an english gentleman concerning the late transaction in Copenhagen; Londres, 1772.

E. B

Minerva, 1801, v. 1803, I; 1807, IV. Plough, Ove Hæcgh-Guldberg, considéré comme homme d'État, dans Fædrelandet, nos 642. — P. Paludan-Müller, Remarques (Bemærkninger) sur les art. de Plough; Odense, 1841, in so,

H.-P. Giessing, Struensee og Guldberg; Copenhague,

1849, in-16. Helweg, Den danske Kirkes Hist., t. II. Barfod, Fortællinger af Fædrel. Hist., p. 570, 381-84. Dansk Convers.-Lex. - Nyerup et Kraft, Litt. Leri.

* GULDBERG (Christian HOEEgu-), fils du précédent, né à Fredensborg, le 1er août 1777, fut nommé lieutenant général le 2 mars 1848, et reçut le commandement des troupes du Jutland et de l'île de Fionie. On a de lui: Et par ord om (Éloge d'Ove Hoegh-Guldberg); Odense, 1841;

et de nombreux articles dans Magazin for militair Videnskabelighed (Magasin pour les Sciences militaires).

E. B. Erslew, Alm. Forf.-Lex. Thorsten, Hist. de la Litterat. danoise.

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GULGDBERG ( Frédéric HoɛEGH-), fils de Ove Guldberg, littérateur danois, né à Copenhague, le 26 mars 1771, mort le 21 septembre 1852. Il

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GULGDBERG était maître de danois dans une école normale inférieure lorsqu'il fut nommé précepteur de la princesse Caroline, en 1803. Il remplit ces fonctions jusqu'en 1810, et à partir de 1805 il habita Kiel, où la cour s'était transportée. Il fut ensuite professeur de danois à l'Institut des Cadets d'Artillerie (1813-1830); puis à la haute École Militaire (1830-1836). On a de lui un grand nombre d'écrits dans différents genres. Plusieurs de ceux qu'il publia à ses débuts décèlent un vrai poëte; mais ses derniers ouvrages renferment des particularités de style qui ont nui à leur succès, quoique d'ailleurs ils témoignent du zèle de l'auteur pour les beautés littéraires. Parmi ses six pièces de théâtre il suffit de citer: Lise og Peter (Lise et Pierre), opéra en deux actes; Copenhague, 1793;-Skrivefriheden (La Liberté de la Presse), comédie; ib.; Aften er ikke Morgen liig (Le soir ne ressemble pas au matin), comédie en quatre actes; ib., 1817. La plupart de ses premières poésies ont été réunies dans les recueils suivants: Samlede Digte (Poésies complètes); Copenhague, 1803, 2 vol.; seconde édition, augmentée, sous le titre de Samlede Smaating i bunden og ubunden Tale (Recueil de petites pièces en vers et en prose); ib., 18151816, 3 vol.; Patriotiske Digte af blandet indhold for aar 1807 (Poésie patriotique sur divers sujets, pour 1807); Kiel, 1807; — Den store Stad, en Samling Smaadigte (La grande Ville, recueil de petites poésies); Copenhague, 1818; Kjærminderne eller de lykkelige Dage (Souvenirs chéris, ou les jours heureux); ib., 1828;

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Roser og Torne (Roses et Épines); ibid., 1829; Psalmodia; ib., 1835; Blomsterkurven (La Corbeille de Fleurs); ib., 1850. On estime beaucoup ses traductions danoises d'auteurs latins, savoir: Tibul's Elegier, avec le texte; Copenhague, 1803, 2 vol.; Terents's Skuespil; ib., 1805, 2 vol.; Plautus; ib., 1812-13, 4 vol. Il a aussi traduit de l'allemand et du suédois des ouvrages de religion ou d'éducation - Enfin, il a composé et des pièces de théâtre. plusieurs ouvrages grammaticaux, entre autres Dannersprogels Retskrivning og Toneklang (Orthographe et Prononciation de la Langue Danoise); Kiel, 1809; 3e édition, refondue; Copenhague, 1813. - Il a fourni des articles à une trentaine de journaux ou revues, et rédigé Zeitung für Literatur und Kunst in den Königl. Dänischen Staaten (Journal pour les Lettres et les Arts dans les États danois); Kiel, 1807-1810. On lui attribue Epistler fra Underverdenen af baron Holberg (Épîtres de l'autre monde, par le baron Holberg); Copenhague, 1837.

Son fils, Ove-Emmerich HOEEGH-GULDBERG, né à Copenhague, le 25 septembre 1798, mort le 8 février 1843, a été avocat à la cour suprême (1823) et conseiller de justice (1833). On a de lui quelques opuscules, dont la plupart sont restés inédits.

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E. B.

T. XXII.

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339.

*

- Dansk

GULDENLOVE (Woldemar - Christian, comte de SCHLESWIG-HOLSTEIN), fils naturel de Christian IV, roi de Danemark et de Christine Munk, alla à Moscou en 1648, pour épouser Irène, fille du premier des Romanof. Le tzar désirait vivement cette union; mais le clergé, encore tout puissant en Russie, ne voulut pas la bénir avant que le prince danois n'eût changé de religion, et celui-ci aima mieux renoncer à ce mariage que d'abjurer sa foi. Ce n'est pas le seul cas où l'intolérance ait mis obstacle au succès de la politique russe. Une main anonyme a tracé une narration de cet épisode, qui abonde en détails fort intéressants; elle a été intercalée par Busching dans son Magazin für die neue Historie und Geographie; Hambourg, 1767, t. X. pce A. G-N. Gebhardi's Gesch. der Königreiche Danemark, II, Richter, Gesch. der Medizin in Russland, II, 67. GULDENSTÆDT ( Jean-Antoine), médecin et naturaliste russe, né à Riga, le 29 avril 1745, mort le 23 mars 1781. Après avoir achevé ses études à Berlin et gagné ses degrés à Francfortsur-l'Oder, il prit part, de 1768 à 1775, aux explorations savantes que l'impératrice Catherine fit faire dans les contrées les plus reculées de son empire. De 1775 à 1780, professa l'histoire naturelle et présida la Société Économique de Saint-Pétersbourg, où il mourut, d'une fièvre pernicieuse qu'il avait gagnée en exerçant avec zèle son ministère. Studieux à l'excès, il a eu le tempsde laisser : Mémoires latins, touchant l'histoire naturelle et la botanique, insérés dans les Mémoires de l'Académie de Saint-Pétersbourg; Mémoires allemands, historiques, géographiques, économiques, enrichis de cartes, insérés dans le Calendrier historique et géographique de Saint-Pétersbourg; — Mémoire français sur les produits de la Russie propres à tenir la balance du commerce toujours favorable; Saint-Pétersbourg, 1777, in-4o;

Voyage en Russie et dans les montagnes du Caucase, ouvrage posthume, aussi érudit que curieux, orné de figures, de plans et de cartes, écrit en allemand; Saint-Pétersbourg, 1787-1791, 2 vol. in-4°. La première partie, où il s'était glissé un grand nombre de fautes, a été réimprimée avec goût par les soins de Jul. Klaproth, sous ce titre Voyage en Géorgie et en Imirélie, par Guldenstadt, revu et corrigé d'après ses papiers, et accompagné d'une carte; Berlin, 1815, in-8°. La seconde partie contient de précieux vocabulaires des dialectes du Caucase, qui ont été intercalés, en abrégé et avec peu d'intelligence, dans les Mémoires historiques et géographiques sur les pays situés entre la mer Noire et la mer Caspienne; Paris, 1797,

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