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lieu du repas l'échanson était venu, selon sa coutume, lui présenter la coupe pour qu'il bût le premier, le prince avait ordonné par un signe qu'on la donnât à Martin, pour la prendre ensuite de ses mains; mais celui-ci, après avoir bu, avait passé la coupe à un de ses prêtres.

Si le vieux génie de Rome était vaincu par le Christ, il l'était aussi par les barbares. C'était un barbare, un Germain à peine romanisé, qui n'avait pas même pris souci de dissimuler le nom de sa race, c'était Arbogaste qui était venu lui prêter les secours de son bras, et se faire le vengeur de ses dieux. Déjà, sous des noms romains, les fils des Lètes germains, à peine initiés dans la vie romaine, s'étaient élevés aux emplois les plus éminents de l'empire. Énervant les peuples à mesure qu'elle les civilisait, Rome était forcée maintenant d'aller chercher, parmi les Germains et les Franks, des soldats et des généraux qui la défendissent elle-même contre les invasions des barbares, qui soutinssent les autels chancelants de leurs dieux. On avait vu deux empereurs sortir, à la seconde génération, des colonies de Lètes germains; le prétoire des empereurs, les bureaux ministériels, les armées, étaient remplis de ces barbares à demi Romains, qui d'abord s'étaient montrés fiers de participer à la civilisation de leurs vainqueurs, de se parer de leurs noms et de leurs mœurs, mais qui bientôt, comme Arbogaste, Rikhomer et Stilicon, n'allaient pas prendre la peine de cacher leur origine. En même temps les colonies de Lètes, cantonnées au milieu des provinces gauloises, changèrent peu à peu le caractère des populations. Des bandes germaines, que les troupes ne pouvaient maintenir sur les frontières, s'écoulaient sans cesse dans la Gaule par la barrière du Rhin; elles ravageaient quelques villes, brûlaient quelques villages; puis, obtenant des gouverneurs romains quelques coins de terre pour s'y établir, elles entraient, tant bien que mal, dans les rouages de l'administration, et en brisaient les ressorts. C'est à ce travail de destruction lente et continue que nous fait assister la fin du livre de M. Thierry. Vienne la faible bande de Clovis, et nous ne serons plus étonnés de la voir si facilement tenir toute la Gaule sous sa puissance.

Tel est le livre de M. Amédée Thierry. L'analyse que nous venons d'en faire révèle son importance; elle aura mis en lumière aussi, nous l'espérons, l'élévation du point de vue, le profond sentiment historique avec lesquels l'histoire de la Gaule y est traitée. Pour le style, les citations en font assez connaître l'élégance et la fermeté. Le troisième volume de l'Histoire de la Gaule sous l'administration romaine est, en tout, digne des deux premiers; c'est assez dire pour l'éloge.

HISTOIRE DES ÉVÊQUES D'ÉVREUX, avec des notices et des armoiries, par MM. A. CHASSANT et G. E. SAUVAGE, régent au collège d'Évreux. -Un vol. in-8° de 208 pages. Évreux, chez Louis Tavernier.

L'histoire des évêques d'Évreux, avec des notices et des armoiries, par M. A. Chassant et M. G. E. Sauvage, régent au collége d'Évreux, est un bon livre, qui est destiné à rendre, nous n'en doutons pas, quelques services aux sciences historiques. Quatre-vingt-huit prélats ont occupé le siége épiscopal d'Évreux, si l'on veut y comprendre deux évêques constitutionnels, dont l'un fut Robert-Thomas Lindet, de l'Assemblée nationale, et plus tard l'un des membres les plus influents de la Convention.

Depuis saint Taurin, vers 380, jusqu'à la révolution, tous les évêques d'Évreux ne se sont pas fait remarquer par des actions d'éclat; mais il en est plusieurs qui ont joué un rôle important dans l'histoire de France. C'est ainsi que Pasquier de Vaux sut, au xv° siècle, se rendre célèbre par sa fidélité au roi d'Angleterre en vain Jeanne d'Arc, par l'enthousiasme qu'elle inspira, avait raffermi le trône des Valois ; en vain le roi de Bourges avait été sacré dans l'église de Reims, il n'y avait pour Pasquier qu'un usurpateur, un violateur du traité de Troyes: c'était Charles VII. Bien plus, lorsque Robert de Floques eut réduit la ville d'Évreux et chassé les Anglais, Pasquier refusa de se soumettre. Le pape Eugène IV admira sa fermeté, et le transféra dans l'église de Lisieux, qui tenait encore pour l'Angleterre. Plus tard, la Balue fut élevé sur le siége d'Évreux. On sait les destinées singulières de ce prélat. Tour à tour conseiller de Juvénal des Ursins, dont il dépouilla les héritiers; captivant la bienveillance de Jean de Beauvau, évêque d'Angers; obtenant le titre de vicaire général de ce diocèse; nommé receveur du trésor public par Louis XI, et devenant secrétaire intime de ce monarque, Jean de la Balue profita de la faveur royale pour s'élever plus haut encore; et enfin, lorsqu'il paraissait n'avoir plus rien à convoiter, il fut convaincu de trahison, et jeté par son maître dans une de ces cages que Commines a si bien décrites. C'est encore Gabriel le Veneur qui joua, au concile de Trente, un rôle important; et enfin le célèbre Jacques Davy du Perron, qui fut, comme on sait, l'un des hommes les plus éminents de la fin du xvIe siècle. Ce sont là des noms connus : nous aurions pu mettre peut-être sur cette liste, sinon des hommes aussi célèbres, au moins des prélats recommandables soit par leur piété ou leur science, soit par leur libérale générosité.

Renfermés dans des bornes qu'ils ne voulaient point franchir, les au

teurs de l'Histoire des évêques d'Évreux ont dû regretter plus d'une fois de ne pouvoir développer certaines de leurs notices. Il est fâcheux toutefois qu'ils ne se soient pas préoccupés davantage de la géographie; nous eussions aimé à trouver des renseignements précis et détaillés en même temps sur le pays qui fut plus tard le diocèse d'Évreux, lorsque saint Taurin vint y prêcher la religion chrétienne. Néanmoins l'Histoire des évêques d'Évreux est un bon livre, que les érudits ne consulteront jamais sans fruit. Ajoutons ici que les fondations pieuses, provoquées par les évêques ou confirmées par eux, sont enregistrées avec soin dans cette histoire, et forment ainsi une série de documents intéressants pour les annales religieuses de la Normandie.

Ce n'est point là le début de MM. Chassant et Sauvage : le premier est auteur de bons travaux sur la diplomatique, et ses traités ont pour but de populariser cette science, ainsi que d'aplanir les difficultés de la paléographie; le second a publié sur l'histoire de Saint-Pol, son pays natal, un livre intéressant et plein d'érudition. Les deux auteurs, on le voit, avant même d'écrire l'Histoire des évêques d'Évreux, avaient déjà donné au public sérieux et aux vrais savants de bonnes garanties.

RECHERCHES historiques sur l'abbaye du BREUIL-BENoît, au diocèse d'Évreux. Un vol. in-8° de 159 pages. Typographie de Firmin Didot frères. Paris,

1847.

On trouve, au commencement de ce volume, une lettre que nous devons mentionner ici pour deux causes: 1o elle nous apprend que M. Berger de Xivrey est l'auteur des Recherches historiques sur l'abbaye du Breuil-Benoît; 2° elle contient les seuls motifs qu'aient à faire valoir ceux qui emploient aujourd'hui leurs loisirs et leur science à composer de semblables monographies.

« Il n'est aucune partie de la France, dit M. Berger de Xivrey, qui « n'ait intérêt à rattacher le présent au passé, à animer les lieux que « nous habitons maintenant à notre tour par le souvenir et les con<< trastes des temps qui ne sont plus. Des lieux ainsi étudiés deviennent << alors un legs de l'histoire, qu'on reçoit avec vénération, pour le << transmettre intact ou enrichi à ses successeurs..... Par là, surtout, << peut être favorisée cette tendance, toute conservatrice, bien pronon« cée depuis une vingtaine d'années : võir, dans tout monument de la

« vieille France, un témoin de notre histoire...., qu'il faut garder pré«cieusement, entourer de soins et de respect. »

M. Berger de Xivrey nous apprend, en outre, que l'abbaye du Breuil, dont il se propose d'écrire l'histoire, exerça, depuis sa fondation au XIIe siècle, jusqu'à la révolution française, une assez grande influence dans cette partie de la vallée de l'Eure qui s'étend entre Dreux et Ivry-la-Bataille. Elle a cela de commun avec mille autres abbayes qui n'ont produit ni plus de grands hommes, ni rendu de bien grands services.

L'auteur parle d'abord de l'origine de l'abbaye. Elle sortit de Vaux de Cernay, qui était issue de Savigny, laquelle, à son tour, était une colonie de Fontevrault. Quand l'ordre fondé par Robert d'Arbrissel adopta la règle de Saint-Benoît, les moines du Breuil suivirent l'exemple qui leur avait été donné par leurs aînés.

Dès lors, rien de remarquable. L'abbaye croît et décroît. C'est l'histoire de tout ce qui existe en ce bas monde.

L'auteur, à la suite de son résumé, a publié un assez grand nombre de pièces justificatives. Plusieurs sont inédites. Nous signalerons à nos lecteurs celles qui portent les numéros 2, 3, 4, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25 et 26. Les premières, surtout, peuvent intéresser quelques érudits. Nous ne devons pas oublier que les Recherches historiques sur l'abbaye du Breuil-Benoit, par M. Berger de Xivrey, sont ornées de huit planches.

ORDENS-LEXICON (Lexique des Ordres), par Bernhard NEUSTAEDT. Première livraison. In-8° de 64 pages. Breslau, 1847.

M. Neustädt a publié cet ouvrage sous la forme d'un Lexique, afin de faciliter les recherches du lecteur.

Ce Lexique se compose de deux parties distinctes: la première traite des ordres de chevalerie religieux et séculiers, éteints et florissants; des décorations civiles et militaires, des médailles et autres distinctions honorifiques. Elle retrace l'histoire de chaque ordre à partir de sa fondation; elle reproduit, par extraits, ce qu'il y a de plus remarquable dans les statuts de fondation; enfin, elle offre une description des insignes et des costumes.

La deuxième partie est consacrée aux ordres monastiques.

Grâce à cette disposition générale, nous sommes à même d'appré

cier le livre de M. Neustädt dès aujourd'hui, sauf à revenir plus tard, s'il y a lieu, à propos des livraisons suivantes, sur des détails qui pourraient intéresser nos lecteurs.

Or, il faut bien le dire, le Lexique des Ordres n'est point une production vraiment scientifique c'est une longue et indigeste compilation, remplie souvent de particularités insignifiantes et complétement inutiles. Pourquoi M. Neustädt, par exemple, nous donne-t-il les documents relatifs à l'Aigle de Madagascar, qui n'existe peut-être pas, et à l'ordre d'Albrecht l'Ours, qui, s'il existe, méritait à peine une simple mention?

Voici, à notre avis, une chose qui est bien grave encore : nous sommes avertis par le prospectus que les gravures et images représentant les costumes, les sceaux, les blasons et armoiries coloriées, ont été partout supprimées, et avantageusement remplacées par des descriptions d'une exactitude minutieuse. Voyons, et prenons un exemple au hasard : « L'habit de cérémonie (il s'agit de l'ordre d'Alexandre Newski) << est fait en drap blanc; sur toutes les coutures, il est couvert de « tresses d'argent; ajoutez-y un gilet rouge et des culottes blanches « brodées en argent ; des bas rouges, des souliers noirs à rubans; un chapeau noir, orné de deux plumes blanches, d'une cocarde de la « même couleur, etc. »>

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Telles sont les descriptions que nous rencontrons dans la livraison que nous avons sous les yeux.

Gelbke, Wietz, Gottschalk, Perrot, surtout Jacques Bresson et de Budenfeld, auteurs dont la réputation est bien établie, donnent des renseignements tout aussi exacts que ceux que l'on rencontre, par exemple, sur les ordres d'Alcantara, de l'Aigle rouge, de l'Aigle noir, d'Alexandre Newski, des quatre empereurs, dans la première livraison de l'ouvrage publié par M. Neustädt.

Les gravures occupent une large place dans leurs livres, qui, à notre avis, sont, à peu de chose près, ce qu'ils doivent être. Celui de M. Neustädt ne mérite pas les mêmes éloges; et s'il n'était trop tard, nous nous permettrions de conseiller à l'auteur de se borner à remplir, à l'aide des documents souvent curieux qu'il a laborieusement assemblés, les lacunes qui existent dans les ouvrages de ses savants devanciers.

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