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dont la perte par la reproduction devient actuellement impossible, et permet d'établir, pour les besoins de l'art, une classification spéciale, sans qu'il soit nécessaire d'altérer en rien l'ancienne classification historique des actes auxquels les sceaux sont suspendus.

Pour établir cette classification nouvelle, M. Letronne a trouvé un auxiliaire aussi zélé qu'habile dans M. Natalis de Wailly, membre de l'Institut, et chef de la section administrative des Archives, déjà si justement apprécié pour les consciencieuses et savantes études sigillographiques que renferme son Manuel de Paléographie. Enfin, l'un et l'autre ont été merveilleusement secondés par M. Lallemand, un de leurs employés.

Nous terminerons en indiquant sommairement quelques-uns des types de la collection, pour donner une idée des ressources qu'elle peut offrir aux diverses branches des arts plastiques.

Il est inutile d'insister sur l'utilité que la gravure peut tirer de la sigillographie. Là est son passé et l'histoire de ses progrès. Citons, néanmoins, en passant, le sceau du chapitre de Cantorbéry, extraordinaire d'exécution pour l'époque (1232), et qui représente, d'un côté, l'église de Cantorbéry, avec des parties travaillées en creux et des figures intérieures; de l'autre, une scène, naïvement rendue, du meurtre de Becket.

L'architecture trouvera, dans l'étude des sceaux, une suite d'observations à faire. Sans parler des ornements gothiques qui se rencontrent à chaque instant, et dans lesquels la richesse ou la naïveté du dessin emprunte un nouveau prix à la date précise qui les fixe, nous mentionnerons quelques représentations de monuments, où l'on peut suivre l'histoire des modifications de style, et les altérations des édifices primitifs; nous citerons, entre autres, les sceaux de la ville de Vienne, en Dauphiné (1343); de la Sainte-Chapelle, en 1387; du château de Vincennes, en 1406; des Quinze-Vingts de Paris; de l'église romane de Saint-Sernin, de Toulouse, etc., etc.

Mais c'est surtout aux peintres et aux sculpteurs que la collection des sceaux dont nous parlons offre le plus de ressources. Quelquesuns de ces sceaux sont de véritables bas-reliefs. L'histoire du costume s'y retrouve année par année, et, comme nous l'avons dit, dans sa vérité officielle. Ainsi, depuis Raoul, comte de Vermandois, que nous voyons, en 1135, avec sa lance à bannière, son bonnet pointu, sa longue robe de mailles, nous pouvons étudier, dans la collection, les transformations successives des équipements de guerre, ou des modes civiles; la forme des armes, des casques, des panaches, des caparaçons, des harnais de chasse. Guerriers des cantons suisses, bourgeois des communes de Flandre, empereurs d'Allemagne, rois des pays du Nord et du Midi, princes, seigneurs, dignitaires ecclésiastiques, ouvriers de la France et de l'étranger, tous se sont conservés immobiles à leur rang, à leur âge, dans leurs armures, sur leurs trônes, avec leurs attributs distinctifs; tous n'attendent, pour revivre

et prendre place dans des compositions historiques, inspirées de la vérité, que les artistes qui les évoqueront.

Eugène DE STadler.

MES LOISIRS,

ou Journal d'un bourgeois de PARIS, de 1766

à 1790.

1774.

Jeudi, 17 mars.-Ce jour, le nouveau parlement, toutes les chambres assemblées, procède au jugement définitif de l'accusation intentée en crime de faux par le procureur général contre le sieur Goëzman, l'un de ses membres; et, sur les conclusions dudit procureur général, ledit sieur Goëzman est condamné, par un arrêt rendu vers une heure et demie après midi, à être blâmé, déchu de son état, et déclaré incapable de jamais posséder aucune charge, comme ayant été sans doute déclaré dûment atteint et convaincu du susdit crime de faux. On prétendait qu'il lui était, en outre, défendu de jamais prendre en aucun temps, et sous quelque prétexte que ce pût être, la qualité d'ancien magistrat. On disait que, sommé la veille en la forme ordinaire de se rendre aux pieds de la cour, il n'avait pas jugé à propos de satisfaire à la sommation, et qu'il avait été en quelque manière jugé comme contumace. On disait aussi qu'il y avait eu nombre de voix pour les galères, etc... C'était tout ce qu'on pouvait savoir de l'arrêt, qui devait demeurer enseveli au greffe, et n'être jamais rendu public par l'impression. Tandis que MM. les inamovibles procédaient au palais à ce jugement, qu'on ne pouvait raisonnablement taxer d'injustice ni de trop de rigueur, de la part d'une compagnie si intéressée à ménager ses membres, le sieur Goëzman était occupé chez lui à donner audience à des huissiers qui saisissaient ses meubles et effets, pour raison des dettes et obligations par lui contractées. Il devait au seul tapissier la somme de vingt-cinq mille livres, et quatorze cents livres de loyer à son propriétaire, sans parler des autres objets; car on assurait qu'il avait reçu trente assignations au Châtelet depuis le 26 février, jour de l'arrêt rendu dans son affaire contre le sieur Caron de Beaumarchais, par lequel il avait été mis hors de cour. Le sieur Caron de Beaumarchais ne devait-il pas se trouver bien vengé, par le susdit

arrêt, des tracasseries et des affaires que lui avait suscitées le sieur Goëzman, trop malheureusement nommé rapporteur de son procès contre le comte de la Blache, légataire universel de feu M. PârisDuverney? Inde prima mali labes.

Samedi, 19 mars. - Ce jour, il se répand que madame la comtesse du Barri, croyant apercevoir beaucoup de refroidissement dans la conduite du roi à son égard, avait pris sur elle d'en témoigner à Sa Majesté toute sa douleur, la suppliant de vouloir bien, puisque, par une vicissitude assez ordinaire dans toutes les passions, et qui ne la surprenait point, elle avait lieu de penser qu'elle ne lui était plus aussi agréable que par le passé, agréer qu'elle pût se retirer de la cour, en emportant néanmoins tous les effets mobiliers qu'elle tenait de sa générosité, et surtout le portrait de Sa Majesté, qui serait toujours ce qu'elle aurait de plus cher et de plus précieux; à quoi, disait-on, le roi n'avait répondu autre chose, en lui marquant beaucoup d'indifférence, si ce n'est : J'aurai soin, Madame, de vous en avertir quand il en sera temps. On assurait aussi que le roi semblait incliner beaucoup du côté d'un changement de vie; qu'il prenait des moments de retraite, et qu'on l'avait même surpris en prière. Madame Louise de France, prieure des Carmélites de Saint-Denis, lui avait écrit, disait-on, plusieurs lettres, depuis le mercredi des Cendres, qui avaient paru faire sur l'esprit de Sa Majesté une certaine impression, et dans lesquelles elle lui annonçait les prières qu'elle avait engagé toutes les religieuses de son ordre à adresser à Dieu pour lui demander sa conservation et sa conversion. Il l'en avait remerciée, et l'avait engagée à les faire continuer. On tenait tous ces bruits de quelqu'un qui les avait recueillis à l'archevêché, où il allait fort souvent. Autant désirait-on de voir le roi embrasser la piété, autant devait-on redouter les suites d'un tel changement, dans un temps où presque tous ceux qui jouissaient de quelque crédit à la cour étaient dévoués à la société des ci-devant soidisant jésuites, qui ne manquerait certainement pas de tirer le plus grand avantage d'une circonstance si favorable, pour faire mouvoir les ressorts de sa politique, et renouer toutes ses intrigues.

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Dimanche, 20 mars. Ce jour, on assurait que le sieur Caron de Beaumarchais, qu'on avait représenté au roi comme un homme dangereux, très-propre à jouer en France le même rôle qu'on avait vu faire à Londres au fameux Wilkes, avait été obligé de s'éloigner de Paris, au moins pour un temps. Les uns le disaient parti pour la Touraine, où il avait un petit bien; d'autres prétendaient qu'il s'était retiré à l'Ile-Adam, chez le prince de Conti, et qu'il venait quelquefois chez lui lorsqu'il était nuit. On disait que les visites qu'avaient jugé à propos de lui rendre plusieurs princes de sang, et nombre d'autres personnes de distinction, lors de l'arrêt du nouveau parlement qui l'avait condamné au blâme, lui avaient fait beaucoup de tort; comme aussi que le parti qui s'était formé contre lui à la cour, en tête duquel se trou

vait la comtesse du Barri, l'avait emporté sur celui qui lui était favorable, dans lequel étaient madame la Dauphine, Mesdames, les princes du sang, etc., et qu'il avait reçu, par le canal de quelqu'un tenant à ce dernier parti, un avis secret de se mettre en sûreté. On débitait, en outre, qu'on était également parvenu à prévenir contre lui M. le Dauphin, qui avait dit à madame la Dauphine qu'elle s'intéressait pour un mauvais sujet. Quoi qu'il en fût de tous ces bruits, quelques personnes citaient M. le comte de Noailles comme ayant donné à entendre que l'orage n'était que passager, et que le sieur Caron de Beaumarchais le surmonterait tôt ou tard.

Samedi, 30 avril. · A huit heures moins un quart du soir, les deux bourdons de Notre-Dame se font entendre, et annoncent à tout Paris la vérité des bruits qui s'étaient répandus la veille, que la prétendue indigestion que le roi avait eue à Trianon, le mercredi précédent, était devenue une maladie très-sérieuse, qu'on ne pouvait pourtant pas qualifier encore. En vertu d'une lettre adressée à l'archevêque de Paris, le doyen du chapitre expose le saint sacrement pour les prières de quarante heures. L'abbé de Sainte-Geneviève fait découvrir la châsse de cette sainte, seulement par les pieds. On regardait cet événement inopiné, qui occupait singulièrement et avec raison tous les esprits, comme pouvant et devant naturellement avoir les plus grandes suites. Les comédiens français et italiens avaient, ce même jour, annoncé au public, dès le premier acte de leur pièce (ce qui ne s'était jamais fait), que, quoique la maladie du roi n'eût rien d'inquiétant, il leur était enjoint d'interrompre les spectacles jusqu'à nouvel ordre, et qu'on rendrait l'argent à ceux qui voudraient le reprendre.

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Dimanche, 1er mai. On débitait que Sa Majesté avait été confessée, quoiqu'on n'eût pu encore l'administrer. On prétendait aussi que la comtesse du Barri avait quitté Versailles la veille au soir, pour se retirer, soit à Lucienne, soit à Paris, et que les princes du sang, même le prince de Conti, qui s'était aussi rendu à la cour, occupaient son appartement, pour empêcher qu'elle n'y revînt. Que de réflexions se présentaient comme naturellement, lorsqu'on réfléchissait sur la triste situation dans laquelle se trouvait le roi! Et à quoi ne devait-on pas s'attendre, vu les circonstances, de la part de la cabale jésuitique, qui allait sans doute redoubler d'efforts pour s'emparer de l'esprit de Sa Majesté ?

Mardi, 3 mai. Ce jour, la confusion et la variété des raisonnements sur la maladie du roi continuaient d'être les mêmes, sans qu'on crût devoir s'en rapporter aux deux bulletins suivants :

Lundi, 2 mai, 8 heures du soir. La fièvre a été beaucoup moindre aujourd'hui; les boutons grossissent, et quelques-uns des premiers commencent à

blanchir; la tête et la respiration sont très-libres; Sa Majesté a pris beaucoup de part à la conversation ; les urines et les évacuations du ventre sont toujours très-louables, et les vésicatoires continuent toujours leur bon effet. Signé Lemonier, Lassonne, etc., médecins. >>

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Mardi, 3 mai, 8 heures du matin. La fièvre n'a presque pas augmenté cette nuit ; pendant le temps qu'elle a duré, la peau a conservé de la moiteur; Sa Majesté n'a pas dormi, à cause des démangeaisons importunes du nez et du menton; les boutons sont bien nourris par tout le corps, et les premiers se disposent favorablement à la suppuration; les urines sont belles, et les vésicatoires continuent à faire un bon effet. >

On apprend qu'une dame qui s'était avisée de contrôler la rédaction des bulletins ci-dessus transcrits, affichés à l'hôtel de ville, avait été arrêtée sur-le-champ, et conduite en prison. Tout Paris était rempli de mouches qui épiaient les discours des citoyens, et les forçaient d'user de la plus grande circonspection dans leurs paroles.

On assurait que la comtesse du Barri, loin d'avoir quitté Versailles, y était toujours environnée d'un grand nombre de seigneurs qui continuaient de lui faire la cour, et qu'elle était même introduite de temps en temps dans l'appartement du roi, quoique les dames de France et M. le duc d'Orléans s'y montrassent fort assidûment.

Mercredi, 4 mai. Madame la comtesse du Barri, pour se conformer aux intentions du roi, quitte Versailles à trois heures après midi, et se retire au village de Ruel, chez madame la duchesse d'Aiguillon, qui l'y conduit dans son carrosse.

On disait que Sa Majesté, après avoir ordonné au cardinal de la Roche-Aymon, archevêque duc de Reims et grand aumônier de France, de lui déclarer le genre de maladie dont elle était attaquée ; sur ce que le prélat avait répondu que c'état la petite vérole, le roi avait répliqué : « On ne revient point à mon âge de cette maladie; il faut que je mette ordre à mes affaires ; » qu'ensuite il avait demandé le duc d'Orléans, avec lequel il s'était entretenu pendant un certain espace de temps; après quoi il avait fait venir la comtesse du Barri, et lui avait adressé la parole à peu près en ces termes : « Il est temps, Madame, que nous nous quittions. » Suit une autre version plus vraisemblable sur le même fait, savoir que le roi, après en avoir conféré avec le duc d'Aiguillon, avait mandé la susdite comtesse, et lui avait dit : « Madame, comme je pense à demander les sacrements, il ne convient pas que vous restiez ici, attendu que je ne veux point qu'il arrive la même chose qu'à Metz. Arrangez votre retraite avec le duc d'Aiguillon; je lui ai donné mes ordres pour que vous ne manquiez de rien; » ce qui semblait annoncer que la retraite de cette dame n'était que momentanée, et commandée par les circonstances seulement. On assurait aussi que la comtesse avait demandé à Mesdames leur protection par une lettre qu'elle avait eu la politique de

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