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plication du jeune disciple, l'adopta. Conseils, présents de livres, exemples, il n'épargna rien pour faire de son parent un homme utile à l'Église et à la patrie. Il se réjouissait de voir son œuvre. prospérer sous ses yeux, et trouvant le nom allemand de Schwarzerd trop barbare, il le traduisit en grec, selon la coutume du temps, et nomma le jeune étudiant Mélanchton. C'est l'illustre ami de Luther. >>

Ainsi entre en scène l'un des plus grands hommes dont la Réforme ait pu s'honorer.

Quant à Reuchlin, il fut, pour la lutte, le théologien et le philologue, comme Érasme en fut l'homme d'esprit et de bon sens. Mais il faut arriver enfin au génie puissant qui remua le monde, et fit adopter ses idées par d'éminentes nations.

Nous n'entreprendrons pas de retracer ici la vie et les travaux de Luther. On sent que M. Merle d'Aubigné est, lorsqu'il parle du réformateur, dans le centre de ses idées et de ses affections. Il le suit, en quelque sorte, pas à pas, et se complaît à initier le lecteur jusqu'aux moindres détails qui concernent son héros. Il voit le doigt de Dieu dans toutes les circonstances de la mission de Luther.

On sait que Luther entra très-jeune dans un couvent d'Augustins à Erfurt. Une étude approfondie des Pères de l'Église, et en particulier d'Augustin, celle encore de quelques théologiens, qui avaient jeté un coup d'œil scrutateur sur l'autorité des papes, tels que Occam et Gerson, firent concevoir au jeune novice des doutes relativement à certains dogmes enseignés par l'Église romaine. Son âme était livrée aux incertitudes, aux angoisses, lorsque arriva, dans son couvent, l'un des principaux chefs de son ordre. C'était Jean Staupitz, l'ami de l'électeur de Saxe Frédéric le Sage, le fondateur de l'université de Wittemberg, vicaire général des Augustins pour toute l'Allemagne. Empruntons encore à M. Merle d'Aubigné le récit de l'entrevue de Staupitz et de Luther. «< Bientôt l'un des frères attira l'attention du vicaire général. C'était un jeune homme d'une stature moyenne, que l'étude, l'abstinence et les veilles avaient amaigri, en sorte que l'on pouvait compter tous ses os. Ses yeux, que l'on compara plus tard à ceux du faucon, étaient abattus; sa démarche était triste; son regard décelait une âme agitée, en proie à mille combats, mais forte, pourtant, et portée à la résistance. Il y avait, dans tout son être,

quelque chose de grave, de mélancolique et de solennel. Staupitz, dont une longue expérience avait exercé le discernement, découvrit aisément ce qui se passait dans cette âme, et distingua ce jeune frère entre tous ceux qui l'entouraient. Il se sentit attiré vers lui, pressentit ses grandes destinées, et éprouva pour son subordonné un intérêt tout paternel. Il avait eu à lutter comme Luther; il pouvait donc le comprendre; il pouvait surtout lui montrer le chemin de la paix, qu'il avait lui-même trouvé. Ce qu'il apprit des circonstances qui avaient amené dans le couvent le jeune Augustin, augmenta encore sa sympathie. Il invita le prieur à le traiter avec plus de douceur, et il profita des occasions que sa charge lui offrait, pour gagner la confiance du jeune frère. S'approchant de lui avec affection, il chercha de toutes manières à dissiper sa timidité, augmentée encore par le respect et la crainte qu'un homme d'un rang aussi élevé que Staupitz devait lui inspirer. »>

La bienveillance de Staupitz pour Luther continua de se manifester. Il lui donna une Bible, en lui disant ce peu de mots : « Que l'étude des Écritures soit votre occupation favorite, » et il l'exhorta à laisser de côté les systèmes des écoles.

"

Il y avait encore loin de ces anxiétés, auxquelles étaient livrés deux esprits inquiets, à la Réformation. Aussi Luther se fit-il or donner prêtre en 1507, deux années après sa conférence amicale avec Staupitz, qui, lui-même, continuait d'exercer le ministère ecclésiastique.

Appelé par l'électeur de Saxe Frédéric, à une chaire de professeur à l'université de Wittemberg, en 1508, Luther abandonna bien vite la scolastique, pour faire des leçons sur la Bible. Il avait étudié à fond le grec et l'hébreu; il put se pénétrer ainsi de l'esprit des livres saints, et l'enseigner à ses élèves. Ses succès comme professeur le décidèrent à prêcher, et ce fut alors que ses doctrines commencèrent à se répandre. Elles prirent plus de force après un voyage qu'il fit à Rome, en 1510. Devenu docteur, il eut occasion de préparer à l'enseignement quelques jeunes théologiens. Il publia des thèses qui eurent un grand retentissement, et qui ren. fermaient ouvertement les germes des doctrines à l'aide desquelles il voulait saper l'autorité de l'Église catholique. Ce n'était pas encore le hardi réformateur qui devait porter un si rude coup à la puissance des papes; l'esprit ne marche pas aussi vite, et ce n'est

que progressivement que l'on arrive au but que l'on n'a fait qu'entrevoir lorsqu'on a commencé à sortir d'un sentier battu.

Après les propositions, plutôt scolastiques que théologiques, contenues dans ses thèses, Luther attaqua les indulgences, dont Tezel faisait commerce en Allemagne.

Ce fut ainsi, et pas à pas, que le réformateur arriva à ses plus grandes hardiesses. On connaît assez sa comparution devant le légat de Vio, surnommé Cajetan, à Augsbourg; la bulle qui l'anathématisa, la diète de Worms, sa condamnation par CharlesQuint, son sauf-conduit, la protestation de Spire, suivie du colloque de Marbourg, et enfin la célèbre confession d'Augsbourg. Tous ces faits sont racontés d'une manière fort intéressante, quoiqu'avec un peu trop de longueurs, dans l'ouvrage de M. Merle d'Aubigné.

Après s'être occupé de l'Allemagne, l'auteur retrace l'histoire de la Réformation en Suisse. Les travaux de Zwingle, d'Écolampade, de Farel, sont analysés par lui avec de grands développements et une touchante sympathie. Puis viendront l'Angleterre, l'Écosse et la France, la France où la Réforme fut vaincue, mais où elle laissa des traces profondes, qui exercèrent leur influence jusque sur les pieux solitaires de Port-Royal, à leur insu, il est vrai, et qui préparèrent la régénération sociale du dernier siècle. Lorsqu'une fois, en effet, une main audacieuse porte le flambeau du libre examen dans les matières de foi, la lumière qui en jaillit ne s'arrête pas, et pénètre bien plus avant que n'avaient pensé ceux qui, les premiers, l'avaient agité.

Au fur et à mesure que M. Merle d'Aubigné avance dans son œuvre, la carrière s'élargit devant lui. Quatre gros volumes lui ont à peine suffi pour nous parler de l'Allemagne et de la Suisse, et il n'a encore fait qu'esquisser les premiers traits de la vie de Calvin.

Nous nous étonnons peu du succès mérité qu'a obtenu ce livre parmi les protestants; il est trop long, et surtout trop mystique pour nous, qui ne professons pas cette croyance; mais ces défauts doivent disparaître pour ceux dont il retrace et glorifie les traditions. M. Merle d'Aubigné est un écrivain distingué; son style, parfois, est empreint d'une couleur biblique trop prononcée, mais il est, en général, pur, élégant, élevé. Nous ne comprenons pas comment les protestants français n'ont pas multiplié les efforts

pour faire connaître, par la voie des Revues et des journaux, un ouvrage d'une telle importance, en présence surtout de la surexcitation de zèle que manifestent leurs adversaires.

Plus tard, et lorsque de nouveaux volumes auront paru, nous nous réservons de revenir sur ce livre.

GESCHICHTE DES DEUTSCHEN ADELS Von seinem Ursprunge bis auf die neueste Zeit. Drei Theile. (Histoire de la noblesse allemande depuis son origine jusqu'à nos jours. 3 volumes in-8°); par M. le docteur de STRANTZ. Breslau, tomes I et II, 1845; tome III, 1846; en tout 585 pages.

L'Histoire de la Noblesse allemande comprend trois grandes divisions: le moyen âge en général, la féodalité, les temps modernes. Chacune de ces parties, dans l'ouvrage de M. de Strantz, forme un volume à part.

Un résumé très-succinct de l'histoire générale de l'Allemagne, depuis l'année 450 jusqu'en 1519, sert d'introduction à l'auteur. Ce premier chapitre renferme aussi les commencements de la monarchie des Francs, chez lesquels le régime féodal reçut une organisation complète. Voici comment l'auteur explique l'origine de la noblesse allemande : Au retour des combats, les Herzoge (ducs) et les Grafen (comtes) récompensèrent la valeur de leurs hommes (Leute, d'où le mot leudes) par de riches présents; ils leur donnèrent d'abord une part du butin, de belles armes, des prisonniers, puis des terres. Les bénéfices, en se multipliant, restreignirent déjà le nombre des terres allodiales, qui disparurent plus tard avec la classe des hommes libres. Dans les Gaules, la royauté s'était arrogé le pouvoir de disposer de la terre conquise; les rapports des suzerains, des seigneurs, des vassaux, ne tardèrent pas à se régulariser. La féodalité n'était pas encore constituée; mais la distinction des personnes était établie. Sous les fils du premier conquérant, la royauté faiblit; Chlotaire II commença, et les rois fainéants achevèrent de briser l'œuvre de Clovis. Il fallut l'épée toute-puissante de Charlemagne pour contenir, pendant trente ans, la turbulence des vassaux, encouragée par les officiers impériaux. A la mort de ce prince, les vassaux allemands et français reconnurent, pen.

dant quelques années, un suzerain commun. Mais le traité de Verdun, en séparant les trois royaumes de France, d'Italie et de Germanie, prépara la dissolution consommée par la diète de Tribur, où les seigneurs déposèrent Charles le Gros, pour poser la couronne sur la tête d'Arnulf, le premier des empereurs allemands. Dès lors, la noblesse germanique acquiert des forces redoutables. Là, comme en France, l'hérédité des fiefs, et surtout l'hérédité des titres, ont porté le coup mortel au pouvoir royal. Mais en France, Hugues Capet a recueilli l'héritage d'une race dégénérée; Louis VI, Philippe-Auguste, saint Louis, Philippe le Bel, vont rétablir l'égalité dans la lutte, et triompher de l'anarchie. En Allemagne, au contraire, les rôles restèrent intervertis plus longtemps, et ce ne fut qu'après le grand interrègne, à l'avénement de Rodolphe de Habsbourg, que les empereurs parvinrent à ressaisir une partie de leur ancienne autorité.

M. de Strantz, dans son premier volume, nous a montré les efforts de la noblesse naissante, pour obtenir, et même arracher des terres, des titres et des droits. Ces droits furent d'abord ceux de tous les liberi homines; ils appartinrent, plus tard, exclusivement aux nobiles ou adelingi. Les grands emplois de la cour impériale, les offices importants, la création des marechalci, des camerarii, des pincernæ, des dapiferi, dont les charges conféraient à ceux qui en étaient investis les prérogatives les plus étendues, contribuèrent puissamment à l'éclat de la noblesse. C'est parmi ces plus anciens dignitaires, en effet, qu'il faut rechercher les prédécesseurs de ces princes qui, en 1273, étaient déjà assez forts pour faire un empereur. Ils conservèrent même, au temps de leur puissance, ces charges qui, loin de les humilier, ne firent qu'accroître leur importance.

Avec l'hérédité des fiefs et des titres naquit aussi l'hérédité des gouvernements. Les seigneurs, devenus les égaux des rois, se servirent peu à peu de toutes les formules qu'employait habituellement le pouvoir souverain: dès 816, un comte s'intitulait: Warinus GRATIA DEI comes. Le terme honorifique de dominus, jadis le partage exclusif des rois, fut appliqué à toute la noblesse, et finit par précéder le nom de chaque seigneur. Au IXe siècle, les familles nobles avaient déjà commencé à prendre le nom de leurs terres. Cette coutume se perpétua, et devint la meilleure garantie de leur ancienneté.

Après avoir exposé les empiétements successifs des seigneurs sur la couronne, M. de Strantz cite les ordonnances rendues par les empereurs, en faveur de leurs grands vassaux. Conrad II accorda aux princes la faculté d'augmenter leur suite d'un maréchal, d'un chambellan, d'un échanson, et d'un écuyer tranchant, leur communiquant ainsi, quant à l'extérieur, quelque chose de la dignité impériale. L'auteur parle ensuite des voyages des empereurs à Rome (Römerzüge), où ils se faisaient couronner par les papes. Cet usage, consacré depuis Charles le Grand, exerça une grande influence sur les mœurs de la noblesse, qui préféra bientôt la pourpre et de vains honneurs à des concessions solides. Chaque fois que l'empereur donnait, comme fief, à un prince,

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