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EXPOSITION

DU SYSTÈME DE PYTHAGORE, DE PLATON, ete.

Sur la nature des ames et sur leur état après la dissolution du corps,

POUR LE SIXIÈME LIVRE DE L'ÉNÉÏDE.

PYTHAGORE, né, comme on le croit communément, à Samos, du temps de Servius Tullius, roi des Romains, fut le premier qui enseigna dans la Grèce et en Italie la métempsycose, ou la transmigration des ames d'un corps dans un autre; doctrine qu'il avoit prise des Égyptiens dans le cours de ses voyages. Il disoit que Dieu étoit un pur esprit, une substance simple, impassible, qui ne pouvoit tomber sous les sens ui être aperçue par les yeux du corps; que ce Dieu avoit produit par son action tout ce qui existe dans cet univers visible. Cet esprit éternel est, selon lui, l'ame du monde, dont la matière est le corps. Dans cette ame universelle sont puisées toutes celles des hommes et des animaux ; mais après la mort, ces ames vont aussitôt habiter d'autres corps. Il se souvenoit d'avoir été d'abord Athalide, fils de Mercure; en second lieu, Euphorbe, fils de Panthus; ensuite Hermosine, puis Pyrrhus, pêcheur de l'ile de Délos, et enfin Pythagore. O merveilleuse mémoire! s'écrie Lactance; sans doute que Mercure avoit donné à Pythagore le singulier privilége de savoir et de retenir tout ce qui se passoit de son vivant et lorsqu'il étoit mort. Il est

donc sûr, à l'en croire, que les ames, au sortir d'un corps, alloient tout de suite dans un autre?

Semperque priore relictà

Sede, novis habitant domibus vivuntque receptæ.

се

Elles n'entroient donc point dans les Enfers. Cependant on prétend que, par une étrange contradiction, cel même philosophe se souvenoit, non seulement de ses transmigrations, mais encore de ce qu'il avoit souffert lui-même et vu souffrir aux autres dans l'Enfer. Oa penseroit peut-être, pour concilier Pythagore avec luimême, qu'il admettoit la métempsicose en supposant cependant que l'ame, en sortant d'un corps, n'alloit point en habiter un autre avant d'être descendue dans les lieux d'expiation; mais on se tromperoit ce philosophe n'admettoit point de milieu ni d'intervalle entre la sortie d'une ame et son entrée d'un corps dans un nouveau corps; il ne connoissoit ni l'Acheron ni le Styx:

O genus attonitum gelida formidine mortis!

Quid Styga, quid tenebras et nomina vana timetis,
Materiem vatum falsique pericula mundi?

dit-il chez Ovide. Il ne faut pas croire que ce sage se soit contredit si grossièrement, ni ajouter foi à une autre fable que l'on débite sur son compte. On prétend qu'il s'enferma secrètement dans un souterrain ; que pendant qu'il y demeura, sa mère l'instruisoit de tout ce qui se passoit dans son absence; qu'il en sortit enfin avec un visage pâle et livide, et raconta qu'il venoit des Enfers. Tout le peuple en fut persuadé quand on lui entendit faire le récit de ce qu'il pa

roissoit devoir ignorer. Il n'est pas possible qu'il ait semé dans le public une fable qui renversoit toute sa doctrine.

Socrate et Platon vinrent en suite et adoptèrent son systême; mais Platon y fit de grands changemens.

Suivant lui, Dieu sépara le chaos en quatre élémens, l'eau, la terre, l'air et le feu, et de ces élémens, il composa le corps du monde. Ce corps a différens membres ou différentes parties : les plus basses sont la terre et l'eau, la plus élevée est le ciel; les moyennes sont le soleil, les astres et la lune. C'est la lune qui sépare ces astres et le ciel, de l'eau et de la terre.

Les quatre élémens se trouvent dans les sphères inférieures à la lune, mais tous dans leurs sphères propres, dans leurs formes particulières et grossières; au lieu que s'ils sont dans les sphères supérieures, c'est d'une manière incomparablement plus excellente, Là ils sont sensibles seulement par leurs qualités et leurs effets. Les corps célestes, en effet, retiennent de la nature du feu, la lumière et le mouvement; de la nature de l'air, Ja clarté, la transparence; de la nature de l'eau, je ne sais quelle teneur douce, molle et comme fluide; enfin de celle de la terre, la solidité; mais ces élémens ont dépouillé leur forme pour s'unir ensemble sous celle du feu, qui est la plus pure, et composent le plus parfait des mixtes.

A ce corps se joint une ame, qui s'appelle l'ame du monde, et elle est spirituelle. Ici Platon diffère de Pythagore en ce qu'il regarde cette ame comme l'ouvrage de Dieu, au lieu que Pythagore la regardoit comme Dieu même. C'est probablement le système de Pythagore qui a donné à Spinosa l'idée du sien. Selon cet athée,

il n'y a dans la nature qu'une seule substance étendue et pensante. Cette substance unique est Dieu; tous les êtres visibles, tous les corps, sont des modifications de Dieu, ou de cette substance en tant qu'étendue; et nos ames sont aussi des portions et des modifications de cette même substance en tant que pensante. Spinosa s'accorde avec Pythagore, en ce qu'il veut que Dieu soit l'ame du monde, et que nos ames soient des portions de la divinité. Il en diffère en ce qu'il prétend que Dieu ou l'ame du monde est aussi le corps. Ce que nous venons de dire suffit pour faire voir que Spinosa avoit des idées bien moins saines et bien moins nobles de Dieu et

de nos ames que Pythagore et Platon. Ceux des anciens qui distinguoient de Dien cette ame universelle, comme ceux qui la confondoient avec lui, s'accordent à lui donner l'intelligence. Les ames particulières des hommes et des animaux en étoient des parties détachées. Elle avoit donc, quoique spirituelle, la vertu productive ou séminale. Elle pouvoit donc former et tirer de son sein d'autres ames sans rien perdre, à peu près comme la lumière d'un flambeau en allume d'autres, et se répand, sans altération, sans diminution. Et de même que ces différentes parties de lumière, une fois séparées, peuvent se rejoindre si on les rapproche, et ne former plus qu'un corps lumineux; de même aussi toutes ces ames particulières avoient la faculté de se réunir toutes ensemble pour ne composer plus qu'une seule ame, qui étoit celle du monde. Ainsi, du sein de la mer sort, par des conduits souterrains, une partie des eaux qui doivent former des rivières et des fleuves; et ces eaux, après bien des détours, viennent se jeter dans la mer, pour ne composer plus qu'un tout avec elle.

Voici comment Platon expose en particulier cette partie du système.

L'Etre éternel, père des dieux inférieurs, tels que Saturne, Jupiter, le Ciel, la Terre, Rhée, etc., forma d'abord l'ame du monde, on ne sait de quoi. C'étoit d'un certain mélange, temperatura, dont on iguore la nature; ce qui pourroit faire penser que, suivant l'opinion de ce philosophe, l'ame du monde et les ames humaines n'étoient point purement spirituelles, puisqu'elles étoient plutôt une espèce de composition. Quoi qu'il en soit, nous ne nous arrêterons pas à éclaircir ce point. On a prétendu que les anciens n'attachoient point au mot esprit la même idée que nous y attachons, et que, bien loin de le regarder comme une substance simple et absolument distincte de la matière, ils croyoient que ce n'étoit que les parties de la matière les plus fines et les plus déliées. En ce cas-là, quelle idée avoient-ils de la nature de Dieu ?

Lorsque l'ame du monde fut formée, Dieu composa des restes de cette ame, des ames particulières, et les jeta comme de la semence sur le soleil et les astres : ce qui a fait croire à quelques Platoniciens que l'ame universelle et les ames particulières étoient composées de cette espèce de cinquième élément, de cette quintessence des élémens dont nous avons parlé, en un mot, de ce mixte parfait qui, sous la seule forme du feu, est répandu sur les corps célestes, au-dessus de la lune.

Ces ames particulières semées sur les astres étoient portées comme sur un char et contemploient de là tout l'univers. Le grand dieu permit aux dieux inférieurs de former des corps vivans: ils les formèrent de l'assemblage des élémens divers, et leur donnèrent deux ames;

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