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DU QUATRIÈME LIVRE DE L'ÉNÉIDE.

(1) M.PARSEVAL-GRANDMAISON, auteur des Amours épiques, poëme dans lequel il a réuni les épisodes célèbres sur l'amour, a traduit ou imité avec succès le quatrième livre de l'Énéïde. Voici comment il rend le discours de Didon à sa sœur :

«Oh! quels songes, ma sœur, me glacent d'épouvante!
Quel mortel étonnant le Destin nous présente!
Quel éclat dans ses traits! quelle héroïque ardeur!
Oui, c'est un fils des dieux, si j'en crois sa valeur;
Un cœur foible trahit une race vulgaire.

Dieux, quels coups l'ont frappé! quelle terrible guerre
A signalé l'ardeur qui bouillonne en son sein!
Si je n'eusse arrêté l'immuable dessein

De ne plus à l'hymen assujettir mon ame,
Depuis que d'un époux la mort trahit ma flamme,
Si tout nœud désormais ne m'étoit en horreur,
Lui seul encor peut-être auroit séduit mon cœur.
Oui, je te l'avouerai, depuis la mort cruelle
De Sichée, immolé par la main fraternelle,
Seul il m'a su toucher ; j'ai senti dans ce jour
Un trouble... qui ressemble à mon premier amour.
Mais que plutôt la terre en ses gouffres m'entraîne,
Que plutôt Jupiter de sa main souveraine

Me foudroie, et me plonge en ce séjour affreux,
Des morts, des pâles morts abyme ténébreux,
Avant que je t'outrage, ô pudeur adorée !
O toi, qui pour mon cœur seras toujours sacrée !

Mon époux emporta mes premières amours;

Qu'avec lui dans sa tombe il les garde toujours. »

(Note de l'Éditeur.)

(2) M. Le Franc a imité ce passage dans sa tragédie

de Didon:

Voyez dans quels climats vous fixent les destins.
Contre les noirs projets de votre injuste frère,
Pensez-vous que les flots vous servent de barrière?
Les pavillons de Tyr sont les rois de la mer.
Ici, les Africains, peuple indomptable et fier;
Plus loin, d'affreux écueils, des rochers et des sables,
D'un pays inconnu limites effroyables;

De stériles déserts, de vastes régions

Que l'œil ardent du jour brûle de ses rayons,

Sont d'éternels remparts, dans l'état où nous sommes,
Entre tous vos sujets et le reste des hommes.
Pour mettre en sûreté votre sceptre et vos jours,
Aux autels de l'Hymen implorez du secours,

(3) M. J. Lombard, conseiller intime du roi de Prusse, à qui la littérature française est redevable d'une belle traduction en vers du quatrième livre de l'Énéïde, publiée plusieurs années avant celle de M. Delille, a rendu ainsi ce morceau :

La reine prend la coupe, et tour à tour épanche
Un vin pur sur le front d'une génisse blanche,
Ou, prodiguant l'encens qui plaît aux immortels,
Marche silencieuse autour de leurs autels,
Ou s'approche en tremblant des victimes sanglantes,
Et craint d'interroger leurs entrailles fumantes.
Art trompeur! vain espoir qui redouble ses feux!
Est-il contre l'amour des temples et des vœux?

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S'accroît de ses combats et court de veine en veine :
Elle erre en gémissant dans l'enceinte des tours,
Et s'évite sans cesse et se trouve toujours.
Telle, atteinte au côté d'une flèche trop sûre,
Une biche en fuyant ne fuit pas sa blessure,
Et par-tout, dans les bois, sur les monts ignorés,
Porte le trait fatal dans ses flancs déchirés.

M. Parseval-Grandmaison l'a imité de cette manière :

La reine, qui d'amour est encore embellie,
Saisissant d'un vin pur une coupe remplie,
Au front d'une génisse en verse la liqueur,
Puis, à l'aspect des dieux qu'elle invoque en son cœur,
Marche autour des autels chargés de ses offrandes,
Y conduit les taureaux, les orne de guirlandes,
Et dans leurs flancs ouverts que dévorent ses yeux,
Consulte avidement la réponse des dieux.

O frivole science! inutiles augures!

Eh! que peuvent, hélas! pour fermer ses blessures,
Des temples et des vœux les stériles secours?
Un feu qui la consume, et qui s'accroît toujours,
Embrase tous ses sens, court dans toutes ses veines,
Et son cœur déchiré se complaît dans ses peines.
Didon brûle, et déjà, délirante d'amour,
Elle égare ses pas dans ses murs, dans sa cour.
Ainsi quand un chasseur dans les bois de la Crète
A surpris une biche au fond de sa retraite,

Et d'un trait imprévu la perce dans le flanc,
La biche qui parcourt les bois teints de son sang,
Veut en vain échapper à sa douleur cruelle,
Elle emporte la flèche et la mort avec elle.

Ce passage a inspiré à Racine plusieurs beaux vers

qui en sont évidemment une imitation. C'est Phèdre qui parle :

De victimes moi-même à toute heure entourée,
Je cherchois dans leurs flancs ma raison égarée;
D'un incurable amour remèdes impuissans!
En vain sur les autels ma main brûloit l'encens :
Quand ma bouche imploroit le nom de la déesse,
J'adorois Hippolyte; et, le voyant sans cesse,
Même aux pieds des autels que je faisois fumer,
J'offrois tout à ce dieu que je n'osois nommer.

M. Deguerle, dans son poëme inédit d'Enone et Pâris, imité ainsi la comparaison :

Comme la biche atteinte à l'insu d'un chasseur,
Si le trait acéré pénètre au fond du cœur,

Elle fuit: vains efforts! la blessure est mortelle ;
A ses flancs attaché le trait vole avec elle.

(Note de l'Éditeur.)

(4) « Quelquefois Calypso vouloit que Télémaque recommençât cette longue histoire de ses aventures; puis tout à coup elle l'interrompoit elle-même, etc. >>

(5) « Télémaque considéroit Eucharis qui s'éloignoit de lui... Lors même qu'il la perdit de vue, il prêtoit encore l'oreille, s'imaginant entendre sa voix. Quoique absente, il la voyoit; elle étoit peinte et comme vivante devant ses yeux. »

Addition de l'Éditeur. M. Lombard a rendu ainsi tout

ce morceau :

Didon ne voit qu'Énée, et déjà moins timide,
Tantôt sur ses remparts le devance ou le guide,
Lui montre ses trésors, l'entretient de ses lois,
Ou bien veut en parler, et demeure sans voix;

Et tantôt, l'enivrant de fêtes et de gloire,
Des combats d'Ilion redemande l'histoire,
Prête le même charme encor aux mêmes mots,
Et suit encor de l'œil les lèvres du héros;
Ou, lorsqu'enfin la nuit et sa pâle courière
Aux douceurs du sommeil invitent sa paupière,
Seule dans son palais, elle appelle le jour,
Cherche en pleurant sa couche et la fuit tour à tour.
Absent, elle le voit, le demande ou l'espère.
Souvent, séduite aussi par l'image du père,
Elle embrasse le fils, le flatte, lui sourit,

Et cherche dans ses traits les traits qu'elle chérit.
Les soins qui l'occupoient ont perdu tous leurs charmes.
Son peuple oisif s'étonne et néglige les armes,
Et ces murs imparfaits, et ces chantiers déserts,
Et ces travaux hardis qui menaçoient les airs.

Ces vers ne laissent rien à desirer pour la fidélité, l'élégance et la précision. M. Delille a traduit plus libre

ment:

Le jour, Didon conduit son amant dans Carthage,
Lui montre la grandeur de son naissant ouvrage,
Ces murs déjà bâtis, cet asile tout prêt,
Veut lui parler, rougit, s'interrompt et se tait.
Le soir, entretenant le feu qui la dévore,
A de nouveaux festins elle l'entraîne encore,
Veut encor l'écouter, lui fait dire cent fois
Ét les mêmes malheurs et les mêmes exploits,
Le suit dans Troye en cendre; et son ame éperduc
Aux lèvres du héros demeure suspendue.

Enfin, lorsque la nuit l'arrache à ce héros,
Lorsque l'ombre paisible invite au doux repos,
A son palais désert redemandant Énée,
Seule, dans le silence, elle erre abandonnée ;

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