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NOTES ET IMITATIONS

DU NEUVIÈME LIVRE DE L'ÉNÉIDE.

́(1) M. GASTON traduit ainsi :

Tel un loup, dans la nuit, par les vents tourmenté,
Veille autour des barreaux qui défendent sa proie :
Sur le sein maternel l'agneau bêle avec joie;

Le monstre s'en irrite, il ouvre, mais en vain,
Un gosier pantelant que dessèche la faim,

Et dévore en espoir une victime absente.

Le Tasse, au dix-neuvième chant de la Jérusalem, nous représente Renaud mesurant des yeux la hauteur du temple de Salomon, et en parcourant rapidement la circonférence pour y chercher un étroit passage; il le compare aussi à un loup affamé rôdant autour d'ane bergerie :

Qual lupo predatore all' aer bruno

Le chiuse mandre insidiando aggira,
Secco l'avide fauci, e nel digiuno
Da nativo odio stimolato e dira.

(Note de l'Éditeur.)

(2) Quelques critiques, babitués à juger les chefsd'œuvres de l'antiquité comme on juge ceux de son propre siècle, ont traité d'invraisemblable et même de ridicule la métamorphose des vaisseaux d'Énée en nym

phes. Sans doute il est certain que la forme et la massé d'un vaisseau ne peuvent s'allier dans notre esprit avec l'idée d'une nymphe, et que de nos jours une pareille invention ne seroit pas impunément employée; mais, dans la haute antiquité, l'apparition d'un vaisseau a dù frapper les spectateurs d'étonnement, et l'on sait que lorsque les Argonautes parurent à l'embouchure de l'Ister, les habitans de ces contrées prirent leurs vaisseaux pour des monstres marins, et s'enfuirent de toutes parts, en abandonnant leurs troupeaux à l'aventure. La fable de la métamorphose du navire Argo en étoile s'étoit accréditée dans l'ancienne Grèce; et Virgile, qui connoissoit aussi bien que nos modernes les bornes de la vraisemblance, a pu profiter de ces traditions, et s'en faire un appui en faveur de la fiction qu'il avoit imaginée. Nous dirons donc avec M. Delille, à qui nous avons emprunté l'idée de cette note, que, pour apprécier justement le mérite des anciens, il ne suffit pas de consulter l'impression que leurs ouvrages font sur notre esprit, mais qu'il faut examiner aussi l'impression qu'ils dûrent faire sur l'esprit de leurs contemporains. (Note de l'Éditeur.)

(3) L'épisode de Nisus et d'Euryale est un des plus beaux qu'ait jamais conçus la poésie épique chez les anciens et les modernes. Il est imité du dixième livre de l'Iliade, où Homère représente Ulysse et Diomède qui s'introduisent la nuit dans le camp des Troyens, font un grand carnage parmi les troupes d'Hector, et reviennent emmenant avec eux les chevaux de Rhésus. Mais combien l'imitation est au-dessus du modèle! et quelle noblesse dans le motif des deux jeunes guerriers qui se

dévouent au salut des Troyens ! c'est le sublime du courage et l'héroïsme de l'amitié.

Ovide semble avoir eu devant les yeux ce tableau touchant lorsqu'il a décrit, dans le cinquième livre des Métamorphoses, la mort d'Atys et de Lycaon, deux Céphéniens tués par Persée.

:

L'Arioste a calqué sur ce même épisode celui de Médor et de Cloridan les situations, les circonstances, sont à peu près les mêmes; mais, malgré tout le charme qu'il a répandu dans sa narration, la supériorité est demeurée à Virgile.

Le Tasse, au douzième chant de la Jérusalem délivrée, nous représente Argant et Clorinde partant au milieu des ténèbres, après avoir fait approuver leur dessein par Aladin et son conseil, pénétrant dans le camp des chrétiens et brûlant la tour qui menaçoit Solime. Ils sont poursuivis; Argant rentre seul dans la ville, dont les portes se ferment sur Clorinde, qui combat vail

lamment et succombe enfin sous le fer de Tancrède. Plusieurs détails de cet épisode sont copiés, mot pour mot, de celui de Nisus et Euryale.

Les beaux vers de Virgile ont été traduits par un grand nombre de poëtes français. Outre ceux que nous aurons occasion de citer dans ces notes, nous nommerons encore MM. de Nivernois, La Chabeaussière, Tissot, dont les imitations se trouvent à la suite de leurs œuvres : elles sont généralement assez foibles, et c'est ce qui nous a décidés à n'en pas faire usage; nous nous contentons de les indiquer aux lecteurs comme morceaux de comparaison et de rapprochement.

(Note de l'Editeur.)

(4) Traduction de cette comparaison par M. Delille :

Avec moins de fureur, terrible et l'œil en feu,
Au sein d'une nombreuse et vaste bergerie,
Un lion, dont la faim excite la furie,
Des muettes brebis et des tremblans agneaux
Saisit, déchire, emporte, engloutit les lambeaux;
Et, frémissant de rage et la gueule écumante,
Répand au loin le sang, la mort et l'épouvante.

(5) Traduction de M. Delille:

(Note de l'Éditeur.)

A cet aspect affreux,

Égaré, hors de lui, son ami malheureux

Ne peut plus supporter sa pénible contrainte;

Il se montre, il s'écrie, enhardi par la crainte :

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Moi, c'est moi! sur moi seul il faut porter vos coups:

Cet enfant n'a rien fait, n'a rien pu contre vous;

'Arrêtez! me voici, voici votre victime;
Épargnez l'innocence, et punissez le crime.
Hélas! il aima trop un ami malheureux,
Voilà tout son forfait, j'en atteste les dieux! »
Durant ce vain discours, par la lance mortelle
Déjà frappé de mort Euryale chancelle;

Il tombe: un sang vermeil rougit ce corps charmant;
Il succombe, et son cou penché languissamment
Laisse sur son beau sein tomber sa jeune tête:
Tel languit un pavot courbé par la tempête;
Tel meurt avant le temps, sur la terre couché,
Un lis
que la charrue en passant a touché.
Nisus court, Nisus vole, aussi prompt que l'orage;
C'est Volscens que choisit, que demande sa rage.
On l'entoure, on s'oppose à ses transports fougueux :
Inutiles efforts! le glaive furieux

Tourne rapidement dans sa main foudroyante;

Volscens pousse un grand cri: dans sa bouche béante

Le fer étincelant plonge, et finit son sort.

Ainsi l'heureux Nisus donne et trouve la mort:

Percé presque à l'instant de la lance fatale,
Il se jette mourant sur son cher Euryale,

De son dernier regard cherche encor son ami,

Meurt, et d'un long sommeil s'endort auprès de lui.

Couple heureux, si mes vers vivent dans la mémoire,
Tant qu'à son roc divin enchaînant la victoire
L'immortel Capitole asservira les rois,

Tant

que le sang d'Énée y prescrira des lois,
A ce touchant récit on trouvera des charmes,
Et le monde attendri vous donnera des larmes.

Cette comparaison d'Euryale à une fleur coupée par le tranchant de la charrue, et qui languit à terre, ou à des pavots qui, surchargés de pluie, penchent leur tête superbe et courbent leur cou fatigué, a été imitée par Ovide, qui dit, au dixième livre de ses Métamorphoses, en parlant de la mort du jeune Hyacinthe :

Ut si quis violas, riguoque papavera in horto,
Liliaque infringat fulvis hærentia virgis ;
Marcida demittant subitò caput illa gravatum,
Nec se sustineant, spectentque cacumine terram:
Sic vultus moriens jacet, et defecta vigore
Ipsa sibi est oneri cervix, humeroque recumbit.

L'Arioste l'a employée aussi au dix-huitième chant de son poëme, lorsqu'il dit, à l'occasion de la mort de Dardinel :

Come purpureo fior languendo more,
Che'l vomere al passar tagliato lassa,

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