Sous ces tyrans victorieux. Écoutez Pallas qui vous crie: Vengez-moi! vengez ma patrie! Vous irez après aux saints lieux.
Je veux ressusciter Athènes. Qu'Homère chante vos combats, Que la voix de cent Démosthènes Ranime vos cœurs et vos bras. Sortez, renaissez, Arts aimables, De ces ruines déplorables
Qui vous cachaient sous leurs débris; Reprenez votre éclat antique, Tandis que l'Opéra-Comique Fait les triomphes de Paris.
Que des badauds la populace S'étouffe à des processions, Que des imposteurs à besace Président aux convulsions, Je rirai de cette manie; Mais je veux que dans Olympie Phidias, Pigal, ou Vulcain,
Fassent admirer à la terre
Les noirs sourcils du Dieu mon père,
Et mettent la foudre en sa main.
C'est par moi que l'on peut connaître
Le monde antique et le nouveau;
Je suis la fille du grand Être,
Et je naquis de son cerveau. C'est moi qui conduis Catherine Quand cette étonnante héroïne, Foulant à ses pieds le turban, Réunit Thémis et Bellone,
Et rit avec moi, sur son trône, De la Bible et de l'Alcoran.
Je dictai l'Encyclopédie,
Cet ouvrage qui n'est pas court, A d'Alembert que j'étudie,
A mon Diderot, à Jaucourt; J'ordonne encore au vieux Voltaire De percer de sa main légère Les serpents du sacré vallon;
Et puisqu'il m'aime et qu'il me venge, Il peut écraser dans la fange
Le lourd Nonotte et l'abbé Guion.
Tu reviens après deux cents ans, Jour affreux, jour fatal au monde: Que l'abyme éternel du temps Te couvre de sa nuit profonde! Tombe à jamais enseveli Dans le grand fleuve de l'oubli, Séjour de notre antique histoire! Mortels, à souffrir condamnés, Ce n'est que des jours fortunés Qu'il faut conserver la mémoire.
C'est après le triumvirat Que Rome devint florissante. Un poltron, tyran de l'état, L'embellit de sa main sanglante. C'est après les proscriptions Que les enfants des Scipions Se croyaient heureux sous Octave. Tranquille et soumis à sa loi, On vit danser le peuple-roi En portant des chaînes d'esclave.
Virgile, Horace, Pollion, Couronnés de myrte et de lierre, Sur la cendre de Cicéron Chantaient les baisers de Glycère; Ils chantaient dans les mêmes lieux Où tombèrent cent demi-dieux Sous des assassins mercenaires; Et les familles des proscrits Rassemblaient les Jeux et les Ris Entre les tombeaux de leurs pères.
Bellone a dévasté nos champs Par tous les fléaux de la guerre: Cérès par ses dons renaissants A bientôt consolé la terre. L'enfer engloutit dans ses flancs Les déplorables habitants
De Lisbonne aux flammes livrée; Abandonna-t-on son séjour?... On y revint, on fit l'amour, perte fut réparée.
Tout mortel a versé des pleurs; Chaque siècle a connu les crimes; Ce monde est un amas d'horreurs, De coupables, et de victimes. Des maux passés le souvenir Et les terreurs de l'avenir
Seraient un poids insupportable: Dieu prit pitié du genre humain; Il le créa frivole et vain,
Pour le rendre moins misérable.
SUR LE PASSÉ ET LE PRÉSENT.
Si la main des rois et des prêtres Ébranla le monde en tout temps, Et si nos coupables ancêtres Ont eu de coupables enfants, O triste Muse de l'histoire, Ne grave plus à la mémoire Ce qui doit périr à jamais! Tu n'as vu qu'horreur et délire. Les annales de chaque empire Sont les archives des forfaits.
La fable est encor plus funeste; Ses mensonges sont plus cruels. Tantale, Atrée, Égiste, Oreste, N'épouvantez plus les mortels.
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